Petites Formes 2022 : Frankito

Zantray

— Par Selim Lander —

Une pièce en créole guadeloupéen heureusement surtitré, y compris pour les Martiniquais car il diffère suffisamment de celui d’ici pour entraîner quelques difficultés de compréhension. Zantray, inspirée d’un fait divers, met en scène deux personnages, mari et femme, dans la chambre de l’asile où le premier est enfermé. Pourquoi ? C’est évidemment l’intérêt de la pièce que de différer la réponse aussi tard que possible. Et, de fait, après que la réponse sera donnée il y aura une baisse inévitable de l’intensité dramatique que les quelques révélations qui suivront ne parviendront pas à compenser tout à fait. Quoi qu’il en soit, la première partie avec le mari seul sur le plateau est particulièrement brillante. L’homme enfermé « rumine ses rancœurs », comme le précise le programme, mais il le fait avec un bagout, un humour tels qu’on est constamment fasciné, suspendu à ce qu’il va dire. Le créole est une langue imagée, où abondent les proverbes, ce qui la rend particulièrement savoureuse. Et elle est ici merveilleusement servie par Christian Julien.

Avec l’apparition de la femme la pièce se transforme un affrontement qui n’empêche pas des retours de tendresse, ce qui nous vaut un moment de danse « collé-serré » agréablement sensuel. Il faut dire ici que les deux comédiens ont le physique de leur rôle et qu’ils forment un très beau couple. Il est d’autant plus dommage que le jeu d’Irène Bicep (la chanteuse Layko) – qui interprète la femme – paraisse un cran en-dessous de son partenaire. On voit qu’elle est en train de jouer contrairement à Ch. Julien qui fait corps avec son personnage.

Cette légère imperfection n’a pas vraiment dérangé. Mais qu’est-ce qui a pris Frankito (Franck Salin), l’auteur-metteur en scène d’affubler ses deux comédiens de micros ? Les dimensions du chapiteau qui abritaient le spectacle ne le justifiaient aucunement, le volume sonore était trop élevé et, de toute façon, on aurait préféré entendre des voix naturelles plutôt que déformées par un système d’amplification qui aurait demandé de meilleurs ajustements.

En contrepartie, il faut souligner que l’éclairage, cette fois à revers de la mode, était généreux. On est tellement habitué à voir les plateaux de théâtre plongés dans une demi-pénombre que ces flots de lumière – d’ailleurs cohérents avec le lieu, une chambre hôpital – ont fait heureusement contraste.