Péyi-a èk Jénès péyi a

— Par Philippe Kenjah Yerro Secrétaire wozo Marigot Péyi-a —

Des allégations prêtées à Jean-Philippe Nilor et à Marcellin Nadeau, à propos de l’action menée contre la rhumerie JM à Macouba par des militants martiniquais radicaux, tentent d’accréditer l’idée que Péyi-a, ou du moins ses leaders, tiendraient un double langage vis-à­vis de la jeunesse révoltée de Martinique. Je ne peux, évidemment, répondre à la place de mes camarades mais je tiens à partager la teneur des échanges que nous avons eu au sein du wozo (section) Marigot de Péyi-a à ce sujet. J’y tiens, parce que l’attaque est perfide, visant par sa malhonnêteté politique la cible où se situe précisément la plus grave menace pesant sur ses maniganceurs : à savoir, le réveil de la conscience au sein de la jeunesse martiniquaise, et la lame de fond électorale dont on redoute qu’elle l’accompagne. Réveil dont on craint qu’il soit défavorable aux thèses gérontocratiques actuellement défendues par le pouvoir exécutif de la CTM. Alors qu’on affiche un mépris de lambi vis-à-vis des militants radicaux, on lance l’opération « Sové Chaben ! » en pilonnant l’éventuel rapprochement d’une jeunesse, peu impliquée électoralement jusque-là, avec Péyi-a. Car la volonté de changement est palpable et, depuis la manifestation du 27 février, une nouvelle énergie citoyenne est apparue, informée et déterminée. Une énergie nouvelle portée, notamment, par la jeunesse.

Nous, wozo du Marigot, notons un point de désaccord avec les militants radicaux ; et une convergence fondamentale. Ces militants radicaux sont souvent qualifiés de RVN, mais Péyi-a est une organisation RVN. Nous sommes en désaccord avec la méthode, même si elle s’explique par une faillite de la politique menée à la Martinique depuis le Moratoire décrété par Césaire en 1982. Nous sommes en désaccord car nous croyons, malgré toutes les déchéances de la politique locale et française, que la solution doit être politique et démocratique. Même l’insurrection mène à la politique. Les deux principales conséquences du Moratoire ont été 1) la victoire de l’affairisme et de la technocratie en politique et 2) la dépolitisation de la vie sociale, dont une des conséquences est la déculturation avancée de la jeunesse martiniquaise. Venus de tous les horizons partisans, nous avons fait le choix de croire au changement, de construire ce changement, de le construire ensemble, avec tous les Martiniquais-e-s. Inventer un nouveau rapport à notre pays ne sera pas facile, l’exercice de la co-responsabilité et du débat horizontal est nouveau pour nous, cela exige de nous une forme radicale et déterminée de tolérance et de discipline. Voilà notre choix de nous rassembler au sein de Péyi-a. Il n’est dirigé contre personne, toute son énergie est tournée vers un changement pour la Martinique. Nous décrétons la fin du Moratoire…

Péyi-a ne met de lambi dans sa poche, nous sommes RVN. Si nous avons choisi la voie démocratique plutôt que l‘action directe, nous partageons un point de convergence

fondamental avec les militants radicaux : nous sommes la seule organisation politique ayant des élus à construire son programme et ses projets autour d’une dénonciation de la colonialité… Les expériences politiques menées au Prêcheur et, dorénavant, à Ducos par Marcellin Nadeau et Aurélie Nella s’inscrivent clairement dans un agenda décolonial, héritier des expériences menées, en leur temps, à Sainte-Anne et Rivière-Pilote par Garcin Malsa et AMJ. Parce que le Covid et ses hordes de variants n’arrêteront jamais de nous confiner, il est vital pour nous d’avancer sur la voie de l’autonomie alimentaire. Voie que nous tracent les Plan Alimentaires Territoriaux effectivement mis en œuvre au Prêcheur et à Ducos. Ce n’est qu’un exemple de volontarisme politique parmi tant d’autres, prêts à féconder le pays…

Les deux partenaires de l’alternance stérile entre le MIM et le PPM ont largement démontré leur commune incapacité à nous faire faire ce bond vers notre avenir. Leur conception pyramidale de l’action politique, transformant le moindre enjeu de terrain en défi personnel, a conduit à leur entière soumission aux dispositifs coloniaux, publics et privés. Nous pensons que la création d’emplois à la Martinique est une question politique, de volonté politique. La volonté de libérer les énergies, plutôt que des les contraindre dans le carcan de l’intelligence présidentielle. Nous pensons que le salut pour la Martinique ne viendra pas du gouvernement d’un seul homme, qu’il soit nommé par l’Elysée ou même par notre assemblée. Et que, changer de méthode changera le pays.

Une nouvelle génération est prête à relever le défi collectif. Elle doit être aidée et soutenue.

Elle est combattue par les forces du monde d’avant, tel le jeune Césaire qui affronta en 1945, au lendemain du confinement d’antan Robè, les deux ténors d’avant-guerre : Victor Sévère et Joseph Lagrosillière. Un temps nouveau est déjà là. Je suis d’accord avec ceux qui disent que la question de l’âge du capitaine n’est pas un argument. C’est une opinion. Mon opinion est que la jeunesse martiniquaise mérite qu’on la respecte. Elle mérite qu’on l’aime comme un pays en devenir, dans un monde nouveau, incertain, exigeant la capacité d’adaptation qu’on ne peut plus attendre de ceux dont les conceptions sont verrouillées. Pour ne pas dire rouillées. Une nouvelle génération s’avance aux affaires, nous veillerons à maintenir leur

lyannaj avec le pays. Nous veillerons à ne leur élever aucun culte sinon celui de la fraternité et de la solidarité militante, dans la lutte commune pour l’émancipation des hommes et des femmes de notre pays. Et nous veillerons, toujours, à rester vigilants et présents face à ceux

qui combattent l’unité du changement au nom des haines rances et de la déchirure assumée. Il est d’ailleurs étrange, partiel ou partial, que le maire du Macouba se soit précisément adressé à Nilor et à Nadeau durant les événements de JM (puisqu’on a dit qu’on a dit) !?! Le cas échéant, qu’ont répondu les autres député-e-s, sénateur-trice-s et président exécutif ???