Prédation des terres, prédation des humains

— Par Sandra Regol, porte-parole d’EELV —

Polluée par des décennies de recours au chlordécone, les terres de Martinique sont ravagées. Ravagées par les pesticides et l’agriculture intensive pratiquée dans les grandes monocultures que sont les bananeraies, un modèle qui n’a enrichit qu’une infime partie de la population, les grandes familles békés, à grand coup de subventions publiques. Le chlordécone, massivement utilisé contre le charançon du bananier, est particulièrement symbolique des avantages dont ont bénéficié ces grandes familles. Alors que le pesticide était interdit depuis 1990 en métropole, ceux-ci bénéficiant de nombreux relais auprès de l’exécutif français, avaient obtenu des dérogations du préfet pour l’utilisation du pesticide jusqu’en 1973, au détriment le plus total des habitants et de l’environnement. Mais le business de la banane, et de leurs grands propriétaires, semblait valoir bien plus… Les conséquences sont dramatiques : une large majorité des terres sont aujourd’hui polluées, impactant toute la chaîne alimentaire, 90% de la population adulte est infectée, les cancers de la prostate prolifèrent, pêche et agriculture sont interdites en plusieurs endroits… Ces grandes familles dominent encore largement la vie économique martiniquaise. Alors qu’elles avaient été dédommagées après l’abolition de l’esclavage, ce à quoi les esclaves n’avaient pas eu droit, elles continuent à percevoir de lourdes subventions des pouvoirs publics au travers des grandes propriétés agricoles qu’elles détiennent (…) Elles concentrent entre leurs mains de nombreuses entreprises, notamment dans la grande distribution, dans l’industrie agro-alimentaire, ou encore dans le commerce de l’importation.

Un modèle destructeur subventionné

Comble du cynisme, ces monocultures ont longtemps capté et captent toujours une large partie des subventions. En 2011, la Cour des Comptes soulignait le caractère hors norme des aides consacrées à l’agriculture dans les Outre-mer. On a donc largement subventionné un modèle agricole destructeur de l’environnement et de la santé. Le chlordécone n’est plus utilisé, mais la Martinique reste l’un des départements champions dans l’utilisation de glyphosate. Cette captation des subventions par un modèle agricole qui favorise la monoculture et l’utilisation des pesticides se fait inévitablement au détriment d’une autre agriculture, biologique, locale et respectueuse de l’environnement. Une agriculture incarnée par de petits paysans qui ne concentrent par les terres entre leurs mains.

Une agriculture biologique qui peine à se développer, par manque de subventions et du fait de la trop grande concentration des terres par un petit groupe de riches propriétaires terriens, que seule leur richesse intéresse. Mais une agriculture qui prouve qu’une autre approche est possible : une approche respectueuse de l’environnement, respectueuse des humains et locale. Nous l’encouragerons en créant une nouvelle politique agricole et alimentaire commune (PAAC), dont l’objectif premier sera de soutenir le développement de l’agriculture biologique et locale au service des populations.

Photo : Martinique1ère