Martin Gray, disparition d’un survivant

martin_grayL’écrivain a été retrouvé mort dans la piscine de sa ferme de Ciney. Il avait 93 ans. Né le 27 avril 1922 à Varsovie, il etait célèbre pour son livre « Au nom de tous les miens », dans lequel il raconte avoir perdu à deux reprises toute sa famille, d’abord dans les camps d’extermination nazis, puis dans l’incendie de sa maison dans le Sud de la France.

Martin Gray était le symbole vivant de la résilliance face aux drame qu’il avait subit : trois fois il a perdu les êtres qui lui étaient les plus chers dans des conditions atroces.

Le 1er septembre 1939, les nazis envahissent la Pologne. Martin Gray a alors dix-sept ans. Transféré dans le ghetto de Varsovie où son père travaille au Judenrat, il trouve le moyen d’en sortir en soudoyant des soldats nazis et devient ainsi un contrebandier. Plusieurs fois par jour, il fait des allers-retours pour ramener de la nourriture dans le ghetto grâce aux tramways. Lors d’une rafle, son père est attrapé pour être déporté. Grâce à ses appuis, Martin lui sauve la vie en l’aidant à s’échapper.

Plus tard, sa mère, ses deux frères et lui-même sont déportés à Treblinka, où sa mère et ses frères sont exterminés immédiatement. Compte tenu de sa santé physique, il n’est pas tué et travaille dans divers Kommandos, dont les Sonderkommandos, qui sont chargés d’extraire les corps des chambres à gaz. Il réussit à s’échapper de ce secteur et à retravailler dans les secteurs de réception des déportés.

Il travaille alors dans un Kommando chargé de trier le linge et de le charger dans les wagons. Il peut ainsi s’enfuir de Treblinka en se cachant dans un wagon. De nuit, il se jette hors du train et traverse divers villages où il informe la population de ce qui se passe à Treblinka, mais personne ne le croit.

À son retour à Varsovie, il retrouve son père, qu’il croyait mort, mais qui, quelques jours plus tard, lors de l’insurrection du ghetto, sera abattu devant ses yeux, parmi un groupe de Juifs qui s’étaient jetés sur des SS après s’être rendus.

Il rejoint ensuite l’Armée rouge, où il finit la guerre, et marche sur Berlin le 30 avril 1945. Comme officier, il est décoré d’ordres prestigieux de l’Armée rouge : ordre de l’Étoile rouge, ordre de la Guerre patriotique et Ordre d’Alexandre Nevski. Cent-dix membres de sa famille sont morts pendant la Seconde Guerre mondiale.Après la guerre, il décide d’aller rejoindre sa grand-mère maternelle à New York en 1947.

Il s’y enrichit en vendant, à des antiquaires américains, des porcelaines et des lustres non antiques qu’il fait fabriquer en Europe.

Citoyen américain en 1952, il rencontre Dina Cult en 1959 qui devient son épouse. Ils s’installent dans le Sud-Est de la France, à Tanneron, non loin de Mandelieu, où il devient exploitant agricole.

Le 3 octobre 1970, lors de l’incendie du Tanneron, il perd son épouse et ses quatre enfants. Au bord du suicide, il déclare avoir décidé de lutter pour devenir un témoin et trouver encore une fois la force de survivre, l’écriture devenant alors, d’après lui, une thérapie.

Depuis, Martin Gray s’était remarié deux fois et a eu de cinq enfants.

Au nom de tous les miens, son best-seller autobiographique sorti en 1971 et rédigé avec l’écrivain français Max Gallo raconte son drame d’avoir perdu des êtres chers à trois reprises, le laissant seul survivant, a été édité en vingt-six langues et lu par trente millions de personnes. Objet de polémiques car certains passages auraient été romancés, il a été adapté en téléfilm à succès en 1985 par Robert Enrico, avec Michael York, Brigitte Fossey et Macha Meril.

Toujours dans cette démarche de cultiver le souvenir, Martin Gray avait fondé peu après le dramatique incendie qui lui avait couté la vie, la fondation Dina Gray, puis un centre international de jeunesse baptisé « Arche du futur », pour rendre hommage à sa première épouse.

L’écrivain franco américain avait été fait en 2013 « citoyen d’honneur » de Ciney, ville des Ardennes belges, où il partageait son temps depuis 2012, en alternance avec la commune bruxelloise d’Uccle.

L’Humanité.fr