Quand la volonté politique se dissout dans l’eau!

Une fois de plus les fameux “spécialistes des Affaires martiniquaises“ ont sévi.

— Par Pierre Alex Marie-Anne —

ls se sont avérés incapables de s’entendre pour abreuver la population avec ce liquide vital qui s’appelle l’eau.

Et chacun , sur cette question qui relève principalement ( comme naguère pour le transport) de la compétence locale, de se renvoyer la balle : «ce n’est pas moi monsieur c’est l’autre le fautif qui n’a pas réparé à temps une canalisation cassée depuis 10 ans , d’ailleurs je vais vous faire une confidence je ne produis rien ,pas une seule goutte d’eau, je ne suis qu’un modeste redistributeur de l’eau qu’on veut bien me fournir- trop chichement j’en conviens ! » Mais alors pourquoi avoir crée cet établissement supplémentaire si vous ne pouvez rien faire? « Ah monsieur vous abordez là les subtilités de la politique bokay!: on ne crée pas un organisme pour les services qu’il peut rendre à la population ,pas du tout! les notions d’utilité sociale et d’efficacité ,à fortiori de compétence, n’ont rien à voir la dedans ; ce qui compte par dessus tout , c’est d’offrir un douillet cocon à quelques pontes du parti ,en mal de place ( de Tot comme ils disent sur la côte caraïbe ), et puis ,et c’est là l’essentiel ,de disposer de leviers ,dans tous les secteurs stratégiques , à l’instar du transport ,pour contrôler la situation sur l’échiquier politique local».Mais que devient l’intérêt général et le citoyen-contribuable dans tout ça? «Vous plaisantez! c’est le cadet de nos soucis, d’ailleurs s’ils ne sont pas contents , ces cochons d’abonnés payants ,ils n’ont qu’à aller se plaindre au Bon Dieu ,seul responsable de cette sécheresse exceptionnelle.que nous subissons cette année».

“Ben mes aïeux”! moi qui croyait naïvement que selon l’axiome intemporel :” gouverner c’est prévoir ,“ il appartenait aux délégataires du service public de l’eau ,( les fermiers comme on les appelle drôlement) de se rapprocher de leur autorité délégante pour prendre préventivement toutes mesures appropriées à l’effet d’éviter à la population de connaître les affres d’une pénurie d’eau, de surcroît en pleine épidémie de Coronavirus !

À tout le moins ,ces opérateurs devraient déjà avoir intégré depuis longtemps dans leurs plannings prévisionnels de distribution de l’eau , l’incidence sur le débit des rivières des sécheresse annuelles récurrentes ; de même , il est inconcevable qu’à l’ère du numérique, ils ne soient pas en mesure de connaître , en temps réel, l’état de leurs canalisations afin de procéder à l’avance aux réparations nécessaires et programmer, en temps utile ,les renforcements de réseaux indispensables.

Cette incurie de leur part ne fait que démontrer l’inadaptation du système actuel de gestion de l’eau ,balkanisé entre de multiples intervenants, qu’il est urgent de réformer en profondeur.

Le fond du problème est là ,il n’y a pas de chef à la tête de l’orchestre dans cet univers éclaté ou chacun joue sa partition suivant sa propre logique, contradictoire les unes avec les autres.

À cet égard ,on reste sidéré devant l’apathie et l’absence d’initiative de la Collectivité Territoriale de Martinique dans ce domaine crucial pour l’ensemble de notre société .

Elle s’en lave les mains honteusement au prétexte doublement fallacieux d’une compétence légale des Communauté d’agglomération dans ce domaine: primo pour l’exercice de cette compétence, elles restent ,dans les faits, tributaires de l’eau que leur fournit la CTM ,propriétaire de l’usine centrale ;

secundo l’État n’a pas le monopole des transferts de compétence , les collectivités locales peuvent en faire de même ,en se mettant d’accord pour désigner parmi elles un” chef de file” ( d’autant plus qu’en l’espèce, elles ont adopté le principe d’une régie unique de l’eau !)

En réalité,non seulement la CTM s’avère incapable de se mobiliser dans ce contexte exceptionnel de crise sanitaire qui exige que «quoi qu’il en coûte » l’eau ne puisse jamais faire défaut à la population, mais de plus elle démissionne de façon flagrante des responsabilités que lui confère sa qualité de collectivité Territoriale unique , propriétaire de l’équipement majeur de Vivé.

Ou est passé le rôle d’impulsion qu’elle était censée jouer selon ses promoteurs?

C’est bien joli de revendiquer à tout bout de champs la nécessité de ” la gestion des affaires martiniquaises par les martiniquais “, mais c’est au pied du mur qu’on voit le maçon et ce qu’on voit ,c’est un Exécutif aux abonnés absents ,enfermé dans sa vision manichéenne et réductrice de la politique et sa conception étriquée de la gestion territoriale ,complètement dépassé par la situation.

Le défi qu’il lui appartient de relever prioritairement c’est de mettre fin au plus vite à l’éparpillement des compétences dans ce domaine (quitte à réclamer une adaptation de la loi à la spécificité locale) et à cette multiplicité d’ opérateurs qui ne font que se tirer dans les pattes et renchérir inutilement le coût de ce précieux liquide pour la bourse du consommateur .

Cette question primordiale de l’unification de la gestion de l’eau ,aussi bien potable qu’à des fins agricoles, sur l’ensemble de notre territoire,autour de la collectivité maîtresse de la Martinique,( propriétaire également du barrage de la Manzo) doit être débattue en urgence et actée solennellement par l’Assemblée Territoriale dans les plus courts délais.

Dans un deuxième temps , elle implique l’élaboration d’un Plan de mise à niveau et de sécurisation de la ressource , des installations de captage et de traitement et des canalisations afin de mettre un terme à ce véritable scandale d’un réseau qui fuit de toute part pendant que les abonnés sont à la diète et tirent la langue.

Qu’on ne vienne surtout pas nous raconter que l’argent manque pour ce faire ,c’est une contre-vérité manifeste alors que des fonds européens risquent d’être” dégagés d’office “ pour non consommation dans les délais . Rien ne s’y oppose sinon la coupable inertie et l’absence d’unité de nos représentants , tous tant qu’ils sont ,qui préfèrent s’adonner à des constructions idéologiques fumeuses et hasardeuses , à des jeux stériles d’affrontement d’égos démesurés ou encore pour le nouvel Artaban, à interpeller le Représentant de l’État sur un mode comminatoire ( celui des “mendiants arrogants” dénoncé par Césaire).

Toute crise, nul ne l’ignore, génère des opportunités: en l’occurrence il faudra nécessairement ,dans la foulée du Déconfinement un Plan de relance de grande ampleur pour remettre le pays à flot;

Ce plan qui fera appel à des financements exceptionnels ,tant nationaux qu’européens est une occasion à saisir pour régler définitivement ce problème irritant et gravement préoccupant ici de l’eau.

Cela ne dépend que de nous ,du moins si nous nous décidons à rompre avec cette léthargie paralysante et mortifère qui affecte notre vie publique locale.

Ce n’est qu’à ce prix ,au-delà des interventions réparatrices immédiates, que les martiniquais pourront retrouver confiance en l’avenir et caresser l’espoir de satisfaire enfin leur besoin le plus fondamental : l’eau qui les a vu naître.

Pierre Alex MARIE-ANNE

Paru le 2 mai 2020 modifié le 04 mai 2020