« Penthésilé.e.s amazonomachie », texte Marie Dilasser, m.e.s. Laetitia Guédon.

— Par Dominique Daeschler —

Quand Laetitia Guédon s’empare de Penthésilée reine des amazones, elle fait équipe avec Marie Dilasser et ça décoiffe !

Juste un petit flash-back : nous sommes en pleine guerre de Troie. Penthésilée entre en combat aux côtés des troyens à la mort d’Hector, tué par Achille, car il a tué Patrocle, l’ami de cœur d’Achille. Œil pour œil, dent pour dent. Au cœur du combat Achille tue Penthésilée et est bouleversé par sa beauté( zoom sur Eros et Thanatos). Cette situation est renversée dans la pièce de Kleist où Penthésilée tue Achille le dévore et se suicide ( grandeur et misère de l’amour vache).

D’Eschyle à Homère les amazones sont des barbares femmes guerrières ne reconnaissant les hommes que dans leur pouvoir de reproduction, leur disputant place et reconnaissance sociales.

De cet héritage, Laetitia Guédon, gardera sans doute le mythe du phénix puisque la pièce commence peu après la mort de Penthésilée dans un au-delà brumeux ( entre Styx, sanctuaire , hammam)où elle règne en figure de proue, interrogeant l’âme d’ Achille qui lui répond sur grand écran.

Il y a de l’audace dans ce début un peu pompeux, chargé d’images comme autant de pistes où se perdre. Lorry Hardel ( Penthésilée) impose une entrée dans le tragique et le sacré, en décochant le verbe acéré, subversif, lyrique de Marie Dilasser comme autant de flèches, dans une féminité triomphante. Elle brave la séparation t la mort, affirmant son pouvoir comme le pressentiment d’n monde à venir, admirablement relayé par le chant de gorge de Marie-Pascale Dubé, performeuse vocale qui appelle à la transcendance, au dépassement du genre. Fi donc d’un univers rationnel et d’u déroulement théâtral codé. On entre, dans une deuxième partie, dans le monde d’aujourd’hui, en pleine mutation, où éclate un syncrétisme, rencontre d’arts et de cultures différents. Sont interrogées l’altérité, la diversité jusqu’au sein de l’équipe artistique. Tour est bousculé. Achille, le fantastique danseur Seydou Boro, éclate son corps en cheval, en homme, en femme. Les morceaux de vie plantent en terre les mots de Marie Dilasser comme autant de promesses. Un chœur de quatre comédiennes ponctue de leurs chants ( du kaddish à Mozart), comme des rituels de passage, affrontements et désirs, harmonie et syncope dans un nous enfin enfanté.

Dominique Daeschler