Mort de George Floyd : une troisième nuit de violences au Minnesota 

Des manifestations, importantes et justifiées

Indignés et choqués par la mort de George Floyd lors de son interpellation par la police lundi dernier, et ce pour un délit mineur alors qu’il ne semblait pas opposer de résistance, des habitants de Minneapolis ont investi la rue pour dénoncer la violence dont il a été victime. Dans tout le pays, les appels pour que justice soit rendue se sont multipliés.

L’appel à la Garde nationale par les autorités locales n’a pas calmé les citoyens de Minneapolis, qui ont manifesté leur colère et leur indignation  au cours d’une troisième nuit d’émeutes.  En soirée jeudi, des manifestants ont mis le feu au poste de police où travaillaient les quatre agents mis en cause (…) Les manifestations avaient auparavant été majoritairement pacifiques, avec des foules contenues par des chaînes d’hommes en uniforme. Mais il y a eu dans ce secteur des heurts, des incendies, le pillage d’une trentaine de magasins, et l’usage de gaz lacrymogène par la police. Des dizaines d’entreprises des villes jumelles de Minneapolis et St. Paul ont couvert leurs fenêtres et leurs portes jeudi dans le but d’empêcher le pillage. Minneapolis a fermé son système de train léger sur rail et tous les services d’autobus, par souci de sécurité. À St. Paul, des nuages de fumée flottaient dans l’air alors que la police armée de matraques et portant des masques à gaz et des gilets pare-balles surveillait les manifestants le long de l’une des principales artères commerciales de la ville…

Des manifestants se sont rassemblés ailleurs aux États-Unis, notamment à Denver, à New York, à Phoenix et à Columbus, en Ohio. Le président Donald Trump quant à lui est intervenu par des tweets. Il a précisé qu’il avait demandé au FBI et au Département de la Justice de faire la lumière sur cette disparition triste et tragique. « Mes pensées vont à la famille et aux amis de George. Justice sera rendue ! », puis : « Je ne peux pas m’asseoir et regarder ce qui arrive à une grande ville américaine, Minneapolis. Un manque total de leadership… le pauvre maire radical de gauche Jacob Frey se ressaisit et maîtrise la situation, ou j’envoie la Garde nationale et elle fera le travail comme il faut », et encore : « Ces voyous déshonorent la mémoire de George Floyd et je ne laisserai pas ça passer. J’ai parlé au gouverneur Tim Walz et je lui ai dit que les militaires étaient avec lui. S’il a des difficultés, nous allons assumer le contrôle, mais quand le pillage commence, les tirs commencent. Merci ! »

Un appel à ne pas ajouter « du drame au drame »

Après deux jours de manifestations et d’affrontements, le maire de Minneapolis, Jacob Frey, avait demandé jeudi le déploiement de la Garde nationale. « Il ne faut pas ajouter du drame au drame », a-t-il déclaré. En réponse à cet appel, le gouverneur de l’État, Tim Walz, a signé un décret autorisant l’intervention de la Garde nationale du Minnesota. « La Ville de Minneapolis a épuisé toutes ses ressources et a demandé de l’aide […] afin d’assurer une réponse immédiate », peut-on lire dans le document, où l’on affirme que la Ville de St. Paul a formulé une demande similaire. Sur son compte Twitter, la Garde nationale du Minnesota s’est dite prête à intervenir alors que d’autres manifestations étaient prévues en soirée.

Deux enquêtes en cours

Les autorités locales et fédérales tentent toutes deux de faire la lumière sur cette affaire. Le Département américain de la Justice a affirmé faire de l’enquête sur l’implication de la police une « priorité absolue ». Le communiqué indique que des procureurs et des enquêteurs expérimentés du FBI ont été désignés pour participer à cette enquête visant à déterminer si les policiers ont violé les lois fédérales. Une enquête « robuste et méticuleuse » sera menée, a assuré Erica MacDonald, procureur de l’État du Minnesota, lors d’un point-presse, en fin de journée (…)

Les quatre policiers impliqués ont été limogés, mais aucune inculpation n’a encore eu lieu. Selon le procureur du comté de Hennepin, Mike Freeman, qui participait aussi au point-presse des autorités, ceux-ci ont tous invoqué le 5e amendement, soit le droit à ne pas s’auto-incriminer et à garder le silence. Un peu plus tôt dans la journée, le chef de la police de Minneapolis, Medaria Arradondo, a reconnu qu’il y avait un “déficit d’espoir” dans sa ville, et que ses équipes y avaient contribué.

