Omar Sy, aussi charmeur et flambeur que Chocolat

À Madiana à partir du 5 février 2016

chocolatOmar Sy  rend son personnage de chocolat très contemporain, James Thierrée, petit-fils de Chaplin, endossant le costume de Footit avec une grande justesse.
Avec Omar Sy dans le rôle-titre face à James Thierrée, le film de Roschdy Zem insiste sur le duo Foottit et Chocolat, au risque de faire quelques raccourcis.

Chocolat est l’histoire d’une ascension fulgurante et d’un effacement. Une trajectoire édifiante comme les aime le cinéma. Rafael Padilla, alias Chocolat, joue les sauvages dans un cirque minable lorsqu’il rencontre Foottit, un clown déjà célèbre, avec qui il crée à Paris le fameux duo Foottit et Chocolat, le clown blanc et l’auguste.

Dans la vie comme sur scène, tout les oppose. Foottit est aussi taciturne et secret que Chocolat est charmeur et flambeur. Le film de Roschdy Zem se concentre sur la relation entre les deux hommes, leur compagnonnage, leurs rivalités, et l’ambiguïté sur laquelle reposent leurs numéros : le Blanc frappe et le Noir reçoit les gifles. Mais Chocolat fait bien la différence entre la scène et la vie. Face à l’épicier Félix Potin, qui veut utiliser son image dans une publicité, il se rebelle et refuse d’être caricaturé.
« Être artiste, c’est ouvrir une brèche »

Chocolat était célèbre avant de rencontrer Foottit, ce que ne montre pas le film. C’est l’un des raccourcis que s’autorise le scénario, probablement pour rendre la narration plus efficace. Il n’a pas non plus joué Othello, de Shakespeare, pour tenter de faire carrière au théâtre : le symbole est beau mais il s’agissait d’une autre pièce, un vaudeville aujourd’hui oublié. Les huées et le mépris de classe dont il fut victime sont, en revanche, bien réels. En dépit des libertés prises avec l’histoire et de quelques mala-dresses (les flash-back sur l’enfance d’esclave à Cuba), le réalisateur et son scénariste Cyril Gély montrent parfaitement la complexité du personnage, la manière dont Chocolat utilise les stéréotypes pour mieux les retourner. « Être artiste, c’est ouvrir une brèche », dit Rafael, sensibilisé aux questions politiques par un journaliste haïtien.

La grande force du film est de décortiquer la gestuelle de Chocolat, parvenue jusqu’à nous grâce aux frères Lumière, la manière dont il invente une synthèse entre sa culture d’origine et les codes du spectacle européen. Formidable comédien, Omar Sy rend son personnage très contemporain et montre bien le déchirement intime de Rafael, écartelé entre le mépris dont il fait l’objet et son statut de vedette. Dans le rôle de Foottit, le choix de James Thierrée, petit-fils de Chaplin, inventeur d’un univers théâtral poétique basé sur le mime et la danse, est une évidence. Avec les frères Podalydès en « guest stars », le reste de la distribution est parfait : Olivier Gourmet, roublard à souhait, joue Joseph Oller, directeur du Nouveau Cirque, la merveilleuse Clotilde Hesme incarne avec beaucoup de finesse Marie, la compagne de Rafael…

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