« Outrage », un film pour parler différemment des hommes et des  femmes. 

Lundi 8 mars à 20H30 et Lundi 15 mars à 16h00, à la Salle Frantz Fanon de Tropiques-Atrium

Tropiques Atrium propose, en lien avec la Journée nationale des luttes pour les droits des femmes, un film américain de fiction, Outrage , réalisé en 1950 par Ida Lupino.

Ida Lupino (1914 ou 1918- 1995) et le monde du cinéma

Grande actrice américano-britannique des années 40 et 50, Ida Lupino s’imposera à Hollywood comme l’une des rares femmes scénaristes, réalisatrices et productrices de son époque. Elle raconte comment, dans ce métier, elle a eu l’impression de s’ennuyer sur les plateaux de tournage, alors que « quelqu’un d’autre semblait faire tout le travail intéressant ». Avec son mari, l’écrivain Collier Young, elle fonde donc la compagnie The Filmakers, alternative au modèle des studios hollywoodiens, ce qui lui permet de traiter en toute indépendance des thèmes peu conventionnels, souvent absents dans ces décennies-là des écrans américains.

Outrage est une commande d’Howard Hughes pour la RKO. Voici un film dont le scénario traite d’un sujet particulièrement inhabituel et hardi pour l’époque, à savoir les traumatismes subis par une jeune femme, victime d’un viol. Ida Lupino aborde un sujet audacieux pour le puritanisme américain. « Les histoires préférées de Ida Lupino racontent toutes la lente cicatrisation d’une blessure. Blessure autant physique que morale », dit Jacques Lourcelles, écrivain de cinéma et scénariste français, dans Dictionnaire du cinéma (chez Robert Laffont). Et la journaliste Carrie Rickey affirme, elle, qu’Ida Lupino est un modèle pour les réalisatrices : « Non seulement Lupino prend en main la production, la réalisation et le scénario, mais chacun de ses films aborde frontalement la sexualité, l’indépendance, la dépendance ». Pour d’autres, Ida porte en quelque sorte la parole des femmes, elle est celle qui inverse les codes du cinéma hollywoodien, – dont elle possède, de par sa carrière, une profonde connaissance –, en montrant « des mâles dangereux et irrationnels, semblables en cela aux femmes telles qu’elles sont représentées dans la plupart des films noirs d’Hollywood dirigés par des hommes ». Elle sort ses semblables des modèles figés du romantisme en vogue, pour les enraciner dans la réalité. Ses films  abordent des sujets difficiles, toujours proches du quotidien, souvent tournés en décors réels, et dont la tonalité se révèle plutôt intimiste. Ida est celle qui rétablit des vérités.

Synopsis du film, Outrage

Une jeune employée de bureau, Ann Walton, ne cesse de fuir, tel un être traqué. Elle a été victime d’un viol à la veille de son mariage avec Jim Owens, et sa vie tourne au cauchemar. Si elle tente de reprendre une existence normale, elle finit cependant par ne plus supporter le regard de son entourage, ni la sollicitude ni la curiosité des autres. Désormais, elle n’est plus définie que par son agression.…  Elle sillonne les routes sans but précis. Une entorse à la cheville la cloue bientôt au sol et lui fait perdre connaissance. Elle est recueillie dans une petite ville par un pasteur, Bruce Ferguson, qui entreprend de lui redonner goût à la vie. Hélas, lors d’un bal de campagne, lorsqu’un homme l’invite à danser et cherche à l’embrasser, elle croit revoir son agresseur d’autrefois et, à l’aide d’une clef anglaise, lui assène de terribles coups. On l’attrape, on l’arrête. Le shérif, Charlie Hanlon, confie à Ferguson le drame qu’a vécu Ann. Dès lors, le pasteur prend la défense de la jeune femme devant le juge d’instruction, et se porte garant de son rétablissement psychologique. Ann comprend, avec son aide, que l’événement conditionne sa vision du monde et que pour guérir, elle devra passer du statut de victime à celui de survivante.

Une réalisatrice à l’écoute de la société

Outrage, affiche

Hollywood étant alors régi par le code Hays, jamais le terme de viol n’est prononcé dans le film, qui use d’euphémismes et de périphrases. Pourtant, c’est bien l’échec d’une société qui mène au crime, une société coupable de « négligence criminelle » que dénonce avec force Ida Lupino. Trois ans après Outrage, en 1953, la réalisatrice posera de nouveau son regard féministe et lucide sur la société américaine, dans son film Bigamie : mariés depuis huit ans, Ève et Harry ne peuvent avoir d’enfants. Déçue, Ève se consacre, pour l’essentiel, à ses affaires commerciales et délaisse sa vie de couple. De son côté, Harry exerce ses fonctions professionnelles dans une autre ville. Là, il finit par rencontrer Phyllis qu’il épouse et dont il aura un enfant. Il mène donc une double vie. Lorsque Harry et Ève se décident à adopter, une enquête préalable mettra au jour l’existence dissimulée de Harry… Ida Lupino poursuit ainsi un travail entamé en 1949 avec Avant de t’aimer et Faire face : Carol, une jeune danseuse  devient brusquement malade, atteinte de poliomyélite. Elle est obligée de renoncer à son métier. Son partenaire danseur et fiancé, Guy, veut continuer leur relation mais elle pense pouvoir et préférer faire face à la maladie toute seule. Elle se voit comme une infirme…

Biographie express

Fille de comédiens britanniques, Ida Lupino débute très jeune sur les planches. Elle débarque à Hollywood à dix-sept ans et enchaîne les petits rôles jusqu’au début des années 40, où elle explose aux côtés d’Humphrey Bogart dans deux films de Raoul Walsh, Une femme dangereuse et La Grande Évasion. Elle tourne également avec Michael Curtiz, Fritz Lang, Delmer Daves. Mais, insatisfaite par sa carrière d’actrice, elle s’intéresse à la production indépendante, à l’écriture de scénarios, et réalise à trente et un ans son premier film… Une demi-douzaine d’autres suivront, établissant Ida Lupino comme la principale réalisatrice hollywoodienne de l’après-guerre. Mais l’échec commercial de ses films l’oblige à rentrer dans le rang et à redevenir actrice dans des films aussi remarquables que Le Grand Couteau de Robert Aldrich et La Cinquième Victime de Fritz Lang.

Fort-de-France, le 5 février 2021… Janine Bailly, d’après Wikipédia, AlloCiné, et le site Cinémathèque (Amandine Dongois)