Quel second tour pour les présidentielles ? Un possible scénario…

— Par Christian Louise-Alexandrine —

Politique fiction, complotisme, rêveries, voire sottises ou délires, telles seront sans doute quelques-unes des appréciations qui viendront spontanément à l’esprit de certains qui, formatés par BFMTV, CNEWS et TF1, sont persuadés qu’un citoyen ordinaire n’a rigoureusement rien d’intéressant à dire, sinon répéter les propos de ceux qui sont chargés de la fabrication du consentement dans les démocraties représentatives modernes. C’est dire, qu’en essayant de comprendre ce qui se passe en ce moment en France, je ne serai guère surpris par ces réactions, ni impressionné par le reproche unique qui me sera implicitement fait : ne point répéter systématiquement les éléments de langage concoctés par les responsables de 90 % des médias privés possédés par 9 milliardaires, mobilisés pour populariser les idéologies de la droite et de l’extrême droite française.

Le plus grand danger pour les macronistes : l’abstention et le vote blanc.

Les médias dominants sont déjà parvenus à imposer l’idée que Macron sera nécessairement présent au second tour alors même qu’il ne s’est pas encore déclaré candidat officiellement. Mais, la situation en 2022 est tout à fait différente de celle de 2017 où il s’agissait tout simplement de faire le nécessaire pour propulser Marine Le Pen au second tour et garantir une victoire certaine de Macron.

Or, depuis un an environ, les observateurs du fonctionnement du champ politique français sont pratiquement certains que si en 2022 c’est à nouveau Le Pen qui affronte Macron, ce dernier sera élu bien évidemment, mais avec un taux d’abstention très élevé. Dans ce cas un président élu avec une faible majorité et un taux d’abstention de l’ordre de 50% sera très peu crédible aux yeux du monde entier.

La crainte de l’abstention

Tout mettre tout en œuvre pour faire plébisciter Macron En 2017, au premier tour de l’élection présidentielle, seulement 18,19% des électeurs inscrits ont accordé leur confiance à Macron. Au second tour le taux d’abstention était de 25 %. Ce n’est pas acceptable en 2022 pour les macronistes. La France est une grande puissance qui a le souci de se faire respecter sur la scène politique tant nationale qu’internationale Réduire le taux d’abstention sera la plus grande préoccupation des partisans de la démocratie représentative. Une abstention trop forte est insupportable. Cela peut même être dangereux à terme.

Les candidats aux élections vivent très mal l’augmentation régulière du nombre d’abstentionnistes. Quand les citoyens désertent les urnes, les maîtres du monde sont littéralement tétanisés. Pour s’en convaincre, il n’est pas inutile de (re)lire le roman José Saramago, Prix Nobel de littérature en 1998, « La Lucidité », où l’auteur met en évidence les calamités politiques et sociales provoquées par les résultats d’un scrutin municipal dans la capitale d’un pays. Ces résultats étaient les suivants ; parti de droite, 8%, parti du centre, 8%, parti de gauche, 1%, abstention, 0, bulletins nuls, 0, bulletins blancs, 83%.

Tout sera mis en œuvre pour permettre à Macron de faire un score à la Chirac en 2002 soit 82 % des suffrages exprimés.

Ceux qui doutent du savoir-faire des grands médias au service des marchés financiers et des milliardaires qui sont, ne cessons de le répéter, 9 à contrôler 90% des médias privés devraient lire l’essai d’Éric Stemmelen, « Opération Macron » publié aux Éditions du Cerisier en 2019. Sur le Net on trouve de nombreux comptes rendus de ce livre remarquable où il est démontré comment ceux qui dirigent le monde ont « fabriqué » Macron.

