Mardi 30 septembre à 18h30 | Madiana | Tropiques-Atrium !
— Par Sarha Fauré —
Synopsis :
« Put Your Soul on Your Hand and Walk » (Mets ton âme sur ta main et marche) est un cri de résistance, une réponse poignante et intime de la cinéaste iranienne Sepideh Farsi face aux massacres répétés des Palestiniens. Ce documentaire naît d’une rencontre imprévue mais miraculeuse entre Farsi et Fatima Hassouna, une photographe palestinienne vivant à Gaza, alors même que les frontières étaient fermées et que l’accès à Gaza était impossible pour les journalistes étrangers. En 2024, alors qu’elle tente de se rendre dans la bande de Gaza depuis Le Caire, Sepideh Farsi entre en contact avec Fatima Hassona par l’intermédiaire d’un réfugié palestinien. Cette rencontre virtuelle entre les deux femmes devient la trame de ce documentaire, qui documente non seulement la réalité atroce vécue par les Gazaouis, mais aussi le quotidien de Fatima, sa résilience et son engagement.
Une collaboration à distance et un lien fragile
Le cœur du film réside dans un dispositif très particulier : des appels vidéo entre Sepideh Farsi et Fatima Hassona, enregistrés pendant près d’un an malgré les interruptions dues aux bombardements et aux coupures de réseau. Ces échanges sont la matière brute du film, une connexion fragile mais persistante qui tisse un lien entre deux femmes séparées par la guerre, mais unies dans leur volonté de témoigner de l’invisible. Farsi, de son appartement parisien, et Fatima, confinée à Gaza, partagent leurs pensées, leurs espoirs et leurs inquiétudes. Grâce à cet échange visuel, Fatima devient les yeux de Farsi sur un territoire dévasté, et Farsi, une fenêtre vers le monde extérieur pour Fatima, qui se considère elle-même comme étant dans une « prison de Gaza ».
Le rôle de Fatima Hassouna : Photographe, militante et humaine
Fatima Hassouna, jeune photographe de 25 ans, devient ainsi la protagoniste de ce film, à travers ses propres images, ses photographies et son témoignage sur la réalité vécue à Gaza. Elle documente la guerre, les destructions, la souffrance, mais aussi la résilience des habitants. Mais son rôle ne se limite pas à celui de simple témoin visuel. Fatima s’engage également dans des actions humanitaires, en organisant des ateliers d’écriture pour les enfants réfugiés, dans l’espoir d’aider ces jeunes à surmonter les traumatismes de la guerre. Ce double engagement, à la fois dans l’art et dans l’aide psychologique, témoigne de sa détermination à résister non seulement par la photographie, mais aussi par la construction d’un espace de résistance créatif et humanitaire.
Un regard sur la résistance quotidienne
Le titre du film, « Put Your Soul on Your Hand and Walk », provient d’une phrase prononcée par Fatima, qui résume à elle seule l’état d’esprit nécessaire pour survivre dans un territoire constamment bombardé. Il s’agit d’avancer, de marcher, malgré la terreur, malgré la mort omniprésente. Le film explore cette dimension du courage quotidien de Fatima, et de tant d’autres Gazaouis, qui continuent de vivre et de résister, même quand tout semble s’effondrer autour d’eux. La caméra capte non seulement l’horreur de la guerre, mais aussi des moments de légèreté et de beauté, comme ce rire improbable de Fatima en parlant des massacres ou encore de ses mots détournés par la nécessité de survivre, comme ce « ça va très bien » après une journée sans repas, mais sans morts non plus.
Un film fait d’images et de sons brisés
Le film prend une forme originale et contraignante, à travers l’utilisation d’un iPhone pour filmer les conversations vidéo entre les deux femmes. Cette distanciation forcée, loin d’entraver le récit, lui confère une puissance inouïe, rendant visible l’invisible et rappelant sans cesse que Gaza est un territoire inaccessible, où chaque moment de communication devient un miracle. La caméra capte Fatima, ses photographies dans les ruines, ses enfants, ses espoirs et ses luttes. À travers ses photos, la violence de la guerre devient aussi une œuvre d’art, tragique mais belle. Ce contraste entre la beauté du geste photographique et la terreur du contexte de guerre crée une tension palpable tout au long du film.
Le film est également ponctué par des sons puissants et désarmants, comme le sifflement des bombes, ou l’écran noir qui fait écho à l’horreur de la guerre. Ces moments suspendus rendent le film particulièrement glaçant, la mort semblant toujours à portée de main. L’assassinat de Fatima, quelques semaines avant la présentation du film à Cannes en 2025, rend le film encore plus poignant, car cette jeune femme qui nous racontait la guerre est soudainement devenue une victime de la violence qu’elle documentait.
Une œuvre bouleversante et politique
La dimension politique du film est indéniable. Il ne s’agit pas seulement d’une chronique de la guerre à Gaza, mais d’un appel à la prise de conscience. En dressant le portrait de Fatima Hassouna, Farsi dénonce le massacre incessant des Palestiniens, tout en mettant en lumière une histoire personnelle de résistance et de courage. Le film va au-delà de la guerre en montrant les dimensions humaines, émotionnelles et créatives de cette résistance. La trajectoire de Fatima, de photographe et militante à victime de la guerre, en fait un témoignage unique, mais également une œuvre de mémoire et de révolte.
Une invitation à avancer
Put Your Soul on Your Hand and Walk est un documentaire d’une grande puissance visuelle et émotionnelle. À travers la figure de Fatima Hassouna, Sepideh Farsi nous plonge dans la réalité cruelle de Gaza tout en mettant en lumière une forme de résistance quotidienne et créative face à l’impossible. De la guerre le film en capte la complexité humaine et la lutte pour la survie et la dignité. Une œuvre à la fois personnelle et universelle, tragique et inspirante, qui bouleverse par sa justesse et son urgence politique.
Présenté à l’ACID lors du Festival de Cannes 2025, le film a profondément marqué les spectateurs, bouleversés par l’intensité du récit et la tragique disparition de Fatima. Mais, comme le dit si bien le titre du film, il est aussi une invitation à marcher, à avancer, même quand tout semble s’effondrer.