Qu’est-ce que l’aquamation, cette pratique funéraire alternative choisie par Desmond Tutu ?

— Explication par Nils Sabin —

La mort du Prix Nobel de la paix Desmond Tutu a mis en lumière l’aquamation, une méthode de crémation par l’eau. Non autorisée en France, cette forme de sépulture choisie par le Sud-Africain serait une option plus écologique que la crémation.

Desmond Tutu avait fait savoir, de son vivant, son souhait d’être « aquamaté » et non pas incinéré. NIC BOTHMA/AFP

C’était le choix de Desmond Tutu, décédé le dimanche 26 décembre, à l’âge de 90 ans. Cet archevêque anglican et défenseur des droits de l’homme avait fait savoir, de son vivant, son souhait d’être « aquamaté » et non pas incinéré. Interdite en France, l’aquamation est une méthode de crémation alternative par l’eau. Ses défenseurs soulignent ses avantages, notamment écologiques, car cette forme de sépulture ne rejette pas de gaz dans l’atmosphère.

► En quoi l’aquamation consiste-t-elle ?

L’aquamation ou hydrolyse alcaline, de son nom scientifique, est une forme de crémation par l’eau. D’après un brevet déposé en 2007 aux États-Unis, cette technique de crémation consiste à immerger le corps dans un grand caisson en inox rempli d’eau et d’une solution alcaline puis de le chauffer « autour de 155 degrés », ce qui entraîne une dissolution des chairs dans le liquide. Après plusieurs heures, il ne reste plus que les ossements et le liquide dans le caisson. Ces ossements sont broyés et placés dans une urne qui peut ensuite être inhumée.

► Cette méthode est-elle plus écologique ?

« C’est sûrement une des solutions funéraire les plus écologiques », affirmeFrançois Michaud-Nérard, membre du Conseil national des opérations funéraires (Cnof) et auteur de plusieurs ouvrages sur le funéraire. Selon un rapport du conseil de santé des Pays-Bas sur les nouvelles formes de sépulture, publié en 2020, l’hydrolyse alcaline nécessite moins de matières premières et dégage moins de gaz polluants et de métaux lourds que la crémation. L’eau utilisée peut également être utilisée comme fertilisant une fois l’opération terminée.

Selon le président de l’Association française d’information funéraire, Michel Kawnik, l’impact écologique de la méthode de sépulture est de plus en plus pris en compte dans la société : « Il y a une volonté de polluer le moins possible pour son dernier départ et aussi de simplifier les obsèques », décrit-il. Ceci explique le développement d’autres méthodes présentées comme plus écologiques, comme l’humusation, une technique de compostage des corps grâce à des couches de matière compostables (broyat de branches, feuilles…).

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► Une autorisation est-elle envisageable en France ?

En France, l’aquamation n’est pas encore autorisée. Seules l’inhumation et la crémation sont prévues par la loi. Pourtant dans certains territoires, il existe une demande plus forte pour une évolution des pratiques funéraires, comme à Saint-Pierre-et-Miquelon, territoire d’outre-mer proche du Canada et des États-Unis, où l’aquamation est autorisée dans certains États, indique le Cnof.

« Pour qu’il y ait une évolution, il faudrait que les parlementaires, le gouvernement ou un lobby important s’emparent du sujet pour changer la loi. Mais ce n’est pas le cas actuellement », analyse François Michaud-Nérard.

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Pour lui, cette méthode aurait également des avantages pratiques : « Les crématoriums sont des structures assez imposantes qui rejettent des gaz polluants, on ne peut pas en installer partout. L’aquamation n’a pas ce problème, cela permettrait beaucoup plus de proximité. »

Il ajoute que la question de la représentation reste aussi importante : « Il y a tout une symbolique très belle autour de l’eau qui pourrait être utilisée avec cette forme de sépulture. C’est quelque chose de beaucoup plus doux que la crémation où l’on a plus développé l’idée de purification par les flammes. On a réussi à édulcorer l’image de l’inhumation comme celle de la crémation, ce serait tout à fait possible avec une autre méthode. »

Source : La Croix