» Nous voulons décroître pour vivre, et pour mieux vivre »

— Collectif —

Europe Écologie-Les Verts, dont le prochain congrès doit avoir lieu avant la fin de l’année, doit devenir « le grand parti de la décroissance populaire dont nous avons un impérieux besoin », soulignent, dans une tribune au « Monde », les membres d’un collectif d’élus et militants écologistes.

Dans quelques mois, Europe-Ecologie-Les-Verts (EELV) tiendra son congrès, après une année marquée par une déception électorale qui n’a pas permis de placer l’écologie aussi haut que l’exigent les impératifs climatiques. L’alliance avec les gauches, grâce à laquelle nous avons retrouvé une place à l’Assemblée nationale, nous laisse aujourd’hui dans l’ombre politique et médiatique.

Ce bilan, c’est aussi celui de trop longues années de tergiversations sémantiques et politiques, qui ont dilué notre capacité à faire entendre un projet de rupture et à imposer un nouvel imaginaire.

Dans un monde qui, partout, s’effondre et pose la question, abyssale, de la survie même de l’humanité, nos ambiguïtés n’ont pas permis de répondre aux aspirations de celles et de ceux qui, dans l’angoisse de l’avenir, désirent se battre pour préserver une terre habitable. Nous nous sommes fait dépasser par l’accélération des effondrements en cours et des bouleversements qu’ils charrient.

Pourtant, face à l’emballement des crises, nous savons bien que l’horizon d’un futur désirable ne réside ni dans la croyance béate en l’innovation technologique ni dans une croissance verte et prétendument décarbonée. Nous savons bien que la croissance infinie engendre un système de prédation tant sur les écosystèmes que sur les vivants, qu’elle exerce d’ores et déjà des pressions insupportables sur les ressources énergétiques, laissant prospérer des dictatures puissantes et des va-t-en-guerre, tout comme des multinationales et des super-riches profiteurs de crises et ennemis de la Terre.

Des modes de vie à changer

Nous savons bien que nous ne pourrons pas continuer à vivre comme nous le faisons aujourd’hui, que ceux qui disent le contraire propagent des chimères mortelles, que la voiture individuelle partout et tout le temps, l’avion « open bar », la viande à tous les repas, la mode en click and collect, tout cela constitue des modes de vie qu’il nous faut changer. Ce dont nous avons tellement besoin, c’est de composer autrement avec le vivant, humains comme non-humains et, dans ce sens, nous savons bien que le chemin, le seul viable, c’est celui d’une diminution drastique et rapide de la charge écologique des activités humaines.

Il ne s’agit pas seulement de petits efforts, mais bien de porter un projet clair et sans ambiguïté de décroissance, démocratiquement consentie et profondément sociale. Notre parti doit être celui qui, sans concession, porte la réorientation massive de nos activités vers l’éducation, la culture, la santé, la justice, bref, une réorientation vers une économie du bien-être plutôt que vers l’ultraconsommation matérielle, qui absorbe de manière immodérée nos ressources et produit jusqu’à la nausée des déchets étouffant nos sols, notre air, nos rivières et nos océans.

Notre projet, c’est celui qui réhumanise nos métropoles, en les préservant de l’hubris de toute puissance. Notre projet fait revivre les villes petites et moyennes, les campagnes, les banlieues et les quartiers populaires. Il leur redonne leur fierté en rétablissant un tissu économique et citoyen viable. Notre projet, c’est celui de l’harmonie avec les vivants. A ce titre, il s’oppose aux criminels climatiques, qui usent et abusent de leurs richesses pour gaspiller en toute impunité, tout comme il combat toutes les dominations, celles que subissent les femmes, les animaux, les minorités, les derniers de cordée.

Ceux à qui nous devons imposer cette bifurcation, ce sont d’abord les multinationales et les multimillionnaires

Notre projet, enfin, c’est celui qui ne se trompe pas dans la désignation des responsabilités et des efforts à produire. Ce sont d’abord les multinationales et les plus riches qui, aujourd’hui, émettent l’écrasante majorité du carbone, c’est donc à eux que nous voulons d’abord imposer cette transition. Et c’est d’autant plus vrai que ce sont eux qui échappent, via la dérégulation de l’économie et la course aux paradis fiscaux, à leur devoir de contribution à l’effort collectif. Ceux à qui nous devons imposer cette bifurcation, ce sont d’abord les multinationales et les multimillionnaires, qui échappent, par la dérégulation de l’économie et la course aux paradis fiscaux, à leur devoir de contribution à l’effort collectif.

Ces richesses, aujourd’hui accaparées par une extrême minorité, doivent servir à financer ce nouveau modèle collectif et redonner un vrai « pouvoir de vivre » à celles et ceux qui subissent de plein fouet le cynisme et la violence du système. Pour éviter le désastre social et la destruction d’une partie de l’humanité, la résolution de la crise climatique et la réduction des inégalités sont des impératifs intimement liés, en plus d’être la condition sine qua non à une adhésion massive et démocratique.

Pour nous, militantes et militants écologistes et du vivant, les choses sont claires. Quels que soient les choix personnels que nous ferons pour le prochain congrès, nous sommes animés par cette profonde conviction : nous voulons décroître pour vivre, et pour mieux vivre. C’est vital, mais c’est aussi possible.

Il s’agit maintenant de définir les transitions nécessaires et les conditions de réalisation. Et c’est aujourd’hui de la responsabilité politique et éthique d’EELV de devenir, de revendiquer, et de travailler, à tous les niveaux, à être le grand parti de la décroissance populaire dont nous avons un impérieux besoin.

Liste des signataires : Antoine Alibert, maire adjoint Paris 20e ; William Aucant, conseiller régional Pays de la Loire ; Edwige Bazerole, conseillère fédérale et activiste politique ; David Belliard, maire adjoint de Paris ; Galla Bridier, porte-parole d’EELV Montpellier (Hérault) ; Julien Brunel, militant EELV Pays basque ; Mélissa Camara, conseillère municipale Lille (Nord), ancienne porte-parole de la campagne présidentielle de Yannick Jadot ; Kader Chibane, conseiller régional, Ile-de-France ; Laëtitia Copin, responsable interne, Loire ; Claire Desmares, présidente du groupe écologiste de la région Bretagne ; Damien Deville, responsable mission territoires EELV ; Guillaume Durand, maire adjoint Paris 14e ; Hélène Hardy, membre du bureau exécutif d’EELV ; William Lejeanne, porte-parole EELV Bretagne ; Dan Lert, maire adjoint de Paris, Jean-Baptiste Pegeon, conseiller régional Ile-de-France ; Emmanuelle Pierre-Marie, maire du 12earrondissement, Paris ; Sylvain Raiffaud, président du groupe écologiste à la Métropole du Grand Paris ; Rachel Savin-Puget, coresponsable de la commission santé EELV, militante en Normandie ; Amine Smihi, maire adjoint de Bordeaux (Gironde) ; Anne Souyris, maire adjointe, Paris ; Samuel Szymanski, militant, Ile-de-France. Alice Timsit, conseillère de Paris.