Noblesse paysanne

A propos du livre Il était une fois la vie au Morne Baldara de Roset Mongin

— Par Georges-Henrie Léotin —

Dans notre Martinique d’aujourd’hui, on n’imagine pas un tout jeune enfant émerveillé par la lumière d’une ampoule électrique (ce que nous appelions bek), et qui s’amuserait à jouer avec l’interrupteur comme s’il était magicien. Les bambins de nos campagnes, dans l’immédiat après-guerre, ouvraient aussi de grands yeux face aux fontaines des bourgs, face à cette autre magie d’une eau venue au coin des rues, à disposition, au bout d’un robinet métallique. L’enfant que fut Rozet Mongin, habitué de la source, avait déjà toutefois remarqué que l’eau des fontaines publiques n’était pas toujours fraiche comme celle venue directement des entrailles de la terre, « l’eau limpide de Trouboulo, notre source au Morne Baldara ». On mesure le chemin parcouru quand on voit que les fontaines publiques dans les bourgs, qui fascinaient l’enfant, ne sont plus guère aujourd’hui (quand elles existent encore) que des objets de curiosité et des vestiges du passé !

L’ouvrage de Rozet Mongin n’est pas un roman mais un récit de vie, l’évocation de son enfance, de ses parents, de sa famille, de la vie de la campagne du Morne Baldara (dit aussi Morne Babet, ou encore La Raisinier – l’auteur imagine comme origine possible du nom : La (femme) Résignée, mais souvent les noms de lieux dans nos campagnes sont précédés de « La » : La Naud, La Mathilde, La Palmène, La Marchand, La Dumaine, etc.

Le monde dont il parle n’est pas un petit paradis : par exemple, c’est l’époque de maladies comme la fièvre typhoïde, lymphangite (léfranjit an kréyol), lopwésion (asthme, infection respiratoire) ; l’époque où les écoles primaires et secondaires ne couvraient pas l’ensemble du territoire et où l’avenir de beaucoup d’adolescents était les « ti-bann » (jeunes enfants exploités dans les champs de canne). Mais c’était aussi une période sans une terre et une mer empoisonnées au nom du profit ; sans la dépendance à la grande distribution…

Une figure importante du livre de Rozet Mongin, c’est celle de son père, Désiré Mongin : père de famille nombreuse, gouverneur des rosées (pour reprendre le beau titre du roman de Jacques Roumain), grand connaisseur en matière de jardin-créole, dont le dégra (parcelle cultivée) était un modèle du genre. C’était aussi un homme d’expérience, un Sage dont on recherchait les conseils autant en matière d’agriculture (comment transformer un pied de papaye mâle en femelle) qu’en matière matrimoniale (conseils quant au choix d’un futur conjoint…). Dans un passage, l’auteur évoque la satisfaction, le bonheur que son père avait, en compagnie de deux amis qui l’aidaient dans son travail, à contempler son dégra : travail bien propre, travail bien fait, répartition bien calculée des plants, promesse de récoltes abondantes :

« Ô trop heureux les agriculteurs, s’ils connaissaient leur bonheur « (Virgile).

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La mère, le père, la terre : ce sont pourrait-on dire, les thèmes principaux de l’ouvrage. De la mère, nous laisserons le lecteur découvrir les rapports du tout jeune Rozet avec elle ; du père nous dirons qu’il est un des personnages centraux du livre par la noblesse qui se dégage de cette figure de paysan du Morne Babet, à une époque où l’on montait encore à cheval pour aller au bourg, en passant près de l’Habitation Clément, qui était encore un lieu de production (rhumière). Nous recommanderons aussi au lecteur, spécialement, le chapitre intitulé « La légende de Maitre Exipè », que nous lui laisserons découvrir.

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L’ouvrage de Rozet Mongin et Charles-Henri Fargues est assez rare. Malgré le début de son titre (Il était une fois…) il ne s’agit pas d’une œuvre de fiction. Il y a assez peu d’ouvrages-témoignages sur le passé récent de la Martinique, du côté de la vie des gens et pas seulement de la politique.

Tout à la fin d’une interview sur une radio franciscaine (Radio Sud-Est), Rozet Mongin appelait les jeunes Martiniquais à accumuler le maximum de connaissances pour être bien armés dans la vie. On peut dire que son ouvrage apporte à nos jeunes des choses qu’ils ne trouvent pas (en tout cas pas assez) sur les bancs de nos écoles, collèges et lycées : la connaissance profonde de ce que fut la vie dans nos campagnes et nos bourgs au milieu du siècle dernier ( lavi-a, sé pa té an bol toloman, sé pa té rédi chez bò tab). La figure du Père Désiré Mongin, par exemple, méritait d’être connue : disons grand-merci à son dernier fils !

Georges-Henri LÉOTIN (11/08/2025)

  • ASIN ‏ : ‎ B0F1XSPVP1
  • Éditeur ‏ : ‎ IDEM
  • Date de publication ‏ : ‎ 18 mars 2025
  • Langue ‏ : ‎ Français
  • Nombre de pages de l’édition imprimée  ‏ : ‎ 144 pages
  • ISBN-10 ‏ : ‎ 2959512723
  • ISBN-13 ‏ : ‎ 978-2959512728
  • Poids de l’article ‏ : ‎ 390 g
  • Dimensions ‏ : ‎ 13.5 x 1.2 x 26.7 cm
  • Prix : 12.90€