Pour une Martinique sans pesticides.

— Par le professeur Gilles-Éric Séralini, Université de Caen-Normandie —
Je voudrais tout d’abord saluer toutes les Martiniquaises et les Martiniquais, sans exception, parce que vous avez un merveilleux pays qui a besoin d’être dépollué d’urgence afin de retrouver la splendeur qu’il mérite.

Jusqu’à ce jour, les multinationales, ils s’en sont servies comme déversoir de leurs stocks sur la production agricole de votre Martinique qui pourrait être absolument sublime avec ses fruits, ses végétaux et ses légumes.

Des problèmes politiques ont permis, dans le cadre de l’agriculture intensive, ce laisser-faire dans les pratiques agricoles. Vous pourriez faire tout pousser chez vous, bien plus que la canne à sucre ou la banane et atteindre l’autosuffisance alimentaire.
Nous travaillons depuis des années avec l’association écologique Pour Une Martinique Autrement (PUMA), qui a bien raison d’insister sur le problème des cocktails de pesticides. Nous avons découvert que ce n’est pas simplement le Chlordécone qu’on a utilisé en Martinique, il n’a jamais été épandu seul, mais avec des poisons non déclarés dans ses bidons ; comme pour le Roundup, le principal pesticide du monde, ou le Paraquat, le DDT et de bien d’autres produits très toxiques qui l’ont accompagné.
Il y avait par exemple dans les bouteilles de certains de ces pesticides, des produits non déclarés, mais toxiques comme des Phtalates, des dérivés de pétrole, des métaux lourds, qui sont extrêmement toxiques.
Avec le Glyphosate, il y a aussi des poisons cachés dans les bouteilles de Roundup, en plus du Glyphosate, on a récemment découvert dedans encore des dérivés de pétrole extrêmement toxiques, l’arsenic, et d’autres métaux lourds. Donc, quand les politiques, que ce soit le Président de la République ou d’autres, nous déclarent : On va faire une étude sur le Chlordécone et le cancer de la prostate, alors que la cancérogénicité des produits à base de Chlordécone est déjà démontrée, ce n’est scientifiquement pas recevable, car beaucoup trop limité pour découvrir toute la vérité.
On perd de l’argent et du temps, on accumule les cercueils et les gens dans la détresse de la maladie sont abandonnés par l’État qui se sert de l’ignorance de la population en organisant des colloques scientifiques qui leurrent les non-initiés. On rembourse et subventionne les compagnies des pesticides plutôt que les malades.
Piquer les bananiers ou répandre de l’herbicide Roundup, par exemple, sur les terrains pour en replanter d’autres est très dangereux, cela a pour conséquence le fait que l’on va utiliser beaucoup de poisons qui ne sont pas déclarés et sont confidentiels ; c’est ce cocktail qui est responsable des différents cancers et aussi de bien d’autres pathologies environnementales, des insuffisances rénales, du foie, des maladies hormonales, sexuelles, de la libido ou la fertilité.
On parle des cancers, parce que c’est une maladie connue, et qu’il en existe des registres, mais cela cause aussi des problèmes de stérilité, des problèmes de malformation des nouveaux-nés, des diabètes, d’autres maladies hormonales, des problèmes de manque de libido, d’impuissance, des problèmes nerveux, parce qu’on a découvert que les perturbateurs hormonaux sont aussi tous des perturbateurs nerveux. Nous le savons car les mammifères, les animaux de laboratoire qui y sont exposés développent ces mêmes maladies.

Vous savez, ça me fait toujours mal, quand j’entends, qu’on va se limiter à une étude sur Chlordécone et cancer, parce que j’ai l’impression qu’il y a des sous-marins et des avions qui bombardent la Martinique et que l’on envoie une série d’enquêteurs pour dire quel est le soldat qui a tiré, alors qu’en fait, il faudrait savoir quel est le pays qui a ordonné ces bombardements, en l’occurrence le pays, c’est bien sûr la France et les agences internationales qui évaluent mensongèrement ces pesticides sans tester tout ce qui est dans le bidon à long terme, c’est-à-dire les poisons cachés déclarés par les compagnies comme inertes et confidentiels.

Mais c’est aussi toutes les multinationales à qui la France a permis de cacher les poisons qui ne sont pas déclarés avec la Chlordécone ou avec la Glyphosate ; la situation est très claire : plutôt que de dépenser des millions pour une recherche qui ne conduit à rien, parce qu’elle est mal faite, ce qu’il faut, c’est demander que toutes les Martiniquaises et Martiniquais réclament tout de suite, la transparence sur les produits qui ont été commercialisés en Martinique ; les données brutes qui sont dans les mains de l’État, qui a sa responsabilité, c’est-à-dire les tests avec analyses de sang, même des animaux, qui ont permis de commercialiser tout cela.

