Politique et humanisme à la Martinique

Par Roland Tell —

Pour tout Martiniquais, qu’il soit noir, béké, indien, au-dessus du temps actuel, qu’on le veuille ou non, reste toujours l’esclavage des débuts historiques. Paraphrasant Nietzsche, on peut dire que c’est ce qui nous « meut et qui nous met en chaleur » dans la société d’aujourd’hui, en tous cycles d’évolution, comme en tous cycles de culture. Est-ce à dire qu’il est vain d’espérer un humanisme martiniquais, regroupant les races concernées, dans une dynamique historique d’émancipation politique ? Est-ce à dire qu’il est vain de vouloir faire peuple pour la liberté politique, et pour « l’ultime ivresse » de l’émancipation ?

Y aura-t-il un jour un humanisme martiniquais, un humanisme héroïque, transcendantal, se situant au-delà des intérêts sociaux et économiques, plus précisément dits de race et de domination ? Ici en Martinique, là où sont partout les amas d’ossements, à défaut d’ossuaires bien constitués dans nos villes principales, pour davantage fixer les martyrs dans la mémoire collective, et permettre ainsi bien des résurrections, par le témoignage et par le souvenir ! Par exemple, c’est en ignorante et en aveugle que la jeunesse martiniquaise, va, vient, quitte enfin l’île aux ossements dispersés – une île qui agonise aux yeux de tous, sans possibilités de travail, parce que l’économie du plus haut mal, celui de l’esclavage d’antan, des terres, des usines, des entreprises, attache désormais plus de prix à l’économie d’abondance dans sa production et l’exportation, qu’aux besoins et aux tendances de nos jeunes au chômage.

Sans la jeunesse, qu’adviendra-t-il bientôt de la Martinique ? Le « tout rendement », pour les marchés extérieurs, fait irruption dans les usines et les entreprises. Que reste-t-il de l’humain en cette volonté de puissance économique ? Certes, l’humain, le social, ne font pas partie des transcendantaux de nos chefs d’entreprise, qui, avec passion, courent le monde, en ses salons d’excellence, pour les hochets de la vanité commerciale, parce qu’ils procurent la notoriété. Dans nos ténèbres martiniquaises, il n’y a pas de place pour l’humain ! C’est là un signe évident de l’affranchissement absolu de l’économie par rapport à la politique ! Cette nature transcendantale de l’économie vient de loin, de l’esclavage, du mal esclavagiste, du « néantenant » des nègres d’alors.

Alors, que faire pour rester, aussi proches que possible, au sein de la société martiniquaise ? D’abord, ne pas faire, de nos jeunes qui partent ailleurs, des apparitions de congé annuel, et de vacances au pays ! Ensuite, considérer tout le sens de notre identité, venue des temps esclavagistes – notre singulière identité, pour nous attirer les uns les autres, et pour nous fixer vers les sources originelles, ici à la Martinique. C’est par le social, et l’économique, à travers l’apprentissage, la formation, l’emploi à la Martinique, que la jeunesse, rendue à sa vérité martiniquaise, pourra développer les virtualités contenues en elle, ses forces créatrices, et surtout la vie de la raison de droit, donc celle du pays natal, pour travailler progressivement à faire, de sa participation à la croissance morale, sociale, et économique de la Martinique, les instruments de l’émancipation de celle-ci. Jusqu’ici manque manquant de son avenir ..

ROLAND TELL