Quel avenir économique et fiscal pour la Martinique et la Guadeloupe de demain ?

« Celui dont la pensée ne va pas loin verra ses ennuis de près.«  Confucius.

—Jean-Marie Nol, économiste —
La crise de la dette de l’État français et le projet libéral consistant à réduire dans les prochaines années l’intervention du secteur public dans l’économie nous oblige à demeurer très vigilant sur la question des ressources d’une future collectivité autonome notamment celle des dotations de l’Etat au risque de se retrouver avec une coquille vide ou d’avoir à augmenter les impôts locaux sans commune mesure.

En effet tout laisse accroire que la Martinique ainsi que la Guadeloupe seront dotées de collectivités autonomes dans la décennie actuelle. Ce fait acquis, selon nous, n’est pas sans poser quelques questions concernant la viabilité future d’une telle institution, et ce dans un contexte économique et social difficile de la France hexagonale . Depuis quarante ans, la France n’a pas voté un budget à l’équilibre et a choisi de privilégier un modèle social protecteur, quitte à être l’un des pays les plus endettés d’Europe. Pourtant, alors que 58% du PIB est consacré à la dépense publique, la colère sociale gronde depuis la crise des gilets jaunes et s’amplifie en ce début de l’année 2020 avec la réforme des retraites . Parmi tous les clichés qui circulent à propos de la France, celui d’un pays «impossible à réformer» est certainement le plus crédible à l’heure actuelle. Pourtant par crainte d’en payer le prix politique et par absence d’un projet alternatif crédible, aucun gouvernement ne s’est véritablement attelé jusqu’à maintenant à remettre en cause le modèle social. Mais qu’en sera -il quand le numérique et l’intelligence artificielle mettra le modèle social français en situation d’extrême urgence. Qui travaillera demain : l’intelligence artificielle ou les humains ?

A l’aune des transformations technologiques, comment va évoluer le monde du travail, et dans cet univers en profonde mutation, quelle sera la place du Martiniquais ou du guadeloupéen ?
Les mutations technologiques et sociétales du monde du travail en cours sont multiples et de fait impacteront les Antilles , et de surcroît, elles ont tendance à opposer : humains et robots, femmes et hommes, salariés et entrepreneurs, nord et sud. Pourtant, il est fondamental que chacun trouve sa place demain.

Face aux inquiétudes autour de l’effacement annoncé du travail humain par une vague d’automates intelligents, nos sociétés doivent encore apprendre à se poser les bonnes questions. Un réflexe sain consisterait à cesser d’ergoter sur le nombre exact d’emplois qui seront remplacés à l’avenir et demander plutôt combien de personnes seront formées en temps et en heure avant le grand rush dévastateur d’emplois du numérique et de l’intelligence artificielle . Automatisation , plates-formes numériques, intelligence artificielle…voilà de nouvelles thématiques qui doivent interroger le bon sens de nos concitoyens Antillais. Dans cet univers en profonde mutation, verra-t-on encore des hommes et des femmes à l’ouvrage dans nos pays ? En réalité, évidemment, l’avenir reste résolument incertain. Néanmoins, l’impact sera majeur. De la mutation du monde professionnel (plates-formes, « slasheurs », « makers », « bore out », travailleurs non salariés…), aux tendances lourdes et globales (démographie, mondialisation, environnement), en passant par les nouvelles formes d’organisation et, bien sûr, les nouvelles tendances manageriales découlant de la technologie et l’automatisation, c’est une révolution massive et profonde qui est en cours et qui mettra en jeu l’équilibre même de notre démocratie et le financement de l’État providence.

Dans ces conditions, la problématique de la fiscalité est primordiale pour appréhender le bon équilibre financier de la future collectivité de Martinique et Guadeloupe. Pour ce faire, Il paraît en conséquence urgent de négocier avec l’État un système fiscal plus en adéquation avec le rôle primordial que devra jouer ces futures collectivités autonomes dans le développement économique de nos îles . Et pourtant, qu’il serait grand, le politique qui effacerait les conséquences néfastes de l’assistanat en disant à nos concitoyens qu’ils devraient se serrer, ne serait-ce qu’ un peu, la ceinture et se mettre enfin au travail , celui qui prônerait un changement de modèle économique et social , en faisant une politique de l’offre pour retrouver la marge nécessaire au fonctionnement harmonieux des entreprises ( seules créatrices d’emploi dans ce contexte de réduction du périmètre d’intervention de l’État ) , celui qui réussirait à mettre à plat les 40%, avant que l’état ne s’en saisisse, tout en préservant le pouvoir d’achat des fonctionnaires qui irrigue aujourd’hui une économie insulaire fortement dépendante des transferts sociaux et de la dépense publique, ou à repenser la départementalisation tout en acceptant d’accepter les contraintes de la responsabilité !

Nul doute que cette future collectivité autonome devrait tout d’abord bénéficier d’un impôt qui traduit son investissement dans la croissance du pays et pour cela le transfert de la TVA de l’État vers cette collectivité constitue une piste à ne pas ne négliger et surtout à défendre.
Par ailleurs l’utilisation de l’octroi de mer doit être repensé : à savoir orienter ce prélèvement sur la consommation des ménages vers l’investissement des collectivités locales. De même envisager un transfert des recettes de la TVA à la collectivité autonome.
En France la TVA est l’impôt dont le rendement est le plus important en proportion (51% des impôts prélevés).
Un transfert des recettes générées par la TVA aux collectivités autonomes de Martinique et Guadeloupe pourrait être envisagé et ce en dépit de la réticence attendue de la part de l’État . Cet impôt indirect au profit de la future collectivité autonome pourrait asseoir non seulement son autonomie fiscale mais serait aussi »un retour sur investissement » de son implication dans l’économie de la Martinique et de la Guadeloupe . Certes, un tel scénario est loin d’être écrit d’avance. Mais souvenons-nous de cette citation de Confucius : « Celui dont la pensée ne va pas loin verra ses ennuis de près. » . Si nous prenons cette citation de Confucius très au sérieux, la Martinique tout comme la Guadeloupe seront bien mieux armées demain pour affronter les enjeux de la mutation de la société française . Et ce n’est pas avoir une vision irénique de l’avenir que de le penser. Cela dépend de nous.

Jean-Marie Nol, économiste