(D’après Radio-Canada, le 28 mai 2020—Avec les informations de Reuters, Agence France-Presse et Associated Press)

L’ONU veut que cessent les meurtres d’Afro-Américains non armés, perpétrés par la police

(Source : site web ONU Info)

Michelle Bachelet, Haut-Commissaire des Nations Unies aux Droits de l’Homme depuis 2018, a condamné dans les mots les plus durs la mort de George Floyd, appelant les autorités américaines à agir pour mettre fin à ces agissements : « C’est le dernier d’une longue série de meurtres d’Afro-Américains non armés… Je suis consternée de devoir ajouter le nom de George Floyd à celui de Breonna Taylor [une ambulancière tuée dans son appartement], d’Eric Garner, de Michael Brown et de plusieurs autres Afro-Américains non armés qui sont morts au fil des ans aux mains de la police – ainsi qu’à ceux de personnes telles qu’Ahmaud Arbery et Trayvon Martin, qui ont été tuées par des auto-justiciers… Les autorités américaines doivent prendre des mesures sérieuses pour mettre fin à ces meurtres et pour s’assurer que justice soit faite lorsqu’ils se produisent… Le rôle que joue la discrimination raciale […] dans ces morts doit être examiné de manière approfondie et traité comme il se doit… Les procédures doivent changer, des systèmes de prévention doivent être mis en place et, par-dessus tout, les policiers qui ont recours à un usage excessif de la force doivent être inculpés et condamnés pour les crimes commis ». Enfin, si Michelle Bachelet exhorte les manifestants à exprimer pacifiquement leurs demandes de justice : «La violence et la destruction de biens ne résoudront pas le problème de la brutalité policière et de la discrimination consacrée », elle ne manque pas de s’adresser aussi aux forces policières : « Et j’exhorte la police à faire très attention à ne pas enflammer encore plus la situation actuelle en recourant davantage à une force excessive ». Si elle a salué le fait que les autorités fédérales américaines aient annoncé qu’elles donneront la priorité à une enquête sur cette mort, elle a tenu à rappeler que « dans de trop nombreux cas par le passé, de telles enquêtes ont conduit à des meurtres jugés justifiés pour des motifs douteux, ou seulement traités par des mesures administratives ».

Pour rappel : Eric Garner est mort en 2014 à New York après avoir été asphyxié lui aussi lors de son arrestation par des policiers blancs. Tout comme George Floyd, il avait dit : « Je ne peux pas respirer », une phrase reprise par le mouvement « Black Lives Matter » lors des manifestations et émeutes consécutives au drame.

Réaction de Barack Obama

Prenant plusieurs exemples de cas de racisme observés dans son pays ces dernières semaines, Barack Obama, ex-président, celui qui fut le premier président noir des États-Unis, assure qu’être « traité différemment en fonction de sa race est tragiquement, douloureusement, et désespérément “normal” ». « Cela ne devrait pas être “normal” dans l’Amérique de 2020… Cela ne peut pas être “normal” », a-t-il écrit  dans un communiqué. « Si nous voulons que nos enfants grandissent dans un pays qui est à la hauteur de ses idéaux les plus grands, nous pouvons et devons faire mieux », a-t-il ajouté, faisant part de la même détresse que des millions d’Américains…. Barack Obama a terminé son message, en appelant à la justice, et demandant à tous de «travailler ensemble pour créer une “nouvelle normalité” dans laquelle les racines de l’intolérance et des inégalités de traitement ne ravagent plus nos institutions et nos coeurs . »