Qu’est-ce qu’une politique familiale de gauche ?

— Par Jeanne Fagnani Sociologue, directrice de recherche honoraire au CNRS et Dominique Méda Professeure de sociologie à l’université Paris-Dauphine —

familleLe gouvernement a récemment proposé une réforme de la politique familiale (diminution du quotient familial et développement de l’accueil des jeunes enfants) qui a relancé le débat sur la fonction de celle-ci et les différentes formes qu’elle peut prendre. Si tout le monde s’accorde sur le fait que la politique familiale vise à aider les familles – et plus particulièrement à rétablir l’équilibre entre les ménages qui ont une famille à charge et les autres -, une politique familiale de gauche poursuit selon nous trois objectifs supplémentaires : combattre les inégalités sociales entre ménages ; promouvoir le bien-être de tous les enfants en corrigeant les inégalités qui existent dès le plus jeune âge ; améliorer l’égalité entre les femmes et les hommes. Elle exige la mise en œuvre simultanée de trois volets.

Un volet fiscal. Notre système fiscal est injuste. Il privilégie de manière disproportionnée les ménages les plus aisés sous le prétexte que les dépenses engagées par ceux-ci pour leurs enfants sont plus élevées que celles des ménages modestes et qu’elles devraient être entièrement compensées. Ce faisant, on oublie que les ménages qui ne paient pas d’impôt sur le revenu ne bénéficient d’aucun avantage (puisque le quotient familial permet de réduire l’impôt qui est dû) et que 10% des ménages les plus aisés se partagent la moitié des 10 milliards du quotient familial. Le remplacement de ce dispositif par un crédit d’impôt forfaitaire (à l’instar d’autres pays européens) serait plus conforme au principe de justice sociale. Quant au quotient conjugal, qui consiste à diviser par deux le revenu imposable du couple et qui avantage considérablement les ménages dont les quotités de travail sont différentes (l’avantage maximal étant obtenu par les couples dans lequel un seul des deux membres est actif), il procure aussi une économie d’impôt d’autant plus importante que l’écart entre revenus des conjoints est élevé. Cette économie d’impôts représente 5,5 milliards. Une solution permettant à la fois d’aider toutes les familles et de ne pas faire obstacle à l’égalité femmes-hommes consisterait à pratiquer l’imposition individuelle : cela permettrait de ne pas pénaliser les personnes (généralement les femmes) qui ont des revenus inférieurs à ceux de leur conjoint. On pourrait, par ailleurs, ne pas prendre en compte dans le calcul de l’impôt sur le revenu la présence d’enfants. En revanche, les allocations familiales seraient versées dès le premier enfant et seraient d’un montant égal pour chaque enfant et chaque famille, quel que soit le niveau de ses revenus.

Un basculement vers une politique des services aux familles. L’essentiel des dépenses de notre politique familiale est consacré aux prestations monétaires versées aux familles selon des modalités variées. Une des spécificités françaises – notamment par rapport aux pays nordiques où les taux d’activité féminins sont les plus élevés – est de consacrer relativement moins de moyens aux services à la famille, notamment aux modes d’accueil et d’éducation des tout-petits et aux activités périscolaires.

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19 juin 2013 à 19:06
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