« Ni les femmes ni la Terre », de Marine Allard, Lucie Assemat, Coline Dhaussy.  

Mercredi 7 juillet à 19h 30 à Madiana

avec les interventions de :
Lucie Assemat, co-réalisatrice
Association Culture Égalité, intervention eco-féministe
Les Jardins de Gaiac, pour l’autonomie alimentaire
Laetitia Privat, Lyannaj pou depolye matinik 

Un film de Marine Allard, Lucie Assemat, Coline Dhaussy. 62mn. fr

Ni les femmes ni la terre ! est un documentaire tourné comme un voyage en itinérance autour des luttes ayant trait au corps et au territoire. En Argentine et Bolivie, le film suit au plus près celles qui luttent contre les violences faites aux femmes, le système Monsanto et la destruction de l’environnement par les entreprises extractivistes. 

Il met en évidence le parallèle entre les logiques d’appropriation capitaliste, coloniale et patriarcale de la terre et des corps des femmes, compris comme potentielles sources de profit. Dans les favelas, les périphéries urbaines, les campagnes isolées en Patagonie et l’altiplano bolivien, ces femmes combattent pour le droit à disposer de leurs corps, pour un changement de cap des modèles économiques, pour la reconnaissance de la légitimité et de la dignité de leurs « territoires-corps-terres ». Elles dessinent des voies pour une révolution écoféministe globale, desde abajo a la izquierda, du sud au nord.

Distinctions
2019 : Festival international du film lesbien et féministe de Paris – CINEFFABLE – Paris (France) – Sélection
2019 : Femmes en résistance – Arcueil (France) – Sélection
2019 : Caméras des champs – Festival international du film documentaire sur la ruralité – Ville-sur-Yron (France) – Grand prix & Prix du public et des habitants

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Réservations sur : https://www.madiana.com

Tarifs en vigueurs à Madiana

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« Ni les Femmes ni la Terre ! »

À la recherche de la convergence des luttes entre féminisme & écologie en Argentine et Bolivie
Marine Allard, Lucie Assemat, Coline Dhaussy
Dans Multitudes 2017/2 (n° 67), pages 82 à 89

Nous sommes trois jeunes femmes françaises impliquées dans un projet documentaire sur les initiatives féministes et altermondialistes en Amérique latine. Nous venons d’horizons variés : milieu de l’audiovisuel et de l’art, sociologie du genre et militance féministe, travail social spécialisé dans les violences de genre.

Nos parcours ont convergé vers ce projet, qui nous permet de synthétiser nos questionnements personnels sur d’autres modes de vie plus harmonieux pour autrui et l’environnement. En tant que jeunes citoyennes, nous nous interrogeons sur l’impact que peuvent avoir l’oppression des femmes et des minorités sexuelles et ethniques ainsi que la surexploitation des ressources naturelles sur les générations présentes et à venir.

Des filiations diverses
« Ni las mujeres ni la tierra somos territorios de conquista ! Ni les femmes ni la terre ne sommes des territoires à conquérir ! » Ce cri résonne dans toute l’Amérique latine. Il est apparu par la voix du groupe féministe anarchiste Mujeres Creando, qui s’est opposé dans la Bolivie de Morales à ce qu’on appellerait en France un grand projet inutile : il s’agissait de construire une autoroute qui passerait par la forêt amazonienne dans l’Est du pays et déstabiliserait des faunes et flores pourtant protégées. Au départ, nous avons pu remarquer des similitudes entre les modes de surexploitation de l’écosystème et d’oppression de genre. Dans les deux cas, il s’agit de s’approprier et d’objectifier des entités, dans le but d’en tirer profit. Mais au-delà, ce slogan est révélateur du lien très net sur le continent et ailleurs entre violences sexuelles et saccage de la planète. Si, en Bolivie comme dans bien d’autres pays, des femmes assimilent la surexploitation des ressources naturelles – ou l’extractivisme – à un viol, il ne s’agit pas que d’une métaphore.

On gardera en mémoire le procès historique au Guatemala suite à la guerre civile, où pour la première fois la violence sexuelle envers ces femmes a été reconnue comme un crime de lèse-humanité perpétré et orchestré par l’État. Cette reconnaissance fait écho en creux à l’ensemble des conflits armés, coups d’État, répressions, où les femmes ont été – et sont – systématiquement violées, depuis la colonisation et la politique de destruction des communautés indigènes. Partout en Amérique latine les peuples ont été colonisés, partout les femmes ont été exposées massivement à la violence sexuelle.

Cependant, il ne s’agit pas pour autant de souscrire à une analyse manichéenne d’un patriarcat exclusivement colonial, détruisant une unité harmonieuse des peuples précolombiens où l’égalité voire le matriarcat auraient régné. Julieta Paredes, fondatrice de Mujeres Creando Comunidad explique ainsi que le patriarcat colonial et le patriarcat indigène auraient convergé lors de la colonisation, rigidifiant les rôles sexuels et anéantissant les quelques sphères d’autonomie et de savoir des femmes (santé, médecine, spiritualité, avec pour corollaire une certaine maîtrise par les femmes de leurs capacités reproductives).

D’autres femmes ont développé cette analyse, telle Lorena Cabnal, figure de la lutte des femmes guatemaltèques de la montagne de Xalapan. Confrontées à trente concessions minières, imposées par la violence d’État, sur leur lieu de vie, les femmes ont développé une analyse des liens entre expropriations colonialistes de leurs territoires et violences patriarcales, et ont accouché du terme de « territoire-corps-terre ». Ce concept est intimement lié aux cosmovisions indigènes survivantes de l’époque précolombienne où la Terre-Mère et les femmes sont connectées dans leur fécondité, et où les deux territoires sont victimes de la prédation néolibérale et patriarcale. Si l’on pourrait identifier ces analyses à de l’écoféminisme essentialiste, nous y voyons autre chose, et surtout une forme de résistance aux prédations néolibérales et à l’homogénéisation culturelle. Il nous semble que ces féministes opèrent une synthèse entre identité indigène, intersection des oppressions, et resignification des contrats de genre dans les communautés….

Lire la Suite=> https://www.cairn.info/revue-multitudes-2017-2-page-82.htm