Postures et impostures

Tribune du jeudi . Guy Flandrina

« C’est dans la différence que je trouve mon identité »
Matoub Lounès

. Lors de la dernière séance plénière de la CTM, le 5 mai 2021, nous avons eu droit à un cinéma pas possible ! Des élus de Péyi-a, du RDM et de EPMN ont refusé l’octroi d’une subvention de 500.000 € pour la production, en Martinique, de la saison 3 de la série policière Tropiques criminels ; privant de ressource des dizaines de travailleurs de ce secteur d’activités.

Chacun peut remarquer que la Martinique traverse une crise identitaire avec même une certaine violence sous-jacente. Mais nous savons aussi que la mondialisation nous impose de mettre en valeur nos particularismes. Non pas pour contempler nos nombrils mais pour valoriser ce qui est nôtre, afin de contribuer à l’enrichissement universel tout en exploitant et en bénéficiant de notre propre potentiel.

C’est cela que l’équipe de Mi Chans Matinik s’est ingéniée à faire, lors de la dernière séance plénière de la CTM (…). Notre rassemblement, pour la Martinique, au-delà des clivages politiques, entend mettre fin à des postures qui, en fait, sont des impostures paralysantes pour l’action commune !

Le populisme à l’œuvre

En effet, lors de la dernière séance plénière de la CTM, de pseudos défenseurs de l’identité martiniquaise, conseillers de l’Assemblée, refusent (26 voix contre, sur 51) l’octroi d’une subvention de 500.000 € pour la production, en Martinique, de la saison 3 de la série policière Tropiques criminels. Cette série qui capte déjà l’audience de 4 millions de téléspectateurs, est de nouveau programmée par la chaîne de télévision France 2. Elle sera bientôt diffusée dans plusieurs pays d’Europe de l’Ouest, d’Europe de l’Est, aux Etats-Unis, au Canada…

Cet investissement avait donc vocation à faire rayonner la destination Martinique au-delà de nos frontières.

Certains élus de Péyi-a et de EPMN qui ont voté, sans garantie de retombées palpables pour la Martinique, une subvention de 3.000.000 d’euros à Corsair sont également ceux qui se sont refusés à offrir une opportunité de formations complémentaires à des martiniquais et un enrichissement, humain, matériel, culturel et intellectuel à notre pays.

Ces preux chevaliers de la politique répondaient ainsi au vœu d’un tout aussi courageux Collectif (Anonyme) des Artistes. Ces derniers arguant :

 *D’une-part, que « cette série a été montée avec, comme d’habitude, des gens venus d’ailleurs, qui arrivent en Martinique et qui sous estiment les martiniquais ».

*D’autre-part, que « cette série ne rapporte rien à la Martinique, ni pour son image, ni pour la formation de nos techniciens qui, pourtant, nous serait précieuse pour l’avenir de notre cinéma ».

 Pas une fiction le travail Martiniquais

 Nous pourrions être tenté de nous faire l’avocat des vrais acteurs et techniciens spoliés. Mais, nous croyons plus judicieux que la défense soit assurée par les intéressés eux-mêmes.

*Primo, ceux qui sont, directement, impliqués dans le tournage : condamnent « fermement les propos tenus par un certain Collectif d’Artistes, Comédiens, Acteurs et Techniciens de la culture ».

 Ils affirment que « la moitié de l’équipe de tournage est constituée de martiniquais qualifiés occupant des postes à l’écriture du scénario, à la mise en scène, à la régie, à la vidéo, au son, à la lumière, à l’électricité, à la machinerie, à la décoration, aux costumes. C’est aussi, chaque année, une quarantaine de comédiens locaux et une centaine de figurants payés.

 N’oublions pas la partie restauration, les transporteurs, les agents de sécurité, etc… »

 Ceux qui, eux, ne sont pas restés anonymes affirment que « cette série est un réservoir de plus de 624 heures de travail effectuées en 4 mois, garantissant aux intermittents martiniquais leur statut si fragile surtout en ce moment. C’est aussi la garantie de salaires sur la base de la convention collective de l’audiovisuel ».

On comprend aussi leur désarroi car, comme eux aussi le disent : « les projets manquent en Martinique pour pérenniser les emplois de la filière mais aussi afin d’offrir des perspectives à celles et ceux qui voudraient embrasser les métiers de l’audiovisuel et du cinéma ».

. La conclusion des membres de la filière martiniquaise de l’audiovisuel et du spectacle est aussi amère qu’elle fait mal au cœur et à la raison : « la décision de celles et ceux qui ont voté contre cette subvention, vient sûrement de couper l’herbe sous les pieds de plusieurs mères et pères de familles Martiniquaises ».

 Notre Révolution

 *Secundo, concernant l’absence de retombées pour notre île, c’est à Henri Salomon que revient la parole. Son verdict est sans appel ! Le président de la Chambre des Métiers et de l’Artisanat de la Martinique assure que cet investissement de 500.000 € de la CTM pour cette production audiovisuelle : « aurait rapporté au minimum 2.500.000 € à la Martinique et fait travailler de nombreuses entreprises artisanales : décorateurs, costumières, habilleuses, éclairagistes, fleuristes, peintres, photographes, opérateurs vidéos et drones, taxis, imprimeurs, boulangers, restaurateurs… ».

 Le Chef Brédas et son épouse -qui assurent la restauration des équipes dédiées au tournage de la série- illustrent parfaitement les propos d’Henri Salomon. Ils soulignent qu’on dénombre « à la cantine, 2 employés sur place pour les installations; le troisième les rejoint avec la nourriture plus tard ; dans nos cuisines, 4 employés. Tous sont payés et déclarés avec des charges sociales à la clef. Depuis 2008, un bureau des tournages existe en Guadeloupe et le retour sur investissement est manifeste : chaque tournage est encouragé avec une subvention qui tourne entre 500 et 750.000 €, sinon plus ».

 C’est précisément cela le rôle de la collectivité martiniquaise que d’impulser l’activité économique sur notre territoire.

 Il importe : dans un contexte mondialisé, avec un cadre institutionnel sécurisé et déjà autonomisé, qu’un développement maîtrisé de notre pays lui permette de retrouver sa fierté abandonnée. La Martinique n’a déjà que trop longtemps été victime de postures paralysantes.

 Pour aller de l’avant il faut que les martiniquais se réconcilient avec eux-mêmes, en refusant d’importer des schémas Droite/Gauche qui, en France, correspondent à une division de l’Assemblée nationale mais qui, ici, ne sont que le miroir de notre assimilation.

 Faire ensemble, l’un avec l’autre, pour le bien de tous, c’est cela que nous devons anchouké dans nos mentalités ; c’est aussi cela notre Révolution ! Sé an lanmen ka lavé lot.

Mi Chans Matinik !