Objectif n°1 : éviter la présence de le Pen et de Zemmour au second tour.Pour réduire le taux d’abstention, il suffira de priver Le Pen de second tour et de dramatiser les enjeux du second tour afin que les électeurs tétanisés se précipitent aux urnes pour donner un sauveur à la France que les médiacrates sauront présenter comme étant menacée de tous les dangers. Pour atteindre ce résultat, il faut inciter Zemmour à se présenter, et ainsi on sera sûr de les éliminer tous les deux Objectif N°2 : Éliminer Pécresse et hisser Mélenchon au second tour Au vu du déroulement de la campagne, il est raisonnable de s’attendre à ce que Mélenchon fasse un score identique à celui de 2017, c’est-à-dire autour de 20% des suffrages exprimés. Zemmour parviendra aisément à prendre des voix à Le Pen qui sans aucun doute finira en dessous des 20% des suffrages exprimés, derrière Mélenchon.

Pécresse aura deux mois pour permettre aux électeurs les plus avertis de comprendre qu’elle n’a pas grand-chose à proposer sur le plan économique et social qui puisse différencier ses propositions de celles de Macron.

Quel soutien au second tour ?

Chacun a pu remarquer que depuis une quinzaine de jours, l’on peut compter sur de nombreux responsables LR, en tout premier lieu Nicolas Sarkozy, pour décrédibiliser Pécresse et la priver de tout espoir d’être présente au second tour.

Si Le Pen, Zemmour et Pécresse sont éliminés c’est nécessairement Mélenchon qui affrontera Macron à la plus grande satisfaction de ceux qui ont besoin dans cette période troublée d’un président convenable, respectable, car choisi par un peu plus de 50% des électeurs inscrits.Depuis une quinzaine de jours on sent bien que le ton de la médiacratie a changé quant à la manière de traiter Mélenchon. Rares sont les commentateurs qui ne lui reconnaissent d’éminentes qualités. On le présente volontiers comme étant capable d’être un excellent chef d’État.

Si Mélenchon est au second tour, ce sera l’aubaine pour Macron et ses employeurs : les marchés financiers.En premier lieu, la France sera dotée d’un président respecté car élu par une très forte majorité de citoyens à l’occasion d’un scrutin où le taux d’abstention sera nécessairement plus faible que ceux observés lors des trois dernières élections présidentielles.

Presque tous les éliminés du premier tour auront le souci d’afficher leur soutien à Macron afin de préserver la France de la dictature, du totalitarisme, et prévenir ainsi le Grand Remplacement.

Pécresse, Hidalgo, Jadot, Zemmour se précipiteront pour afficher leur soutien à Macron qui se verra confier la mission de préserver la France du chaos. Ils se contenteront de reprendre les discours des nombreux socialistes et autres écologistes qui, comme Marisol Touraine et Elisabeth Guigou soutiennent Macron dès le premier tour.

Le Pen laissera peut-être ses électeurs libres d’agir. On s’imagine mal Artaud, Poutou et Roussel acceptant de soutenir Mélenchon sinon comme la corde soutient le pendu.

Entre les deux tours, la feuille de route des médias sera très simple : construire un personnage très dangereux à la mine patibulaire qui serait une synthèse de Poutine, Assad, Maduro, et Xi Jinping .et décrire avec le maximum de détails les calamités qui frapperaient la France si par malheur Mélenchon était élu.

C’est peu de dire que les citoyens qui, il y a une vingtaine d’années votaient à gauche sont désorientés, découragés, Ils subissent de plein fouet les méfaits de la politique néo-libérale mise en musique par les représentants de la gauche traditionnelle. Ils se sont réfugiés en grande majorité dans l’abstention allant parfois jusqu’à voter pour Le Pen. Nombreux sont ceux qui voteront Zemmour. Quand Mélenchon sera désigné pour le second tour, nécessairement un grand nombre parmi eux reviendra aux urnes. Mais ce sera trop tard et insuffisant.

On voit mal comment dans un tel contexte Macron ne serait pas élu avec une très forte majorité lors d’une consultation où les abstentionnistes seraient beaucoup moins nombreux qu’en 2017.