Réforme des retraites : Les femmes, premières victimes, et les femmes de Martinique encore plus !

Réflexion et interrogation sur la situation de nos agricultrices non-salariées

— Par l’Union des Femmes de Martinique —

Dans le contexte général de la Réforme des retraites qu’en est-il de la situation des femmes Agricultrices ?

L’agriculture est dotée de règles particulières :

Elle relève socialement du régime de la Mutualité Sociale Agricole (MSA), AMEXA (en Martinique), fiscalement du régime des bénéfices agricoles, juridiquement, l’activité de nature civile, n’est ni commerciale, ni industrielle, ni artisanale. Elle est régie par un code particulier, le Code rural.

Comment arrivent-elles dans le milieu agricole ?

Elles y arrivent très peu par choix, par filiation, par le biais du mariage, et ou par décision de réorientation pour intégrer le bio ou le concept du développement durable

Quel est leur statut ?

Elles peuvent être :

  • Salariées et bénéficient du régime général, et comme toutes les femmes au travail, elles subiront les effets de la « contreréforme Born » : L’allongement de la durée de cotisation à 43 ans qui pénalise particulièrement les femmes plus concernées par des carrières incomplètes, et les bas salaires. Salariées agricoles, travail saisonnier bas salaires et pénibilité du secteur sont des facteurs aggravant leurs parcours et carrières.

La loi prévoit la possibilité de partir à la retraite de façon anticipée en cas de pénibilité, or la pénibilité qui caractérise les « métiers féminins » (caissières, femmes de ménage, aides-soignantes, aides à domicile, agricultrices…) est très peu prise en compte puisque que trois critères supprimés par Macron en 2017 ne seront pas réintroduits dans la loi. (port de charges lourdes, postures pénibles, vibrations mécaniques). Le quatrième critère (exposition aux risques chimiques provoquant des maladies à long terme qui rajoute sur nos territoires Guadeloupe, Martinique, une couche à l’injustice sociale des victimes du chlordécone est lui aussi supprimé.

  • Conjointes d’exploitation, Femmes de Mr X, elles sont co-exploitantes, et plus souvent reconnues comme « Aide à l’exploitation » assurant aussi la partie administrative de l’exploitation. Elles seront sans salaire et donc sans déclaration, et sans cotisations versées et leur droit répondent plus du droit de la famille que du droit du travail.
  • Exploitantes agricoles, elles sont affiliées au régime particulier de l’Assurance Maladie des Exploitants Agricoles (AMEXA) et ne seront éligibles à l’action sociale (aides ménagères, aide à l’équipement ménager, à l’amélioration de l’habitat, secours exceptionnel, kit prévention). Qu’à compter de 70 ans contre 60 ans pour les salariées agricoles.

Les critères d’affiliation à cette mutuelle reposent sur la surface exploitée et les heures travaillées. La surface travaillée doit être justifiée soit par, un titre de propriété, un bail rural ou un commodat, d’une parcelle d’un minimum de 2 hectares pondérés pour le maraichage et de 4 hectares pondérés pour la diversification

Nos agricultrices exploitantes, nos « marchandes de graines bois » peuvent-elles répondre à ces critères ?  

S’agissant de la surface ; la rareté et la complexité d’acquisition des terres agricoles, les exclues d’emblée, et topographie, climat et problèmes d’irrigation ne permettent pas maraichage et diversification sans avoir recours à la mécanisation.

Notons, à ce propos, que l’accès aux terres en friche à déboiser est soumis aux autorisations de l’ONF et de la DAF. A ces autorisations sont annexées le paiement d’une indemnité compensatoire d’1euro au mètre carré déboisé de la superficie concernée.

Le statut de cotisant solidaire ?

Est considéré cotisant solidaire celui qui produit sur une terre, avec une surface trop réduite pour être considéré comme un agriculteur

Le cotisant solidaire verse plusieurs cotisations à la AMEXA. Ces contributions représentent 16 % du revenu agricole mais, n’ouvrent aucun droit à la retraite, ni à l’Assurance maladie : Pour nos agricultrices, c’est la double peine !

