Opéra Comique : un Pelléas et Mélisande d’anthologie

—Par Nicole Duault —

pelleas_&_melissandePelléas et Mélisande de Claude Debussy rentre au bercail dans une production fastueuse, un orchestre fougueux et transparent. Créée le 30 avril 1902 dans cette même salle de l’Opéra Comique, l’unique pièce lyrique de Claude Debussy (1862-1918) y revient, jouée par l’orchestre des Champs-Elysées sous la direction du talentueux chef Louis Langrée.

Cette production dans la mise en scène de  Stéphane Braunschweig, directeur du théâtre de la Colline, fut déjà donnée en 2010 dans ce même Opéra Comique. Le succès fut tel qu’une reprise se révélait indispensable. Un amoureux de l’opéra pourrait-il d’ailleurs se passer, une seule saison, de cette œuvre dont on découvre à chaque écoute les beautés sonores, révolutionnaires et annonciatrices du futur de la musique du 20e siècle? En 2010 la baguette et l’orchestre sur instruments anciens de John Eliot Gardiner révélaient la transparence grinçante, incandescente ainsi que la fragilité lumineuse d’une oeuvre qui n’est que grâce et mystère. C’est une toute autre approche que celle de Louis Langrée à la tête de l’Orchestre des Champs-Elysées. Elle est percutante ; elle est violente jusqu’à l’excès ; elle fulmine d’antagonismes ; elle est taciturne ; elle est douloureuse ; elle est tendrement amoureuse ; elle plonge dans les tréfonds de l’âme : elle est une explication freudienne. Voici une analyse splendide qui va bien au-delà de tant d’interprétations.

Les héros ont quasiment l’âge des rôles. Pelléas, baryton canadien aux aigus de ténor (« un baryton martin »)  semble à peine sorti de l’adolescence. Il s’appelle Phillip Addis. Il cultive l’étrangeté ambiguë du personnage sous un look de jeune premier. Il devrait rapidement connaître la célébrité,  même si, lors de la première, sa voix a vacillé. La soprano Karen Vourc’h, idéale Mélisande est d’une émouvante sauvagerie d’oiseau blessé. Leur duo d’amour est un chef d’œuvre de sensualité : Pelléas enfouit simplement ses doigts dans les cheveux de Mélisande. Leur diction en français, si difficile dans la déclamation, est impeccable, comme d’ailleurs celle des autres chanteurs. On comprend chaque mot et pour une fois, le surtitrage ne s’impose pas. La mise en scène de Stéphane Braunschweig,  directeur du Théâtre de la Colline, enferme les personnages dans un décor de persiennes où la lumière ne pénètre que par effraction. C’est à la fois une tour qui est également un phare d‘où l’on ne voit pas la mer, un puits sans fond, un lit d’hôpital : dans ces quelques éléments d’un univers noir et blanc, rodent la désolation, le désespoir et la mort que Debussy a transformé en sortilèges.

Pelléas et Mélisande. Opéra Comique jusqu’au 25 février. Tel : 01 42 44 45 40

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