Merci pour ces moments

— Par Dégé —

moments_madrasIl ne pouvait pas exposer mieux ailleurs que dans ce lieu là : Le Vin l’Art et Vous,* derrière chez Azurel, au rond point Canal Cocotte de Ducos ! Un concept de magasin un peu nouveau mais qui nous rappelle un peu nos boutiques d’autrefois où l’on trouvait pain, pacotilles, casseroles, beurre en conserve, boutons de culottes, statues de la vierge, tableau de cerfs bramant dans les forêts de la lointaine Europe…Des nourritures terrestres, esthétiques et autres. Mais là, l’innovation est sobre, si j’ose dire : une galerie d’Art dans une cave à vins.

C’est donc au milieu des caisses de champagne, de rhum, de cidre, d’alcools divers qu’expose ISKIAS*. Il aligne le long des murs des dizaines de petits tableaux joyeux, plein d’humour, de fraîcheur, très colorés, fourmillant souvent de personnages, d’animaux, de détails…pittoresques ! C’est un vrai peintre, à la technique confirmée, à la manière et la thématique un peu vieillotte dans l’âme mais au charme fou. « Encore un petit Pinchon ? » On a envie, en contemplant les toiles, de trinquer avec ses bouteilles de Rhum perchée sur un guéridon de guingois… chaleur accablante, parasol…on rassasie sa soif. On a envie de palper une étrange tortue. Car tout est à la fois réaliste et bizarre. La distorsion, même légère, est partout : un système de bandelettes de papier de soie alternent, se superposent ou se croisent et créent un léger décalage qui produit cet effet madras, cet effet d’ivresse légère qui nous fait ressortir heureux. Et puis non, on ne part pas, on refait un tour pour apprécier des lino-gravures, au trait sûr, personnalisées par des touches de couleur. Là aussi l’accrochage est soigné et humoristique. L’exposition d’ISKIAS s’intitule fort justement Moments Madras. On prendra plaisir à la voir et à la boire jusqu’au 5 mars 2016.

*****

***

*

le_presidentThe President commence comme un documentaire traitant d’une dictature dans un pays qui pourrait être la Roumanie. Puis très vite, on comprend que l’histoire va nous être racontée à travers le regard d’un enfant. Regard sur son grand père et sur le coup d’état populaire contre la tyrannie de celui-ci. Et c’est la fuite éperdue, initiatique, de ce couple. Déguisés en musiciens de rue, ils traversent des épreuves plus dures l’une que l’autre, au point qu’on en garde le souvenir erroné d’un film en noir et blanc. Fidèles bafoués, putain vénérée, enfants esclaves, trahisons, massacres, tortures… Le dictateur est passé de l’autre côté du miroir et devient victime de ses anciens alliés, victimes des habitudes engendrées par son propre système. Mais toujours agressif, ne pensant qu’à sauver sa peau et celle de son héritier, longtemps il reste insensible aux malheurs du pays. Puis au milieu de sa quête, tournant du film, il retrouve sensibilité humaine en même temps que son premier amour, unique et pourtant trahi, pour une prostituée : enfin, il voit, enfin il entend la souffrance d’autrui ! C’est là que le film devient fable, devient conte : un dictateur compatissant ! Finalement le film pourrait se résumer ainsi « Il était une fois un peuple, poussé à la révolte par les pires abus de son président et qui décide de renoncer à la violence pour ne pas devenir à son tour un tyran : le pouvoir au prolétariat sans dictature ». Et aussi «  Il était une fois un dictateur déchu qui devenu victime de son système, en découvre les conséquences, s’amande et, dépouillé de tout même de son égoïsme, prend pitié de son peuple » Car ce film de Mohsen Makhmalbaf est un vibrant plaidoyer pour l’amour , le respect entre tous, et contre la peine de mort.

Tel un Saint-Christophe, le tortionnaire repenti portant sur son dos ses victimes est un des plus beaux passages du film. Il est à l’image du cinéma iranien dont nous bénéficions en ce moment* et qui porte sur ses épaules toutes les souffrances de ce pays : les conséquences des violences d’origines politiques et (donc) religieuses qui s’abattent au plus profond des intimités de chaque iranien.

*ISKIAS fils de L. Pannier et de M. Gauthier, artistes peintres reconnus, après des études aux Beaux Arts , et aux Arts Appliqués, s’est fait remarquer par des expositions à Paris, en Amériques du Sud et son travail original dans le monde de la publicité.

* Regards sur le cinéma iranien à Madiana pour Atrium Tropiques jusqu’au 26 février.