Martinique Jazz Festival 2016 J5 : retour aux sources et à la tradition

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Le C.A.B. avec DD Adriano, Blick Bassy, Mario Canonge

La chanteuse et percussionniste, Ceïba avec un répertoire qui emprunte aux chants traditionnels du monde dans sa partie méridionale, a rencontré, dit-on, un succès mérité lors de sa prestation « tout public » et suscité un vif intérêt au cours de ses rencontres avec les scolaires. La curiosité et la spontanéité du public en herbe ont déclenché un enthousiasme avec mille et une questions. Ceïba ? A voir et à revoir en terre de Martinique. Ce sera plus facile pour Groove Bô Kannal, les enfants du pays, qui se sont produits au centre culturel du bourg de Rivière Salée. On reparlera d’elle et d’eux dans un autre temps.

Le deuxième vendredi du MJF2016 à Tropiques-Atrium Scène nationale proposait dans l’ordre suivant C.A.B. puis le P.S.G. Une découverte pour beaucoup et une confirmation pour tous.

La Découverte.

C’est autour de la personnalité de Blick Bassy que s’est constituée avec le Mario Canonge au piano et Adriano aux percussions la formation C.A.B. Un set ambitieux, à la croisée des genres qui embarque avec talent les rythmes et sonorités africaines, brésiliennes et caribéennes pour un voyage musical chamarré et jouissif. Blick Bassy, artiste protéiforme, il est chanteur, compositeur, guitariste, percussionniste mais aussi écrivain et à ce titre a publié chez Gallimard, excusez du peu !, son premier roman Le Moabi cinéma ( lire ici).

Né en 1974 au Cameroun il revendique très clairement son appartenance à l’ethnie Bassa dont il se déclare militant pour sauvegarder la langue et la culture. Il a été un enfant et un adolescent prodige. A dix sept ans il crée le groupe Jazz Crew qui connait un succès  plus que d’estime dans son pays. A vingt-deux ans il fonde Macasa qui mêle les rythmes bantoues au jazz , à la soul, au funk. Macasa a écumé les festivals et emporté une multitude de récompenses : Le prix RFI musiques du monde, le Kora prix, le Prix CICIBA etc.

Sa musique est imprégnée des chants traditionnels qui accompagnent les travaux quotidiens, l’agriculture, la pêche, la chasse et les cérémonies cultuelles et culturelles qui borde la vie des Bassa. Il a d’ailleurs choisi sa langue natale et le hongo une musique traditionnelle bassa pour conter dans son deuxième album solo la tragédie de la déportation des esclaves vers le Brésil. « Le hongo trace le chemin de l’esclavage » dit-il et il s’attache à en retrouver les pierres dans la samba au Brésil, la rumba au Congo, le bolobo à Madagascar ou sous d’autres nom au Sénégal.

Sur scène il affiche une nonchalance et une légèreté dont on sent très vite qu’elles sont en réalité le résultat d’un travail pensé, réfléchi fait de passion et de densité. En quelques pas de danse il se ballade d’un micro à l’autre, délaissant parfois la sonorisation il crée un trouble sur l’origine du son : voix humaine ? Instrument ? Les deux à la fois ? Avec quelques clins d’œil au rap façon Abd al Malik quand il traduit en français les couplets de ses chansons ? On ne sait pas toujours dans cette atmosphère enchantée, c’est le cas de le dire, qu’il génère autour de lui. au Bien soutenu, avec brio notamment aux percussions par DD Adriano et par Mario Canonge au piano il confirme ce talent reconnu internationalement. Que la firme Apple ait retenu pour le lancement de l’iPhone6 sa chanson en bassa « Kiki » extraite de son troisième album en solo « Akö » en est un témoignage anecdotique certes mais une preuve tout de même.

En deuxième partie du lourd comme on dit.

C’est devenu une légende. A l’age de 9 ans quand Pacio Séry annonce à son père qu’il veut être musicien il reçoit en retour une magistrale gifle. Paco Séry s’est donc construit contre et peut-être y a-t-il dans l’ensemble de son œuvre, de son travail, de son jeu quelque chose qui relèverait de cette trace de cette nécessité d’une lutte pour exister. Avec ses percussions posées coté cour sur un podium plus haut que de coutume il en impose.

Principalement connu comme l’un des fondateurs du groupe de jazz-fusion Sixun et pour avoir joué aux cotés de Joe Zawinul ( Weather Report) du bassiste Jaco Pastorius et de Eddy Louiss est un artiste dont l’éclectisme ne se dément jamais. Avec le Paco Séry Group (PSG) il présente un set explosif de feu, d’énergie, de couleurs africaines, de jazz, de funk, de hip-hop, de R&B. Rythmes, pulsations sont soulignées, surlignées par des break à répétition, des envolées de solo, explorant tous les genres sans jamais s’en interdire aucun. Il y a autour de lui son guitariste depuis vint-cinq ans, Olivier Ajavon, Cédric Duchemann aux claviers avec lequel il entame un dialogue amusant et Sophia Nelson aux voix. Ceux-là ont été présentés au public. Les autres peut-être les a-t-il tout simplement oubliés ? Pourtant Swaéli Mbappé qui peine parfois à se faire entendre à la basse souvent surpassée par la batterie, Sylvie Loche choriste à la belle voix claire, et surtout Eric Gaultier aux saxophones avec des accompagnements soutenus et des solos inspirés, ne déméritent en aucune façon.

Paco Séry ? Une valeur sûre que le public a apprécié sans réserve aucune. On était en pays connu.

Fort-de-France, le 03/12/2016

R.S.