Projet de loi Blanquer: les points qui coincent avec les syndicats enseignants

—Par Clémence Barra —

Le 19 février dernier, le projet de réforme du ministre de l’Éducation nationale était voté en première lecture à l’Assemblée nationale. Depuis, c’est l’incompréhension entre les enseignants et Jean-Michel Blanquer.

Samedi 30 mars, ils étaient 36.000 enseignants d’écoles maternelles et élémentaires, de collèges et de lycées à défiler en France contre le projet de réforme de l’Éducation nationale. Quelques jours plus tard, jeudi 4 avril, entre 15% et 25% des professeurs des écoles étaient en grève, soutenus par sept syndicats. La confiance n’est clairement pas au rendez-vous entre le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, et les enseignants du premier cycle. Le nom de son projet de loi était pourtant plein d’espoir: «Pour une école de la confiance». Depuis son vote en première lecture le 19 février dernier, le projet de loi fait l’objet de nombreuses polémiques. «La loi telle qu’elle est présentée est une loi fourre-tout», affirme Francette Popineau, secrétaire générale de Snuipp-FSU, le syndicat national unitaire des instituteurs, professeurs des écoles et PEGC, le syndicat majoritaire dans cette profession. Pour elle, «la loi ne répond pas aux problèmes de l’école. Au lieu de résoudre des problèmes de longue date, elle en pose des nouveaux». Le ministère, lui, pointe des problèmes d’interprétation. Trois mesures sont sources de discordes.

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C’est le cas de l’article contenant un amendement qui instaure la possibilité de créer des «établissements publics de savoirs fondamentaux». Cette mesure aurait pour objectif de rassembler en une seule entité un collège et une ou plusieurs écoles du même secteur dans un souci de mener à bien des projets communs, de mutualiser les charges administratives et d’assurer une continuité entre le primaire et le collège. Le texte indique que le directeur du collège «exerce simultanément les compétences attribuées au directeur d’école», assisté d’adjoints «dont au moins un est chargé» du premier degré. La question se pose alors du rôle du directeur d’école et de ses fonctions. Certains craignent sa disparition pure et simple. «On ne demande pas à ce que l’école soit secondarisée, qu’elle soit prise en charge par les collèges, explique Francette Popineau. On demande au contraire une meilleure reconnaissance des directeurs, dans leur fonction d’encadrement pédagogique, de coordination de projet, d’animation d’équipe. Or, avec la façon dont est rédigée cette loi, on imagine assez bien que si tout le monde a la charge du premier degré, à un moment donné on n’aura plus besoin du directeur sur place». Jean-Michel Blanquer, quant à lui, tient à mettre les points sur les «i» en affirmant clairement qu’il ne «remet pas en cause l’existence des écoles et de leur directeur», qu’il souhaite justement le renforcer et précise qu’il «ne s’agit pas d’imposer cette mesure», car il faut en amont un consensus local avec l’accord de la communauté éducative et de la municipalité. Ce projet se base donc sur le volontariat. Des précisions qui ne sont, pour le moment, pas citées dans le texte du projet de loi. «Pour l’instant, le texte ne parle pas d’expérimentation ou de volontariat, sans doute cela sera corrigé par des amendements sénatoriaux lors de son passage au Sénat au mois de mai», confie la syndicaliste.

Autre point de friction, la scolarisation obligatoire dès l’âge de 3 ans. L’article 2 du projet de loi «Pour une école de la confiance» abaisse l’âge du début de l’obligation d’instruction à trois ans au lieu de six jusqu’à maintenant. «L’instruction est obligatoire pour chaque enfant dès l’âge de trois ans et jusqu’à l’âge de seize ans». «C’est un signal que nous envoyons pour dire que l’école maternelle, c’est fondamental, et que tous les enfants doivent y aller», a assuré le ministre de l’Éducation nationale. Cette mesure permettrait une réduction des inégalités sur l’apprentissage de la langue notamment. En réalité, déjà 98% des enfants de cet âge fréquentent la maternelle en France. La mesure concerne donc près de 26.000 enfants. Le point qui fait polémique porte sur son financement: les collectivités auront l’obligation de participer aux dépenses de fonctionnement des maternelles privées. «Cette loi, c’est la porte ouverte pour que les écoles privées sous contrat soient financées par des subventions publiques. Il n’y avait pas d’urgence à promouvoir l’école privée puisque l’école publique remplissait très bien son office et que ça favorisait une certaine mixité sociale car on inscrivait ses enfants à l’école du quartier», souligne Francette Popineau. Un amendement à l’article 4 autorise, pendant une durée de deux ans, une dérogation aux jardins d’enfants, structures privées animées par des puéricultrices, qui pourront accueillir les enfants le temps que certaines communes s’adaptent en termes de locaux. Une mesure qui a provoqué la peur chez certains de voir disparaître l’école maternelle.

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Enfin, l’article 14 est source de nombreuses incompréhensions. Il introduit la possibilité de recruter certains assistants d’éducation – les surveillants – pour leur donner une mission d’enseignement, à la condition qu’ils préparent les concours de l’enseignement. Les étudiants en deuxième année de licence pourront faire du soutien scolaire alors que ceux en master 1 pourront remplacer un professeur absent. L’étude d’impact de la loi estime qu’à «raison de plusieurs heures par semaine, dans un même établissement ou une même école situés à proximité de l’université où l’étudiant se trouve en formation, avec un accompagnement de qualité, le ministère créera les conditions de l’attractivité». Une possible dégradation de la qualité de l’enseignement pour les parents et les enseignants. Pour la secrétaire générale du principal syndicat des enseignants de premier cycle, on offre aux étudiants «une formation au rabais pour faire des économies»: «Ce n’est pas rassurant. On sait que nous avons un déficit de formation aujourd’hui en France. Ce n’est pas la solution de mettre les étudiants, même s’ils ont très envie d’enseigner, à la place de l’enseignant, ça n’a rien à voir avec le fait d’en être capable. Ce n’est pas sans danger. En envoyant un étudiant mal préparé, il peut être dégoûté du métier. C’est l’inverse total de tout ce qui est préconisé depuis des années».

Source :Lefigarto.fr