Max Ernst, le goût démesuré de l’énigme

La Fondation Beyeler à Bâle présente l’œuvre stimulante d’une des figures majeures du surréalisme.

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« L’Ange du Foyer (Le Triomphe du surréalisme) » de Max Ernst (1937), huile sur toile, collection privée.

Se laisser bousculer par cet adepte des ruptures ! Voilà une bonne raison de traverser le Rhin et de découvrir à Bâle la rétrospective stimulante de l’œuvre de Max Ernst. Collage, grattage, décalcomanie, sculpture, peinture par oscillation : ce nomade dans sa vie et dans son art a toujours expérimenté de nouvelles techniques et pris de nouveaux départs. « Un peintre est perdu quand il se trouve », déclarait-il dans un film qui lui était consacré. La Fondation Beyeler, qui présente plus de 160 de ses œuvres depuis 1915 aux années 1970, célèbre ce pionnier du surréalisme moins populaire que Dali ou Magritte. Moins identifiable à un style aussi. « Il se cherchait de façon permanente, ce qui le rend difficilement saisissable du grand public », reconnaît Raphaël Bouvier, commissaire de l’exposition, avec Werner Spies, spécialiste de Max Ernst.

Artiste du XXe siècle (né en Rhénanie en 1891, mort en France en 1976), après avoir vécu réfugié aux états-Unis pendant la Seconde Guerre mondiale, Max Ernst a innové inlassablement pendant près de soixante ans, sans jamais céder à l’abstraction qu’il détestait.
En ménage à trois à Eaubonne

L’exposition bâloise regroupe ses créations de façon chronologique et par grands cycles. On y découvre certaines de ses toiles les plus célèbres, telle La Vierge corrigeant l’enfant Jésus devant trois témoins : André Breton, Paul Eluard et le peintre (1926), où Marie donne une bonne fessée à Jésus :

La visite débute avec la révolte dadaïste menée par Ernst à Cologne, où il compose des hommes- robots à la Fernand Léger. Il veut choquer le bourgeois avec cette Chanson de la chair ou le chien qui chie (collage 1920). Ou déploie une poésie onirique dans La Puberté proche… (les pléiades), petite toile magnifique de 1921 :

Durant l’entre-deux-guerres (1920-1930), il signe des chefs-d’œuvre surréalistes, tel le grand panneau Au premier mot limpide (ci-dessous), peint à même les murs de la maison

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La Vierge corrigeant l’enfant Jésus devant trois témoins : André Breton, Paul Eluard et le peintre (1926)

d’Eaubonne en région parisienne, où il vivait en ménage à trois avec Éluard et Gala, future femme de Dalí. Une salle entière consacre ses « Forêts » fantastiques. Puis viennent les hordes inquiétantes, les cités en ruine dévorées par la jungle, les paysages grouillant de monstres, lors de son exil américain. Des expérimentations pas toutes réussies. Les vingt-cinq dernières années de sa vie passées en France sont d’ailleurs expédiées en fin de parcours. Seule constance sur ce demi-siècle de création : le goût démesuré de l’énigme. Il faut plonger, en soi, « au-delà de la peinture », disait Max Ernst.

Max Ernst, jusqu’au 8 septembre à la Fondation Beyeler (Bâle, Suisse) www.fondationbeyeler.ch/fr

Marie-Anne Kleiber, envoyée spéciale à Bâle (Suisse) – Le Journal du Dimanche

samedi 01 juin 2013

 

http://www.lejdd.fr/Culture/Beaux-Arts/Actualite/Max-Ernst-le-gout-demesure-de-l-enigme-610797