Pas de bel été au Théâtre du peuple !

Le Théâtre du Peuple de Bussang annule sa saison estivale

L’équipe du Théâtre : 

« Nous travaillons chaque jour afin de trouver des solutions pour nous permettre d’honorer les engagements pris auprès de nos salariés de la saison d’été (intermittents et saisonniers) et nous espérons être en mesure de rouvrir à l’automne, de quelque manière que ce soit. Nous tenions enfin à vous remercier pour vos nombreux messages de soutien. Prenez soin de vous, nous avons hâte de vous retrouver à Bussang. »

Maurice Pottecher (créateur du théâtre), Le Diable marchand de goutte, 1895

« Maintenant le silence est retombé sur l’enclos, le théâtre de bois et de feuillages a remisé pour un an ses portants rustiques (…).
Mais au-dessus de la vision effacée, l’idée reste ; elle couve sous la cendre d’un foyer éteint : elle attend un nouveau souffle qui la fasse jaillir en brillantes étincelles.
Le Théâtre du Peuple est rentré (…) sous la terre à la façon du grain que le semeur confie au sol dans cette saison recueillie pour que l’été prochain en lève la moisson ; il renaîtra, il portera sa récolte. »

Naissance du Théâtre :

Fils d’un industriel vosgien dont l’usine se trouve à Bussang, Maurice Pottecher part faire des études de théâtre à Paris. Il tente de monter ses pièces à la capitale mais il ne rencontre pas le public qu’il attend. Il a en effet un projet de théâtre populaire, où le public serait issu des différentes classes sociales, lesquelles se réuniraient au théâtre pour recréer une communauté.

De retour dans les Vosges, il fonde en 1892 le Théâtre du Peuple, avec pour devise « Par l’art, pour l’humanité », une devise inscrite au fronton du bâtiment. Son ambition est de régénérer le théâtre par le public, mais aussi par la nature.

Son geste de quitter Paris pour aller créer en province a été considéré comme un geste de résistance pour une partie des spectateurs et des artistes de l’époque,  s’opposant à une forme de confiscation de la culture par la bourgeoisie (…) Il fut par ailleurs l’un des premiers à réfléchir aux horaires des spectacles, et à une tarification plus accessible pour le public ouvrier. Il pensa lui-même le répertoire du Théâtre, qu’il souhaitait au plus proche des habitants du village (…) La particularité du Théâtre du Peuple était aussi d’accueillir des comédiens amateurs, formés à l’époque sur place. Aujourd’hui, professionnels et amateurs sont toujours réunis sur la scène pour donner la pièce principale de la manifestation, la « grande pièce » du dimanche après-midi.

 

Communiqué de presse du Théâtre du Peuple-Maurice Pottecher, 24 avril 2020

Dans le contexte de pandémie qui secoue notre pays et notre planète (et qui a particulièrement meurtri le Grand-Est),
— compte-tenu des directives gouvernementales pour préserver à tout prix la santé de tous les citoyens,
— mais compte-tenu aussi du manque d’assurance sur les mesures sanitaires qui seront en vigueur cet été,
— et après avoir étudié toutes les hypothèses imaginables,
le Conseil d’Administration du Théâtre du Peuple-Maurice Pottecher a décidé, en concertation avec son directeur, Simon Delétang, et les partenaires publics qui soutiennent le Théâtre (État, Région Grand-Est, Département des Vosges, Communauté de communes des Ballons des Hautes-Vosges, Ville de Bussang), d’annuler la saison d’été 2020 prévue du 1er août au 5 septembre.

La saison 2020 sera considérée comme une saison « blanche » pour Simon Delétang, dont le mandat 2018-2021 est dès lors prolongé d’une année. Le programme qu’il avait prévu pour cet été — « Hamlet » de Shakespeare et « Hamlet-Machine » de Heiner Müller — pourra être ainsi reporté à l’été 2022, l’été 2021 étant déjà programmé. Et nous espérons de tout cœur que le programme de l’automne et de l’hiver prochains pourra se tenir comme prévu…

C’est la première fois depuis la Seconde Guerre Mondiale que le Théâtre du Peuple n’ouvrira ni ses portes de bois ni son fameux fond de scène sur la forêt aux spectateurs. C’est un déchirement ! Mais comment assurer des répétitions avec l’équipe si nombreuse sur le plateau, en coulisse, dans les bureaux, aux cuisines, à la billetterie, à l’accueil etc, qui œuvre durant des semaines à la naissance d’un spectacle ; comment accueillir dignement un très large public avec la convivialité qui est appréciée au Théâtre du Peuple, sans risquer la propagation du coronavirus et mettre en danger la santé voire la vie des uns et des autres ? Cette annulation s’avère hélas incontournable, et s’ajoute à la longue liste noire de tous les spectacles et festivals annulés ce printemps et cet été.

Nous pensons évidemment à l’ensemble de nos prestataires et partenaires locaux (commerces, fournisseurs, tourisme, hôtellerie…) qui seront directement frappés par cette annulation. Et nous imaginons l’immense déception de tous les artistes professionnels et amateurs, techniciens, saisonniers, stagiaires et bénévoles qui avaient prévu de s’engager cet été à nos côtés.

L’urgence est à présent d’éviter absolument la précarité des salariés intermittents et saisonniers. Et pour ce faire, nous en appelons à la responsabilité de l‘État (propriétaire du Théâtre du Peuple) mais aussi aux Collectivités partenaires, afin de nous accompagner au mieux pour trouver les meilleures solutions pour eux et pour l’avenir de notre Théâtre, dont l’économie demeure si fragile.

La célèbre devise de Maurice Pottecher, inscrite au fronton de la scène, «Par l’art, pour l’humanité», passera l’été à l’abri des regards, mais vibrera dans nos cœurs et dans celui de toutes celles et ceux, acteurs et spectateurs qui viennent à Bussang partager la magie et l’émotion d’une représentation du Théâtre du Peuple.

Notre devoir d’humanité, c’est aujourd’hui de protéger la santé des citoyens.

François Rancillac, président de l’Association du Théâtre du Peuple – Maurice Pottecher
Simon Delétang, directeur du Théâtre du Peuple – Maurice Pottecher

Fort-de-France, premier mai 2020