On ne peut plus se permettre de jouer, on ne peut plus se permettre de piétiner la face des Martiniquaises et de Martiniquais sous des espèces de malhonnêtetés intellectuelles qui consistent, à parler d’autre chose que des vrais problèmes. Trop de familles ont souffert.

Le Président Emmanuel MACRON a, lors de son passage dans nos îles la semaine dernière, dit en fait comme les multinationales, qu’il n’y a aucune étude qui établit un lien de cause à effet entre Chlordécone ou encore du Glyphosate sur des pathologies telles que le cancer de la prostate ou encore la diminution des cellules à l’origine des spermatozoïdes, il dit qu’il n’y a aucune preuve scientifique.

Bien sûr c’est faux, puisque ce sont tous les produits commercialisés en combinaison qui agissent.

Donc, il y a en réduisant le sujet au Chlordécone et cancer de la prostate une malhonnêteté profonde que certains politiques peuvent éventuellement ignorer parce qu’il ya des lobbys extrêmement toxiques et puissants, qui les roulent dans la farine. Je vous invite à lire mon livre ‘’Poisons cachés’’ chez Actes Sud, vous y trouverez ces informations, comme mes articles sur le site www.seralini.fr

J’ai été le conseiller de 18 ministres de l’environnement et de l’agriculture en étant membre des commissions scientifiques et je me suis rendu compte combien les lobbys contre lesquels j’ai gagné sept procès en diffamation,, trompent les politiques et la population de concert avec les experts qui travaillent pour ces multinationales ou des agences pour autoriser ces produits sur le marché.

Soyons clairs, maintenant ce qu’il faut demander ce sont les études qui ont permis de commercialiser le Chlordécone et ses produits de formulation sur le marché ; on peut plus jouer, il nous faut renverser la vapeur,

ON POURRAIT S’ARRÊTER LÀ.

L’État détient dans des tiroirs secrets les études qui ont permis à des compagnies, de commercialiser le Chlordécone et ses produits de formulation et d’affirmer qu’il n’y a pas de problème, que ça ne donne pas le cancer de la prostate. Où sont leurs études avant d’en commander d’autres ?

Si le Président de la République Emmanuel MACRON est capable d’obtenir la transparence sur des études qui ont servi, à commercialiser des Képone et Curlone, je ne parle pas seulement du Chlordécone, mais des formulations qui ont été vendues aux Martiniquaises et aux Martiniquais, si on est capable d’obtenir la transparence et ça devrait être possible, ça coûte zéro euro et là on verra le scandale.

Allons droit au but, renversons la situation, demandons à l’État toutes les études qui lui ont permis de commercialiser ces produits, cela nous permettra de mettre en cause sa responsabilité et les responsabilités des multinationales.

Pourquoi l’État ne conduit-il pas des études sur les effets combinés des très nombreuses molécules chimiques présentes dans l’eau du robinet ?

J’ai en mains les résultats d’analyse de l’eau, réalisée par l’ARS, malgré la détection permanente de molécules avec de graves conséquences pour la santé, l’État s’obstine à se polariser sur la Chlordécone. Prenons l’exemple du label zéro chlordécone, c’est une tromperie qui sous-entend que les autres résidus pesticides ne présentent pas de risques.

Cet arbre qui cache la forêt, a comme résultat de détourner la population de sa production locale qui devrait-être pourtant de très bonne qualité quand elle est produite sur des terres propres, sans pesticides et sans eaux d’irrigation polluées. On sait comment détoxifier la terre, l’Eau et les organismes aujourd’hui. Subventionnons ces activités et non les pesticides.
 
Grâce à l’association PUMA, j’ai, avec d’autres collègues scientifiques, tels Charles SULTAN Professeur en endocrinologie, Dominique BELPOMME Professeur en cancérologie et bien d’autres, visité votre très beau pays où tout pousse facilement.

Votre chance c’est d’avoir des agriculteurs responsables, qui connaissent leur métier et leur terre et qui peuvent nourrir la population grâce à leurs productions, malheureusement ils ont été, pendant très longtemps mal conseillés, car pour les producteurs de pesticides, seul ce système chimique reste la solution, préoccupés qu’ils sont par le profit.
 
En revenant aux méthodes biologiques, nous gagnerons en termes de qualité de vie, de recul des maladies chroniques, que vos médecins pourront traiter en se formant à la médecine environnementale afin de leur permettre de suivre leurs patients avec un contrôle régulier de la teneur en résidus pesticides dans leur sang par exemple et détoxifier.
 
C’est un problème purement politique pour atteindre l’objectif de PUMA : faire de la Martinique un pôle d’excellence écologique.

Le Professeur Gilles-Éric SERALINI

Article transmis par L’Association PUMA