Relance culturelle : l’État laisse les collectivités en première ligne

— Par Yves Perennou —

Villes, Départements et Régions ont géré l’urgence de leurs structures culturelles pour leur éviter la déroute financière. Désormais, se profile l’organisation du futur « été apprenant ».

L’État reste attendu pour la définition du cadre sa­nitaire et d’un plan de re­lance. Pour l’heure, c’est vers les collectivités que les structures culturelles se tournent pour de l’aide concrète. Dès avril, bon nombre de Villes et quelques Dé­partements les ont assurées du maintien des subventions « y compris lorsque des spectacles et événements sont annulés d’ici au 31 août », comme on le précise au Havre, où les associations tou­cheront les subventions votées sans avoir à produire les justifi­catifs habituels. Même son de cloche à Besançon où la mairie indique que les dossiers ont été instruits sans tenir compte du taux d’activité ni de l’annulation des manifestations. Les associa­tions percevront leur subvention et un bilan au cas par cas sera fait en fin d’année au vu des aides perçues, des dépenses et des éco­nomies réalisées. Un ajustement se fera sur l’exercice 2021.

Honorer les commandes

Alors que les lieux culturels sub­ventionnés avaient la consigne d’honorer les commandes autant que possible, bon nombre d’ar­tistes et techniciens employés en direct par des villes se sont retrouvés face à des annulations sèches d’embauche. Au contraire, la Ville de Caen a donné l’exem­ple, annonçant que, malgré l’an­nulation de sa saison estivale Éclats de rue, elle s’engageait à régler l’ensemble des coûts de cession des 46 compagnies pro­grammées. Et 9 compagnies qui étaient accompagnées en pro­duction par la Ville verront leur aide renforcée. À Saint-Étienne, l’adjoint à la culture assure que les intermittents engagés par l’opéra ou pour les événements de la Ville ont été soutenus : « Nous avons été pragmatiques et avons réglé même s’il y avait des incertitudes juridiques, au regard des règles de comptabilité publique », déclare Marc Chassaubéné. Les subventions aux associations sont maintenues selon les engagements initiaux. Un autre coup de pouce est la suspension du versement des loyers municipaux. C’est le cas à Rennes et Nantes, deux villes qui abondent des fonds d’aide régionaux aux petites en­treprises et aux associations. Nantes, qui assure avoir main­tenu ses engagements d’achat de spectacles, a organisé une cellule de veille pour les acteurs cultu­rels. L’une des difficultés des associations est en effet de s’y retrouver dans les dispositifs d’aides de l’État et des Régions. Des Départements comme la Loire-Atlantique, la Haute-Ga­ronne, la Manche, ont aussi mis en oeuvre des fonds de soutien.

Quelle offre cet été ?

Après l’urgence, comment se pré­sente le déconfinement au niveau des villes ? L’association France urbaine, qui réunit les grandes villes et agglomérations, a publié une série de fiches de préparation à la reprise. Elle demande « une doctrine claire et détaillée de la part de l’État concernant le calen­drier et les conditions sanitaires de réouverture des différents éta­blissements », des règles pour chaque filière et suggère de met­tre « à disposition des espaces de travail pour que des équipes ar­tistiques puissent reprendre les ré­pétitions et les créations ». France urbaine réclame des instances de concertation avec l’État et sou­haite « dès que possible, relancer l’emploi artistique et technique dans les établissements culturels ou à travers des événements adap­tés au contexte ». Les Villes sont en pleine réflexion pour proposer des activités artistiques dès cet été. Elles sont confrontées au manque de visibilité, notamment sur la jauge possible. La préoc­cupation des collectivités est de relancer l’attractivité touristique, mais aussi d’occuper des habi­tants qui ne partiront pas en vacances. Emmanuel Macron a parlé d’un « été apprenant ». Pour les Villes, cela implique d’utiliser des lieux culturels pour des acti­vités, alors qu’elles ne sont pas sûres de pouvoir ouvrir les bases de loisirs et les piscines au plus chaud du mois d’août.

YVES PERENNOU

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