La loi d’avenir du 13 octobre 2014 concernant l’agriculture, l’alimentation et la forêt (L.A.A.A.F.) et ses différents décrets d’application permettent l’affiliation à tous les agriculteurs dont les revenus atteignent au moins 800 fois (sur l’année) le SMIC horaire. Pour déterminer ce seuil de revenus, il faut prendre en compte le dernier bénéfice fiscal connu. En 2015, les cotisants de solidarité ont reçu un questionnaire visant à réexaminer leurs droits. De cette façon, ceux qui voient, grâce à la réforme, une possibilité d’être affiliés, versent plus de cotisations. En contrepartie, ils peuvent profiter de droits pour la retraite, comme des trimestres ou des points supplémentaires et des droits concernant l’Assurance maladie également.

 Pourquoi ce statut ne s’applique-t-il pas en Martinique ?

Nouvelle alternative à l’affiliation à l’AMEXA pour nos exploitantes(ts) ?

2 nouveaux modes de production ont été mis en place pour permettre aux agricultrices (eurs) ne disposant pas des surfaces pondérées requises, une affiliation à l’AMEXA :

  1. Les cultures intercalaires – 5 000m² x 4 = 2 ha pondérés

La culture intercalaire est en fait une technique simple et presque aussi vieille que l’agriculture consiste à faire pousser, dans le même champ et simultanément à la culture principale, une espèce destinée exclusivement à améliorer le sol.

Cette technique soulève des contraintes techniques, de cout et de commercialisation, s’adresse-t-elle à nos agricultrices ?

  1. Le temps de travail consacré à l’activité (1200 h/ an)

Ce principe du temps de travail s’applique uniquement pour les activités qui ne sont pas visées par l’arrêté fixant les coefficients de pondération. En outre, les personnes qui ne répondent pas aux conditions du seuil précité de deux hectares pondérés et qui ne bénéficient pas, par ailleurs, d’un régime de protection sociale au titre d’une autre activité professionnelle, bénéficient, comme cela est le cas en métropole, de la couverture maladie universelle

Donc, à quel type d’activités s’adresse cette solution et à qui ?

Les cotisations versées à l’AMEXA permettent-elles une retraite décente à nos agricultrices ?

Cf. Annexe « Barème des cotisations et contributions sociales des non-salariés agricoles pour 2022 ». Source H:\19-RSEA\1- dossiers – techniques\1 – assu- cot\r.32.1- amexa\2022\info officielle\annex2bar22.docx

Des solutions « inadaptés ou onéreuses » pour les structures de petites tailles ?

Le seuil de 2 à 4 hectares pondérés, pour juger de la viabilité d’une exploitation et permettre l’affiliation à la protection sociale agricole, n’est pas adapté à la réalité locale, sociale et économique de notre territoire : En conséquence de nombreuses agricultrices se voient privé-e-s de la reconnaissance officielle de leur métier et se trouvent écartées de couverture sociale et de toutes aides publiques.

Cette réforme est une contre-réforme qui pénalise ENCORE davantage nos agricultrices

Elle ne tient pas compte de leurs « spécificités de territoire », et des « problèmes structurels » de leur profession : l’accès au foncier, couplée par contamination et la pollution des sols.

Elle ne tient pas compte de la charge mentale générée par la recherche de solutions alternatives, qui reste à charge financière.

Elle ne tient pas compte du temps perdu engendré par l’éloignement et l’éparpillement des guichets d’informations !

Nous disons qu’il y a urgence à actualiser le mode d’affiliation au régime de protection sociale des non-salarié-e-s agricoles.

Ce débat sur les retraites nous rappelle cette question déjà soulevée par le député Mansour en 2005. 18 ans après, cette problématique s’invite au débat sur la réforme des retraites !

L’union des femmes de la Martinique avec les femmes du monde agricole, porte cette revendication, pour plus d’équité et de justice sociale

Nous demandons aux parlementaires d’inscrire à leur l’agenda l’actualisation du mode d’affiliation au régime de protection sociale des non-salarié-e-s agricoles à la Martinique et plus généralement dans les DOM.

Tous et Toutes concernés (es) par cette réforme des retraites.

Les Femmes premières victimes, celles de Martinique le sont encore plus, celles des métiers essentiels encore bien plus !

Nous appelons toutes les femmes, et en particulier celles des métiers essentiels (agricultrices, aides à domiciles, femmes de ménages, assistantes maternelles…), les sans emploi, toutes celles qui ont le plus à gagner d’un changement de société à RESTER MOBILISER, A SE MOBILISER POUR CHANGER LA DONNE

POINT DE PROGRÈS HORS DE LA LUTTE !