« GlobalCaribbean IV » : exposition collective à la Fondation Clément jusqu’au 07 juillet 2013

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 Fondation Clément, Martinique

Artistes : Eddy Firmin (Ano),  Christian Bertin, Ernest Breleur , Jean-Marc Hunt,Thierry Jarrin, Valérie John , Louis Laouchez, Mirtho Linguet (Mirto), Christophe Mert,  Bruno Pédurand, Luz Severino, Philippe Thomarel, Thierry Tian Sio Po, Laurent Valère

   Le projet Global Caribbean sous l’égide du programme « Caraïbes en création » de l’Institut Français a été mis en place pour promouvoir l’expression artistique contemporaine caribéenne. Cette quatrième exposition, intitulée « Global Caribbean IV : French West Indies & Guiana : Focus on the contemporary expression», présente en partenariat avec la Green Family Foundation à Miami, du Little Haiti Cultural Center, de la Haitian Cultural Arts Alliance et de l’Institut Français quatorze artistes des territoires caribéens français.

 Cette exposition est d’abord présentée au Little Haïti Cultural Center dans le cadre de la prestigieuse foire internationale Art Basel de Miami du 7 décembre 2012 au 16 février 2013, puis à la Fondation Clément.

 24 mai au 7 juillet 2013

 9h-18h

 dimanche – découverte :  2 juin 2013 – 10h

 soirée – rencontre :  jeudi 13 juin 2013 – 19h

Habitation Clément, La Cuverie

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 Marrons

—  Par Edouard Duval Carrié, Artiste/Commissaire, Directeur artistique de l’HCAA —

 C’est avec un grand plaisir que nous présentons ici à Miami, dans les magnifiques locaux de Little Haiti Cultural Center, cet ensemble d’œuvres provenant de cette partie de la Caraïbe que nous appelons, faute de mieux, Antilles françaises. Cette aventure a commencé pour moi il y a une vingtaine d’années quand un groupe d’amis artistes des Antilles m’a invité à me joindre à leur exposition dans le somptueux Château des Ducs de Bretagne de la ville des Nantes en France. Cette exposition, pertinemment nommée « Mawon, Marroon, Cimarron, Marron », s’inscrivait dans le cadre de la commémoration de l’abolition de l’esclavage dans les territoires d’Outre-Mer. Cette célébration, orchestrée par les autorités françaises, fut l’occasion de revisiter les discours qui ont soutenu le développement du système esclavagiste ainsi que les conflits qui l’ont conduit à son effondrement. Mais cette commémoration avait quelque chose de nouveau : de jeunes artistes contemporains ont été invités à se joindre aux débats. Ils ont révélé que les plaies, loin d’être totalement cicatrisées, étaient toujours perceptibles, à la lumière des candélabres médiévaux de la majestueuse forteresse.

Je m’étais alors fait la promesse que je ferai un jour mon possible pour présenter leurs travaux de l’autre côté de l’Atlantique; mon seul regret est qu’il ait fallu tant de temps. Ces artistes qui exposent ici ne sont évidemment pas les mêmes que ceux de l’exposition Mawon mais l’esprit qui anime ces œuvres n’en diffère pas fondamentalement. Il s’y manifeste la même volonté débordante d’armer une certaine singularité. Et les discours intellectuels qui sous-tendent ces créations sont des plus pertinents; ils démentent l’idée argement partagée que ces îles somnolentes n’ont créé et ne peuvent créer que des œuvres bercées par les mers turquoise que bordent des plages immaculées

Chacun d’eux, contre toute attente, a réalisé des œuvres qui corroborent ce concept de « marronnage ». La création artistique d’une périphérie éloignée peut aujourd’hui encore aborder des questions centrales de manière aussi pertinente qu’il y a plusieurs siècles; comment survivre et garder sa dignité face au dédain ethnocentrique de la métropole$? La condescendance du centre toujours actuelle est un héritage de l’aveuglement volontaire qui a causé la déportation de millions d’africains pour le soi-disant raffinement de la civilisation occidentale. Beaucoup peuvent affirmer que beaucoup de choses ont changé depuis, comme le prouve une exposition de ce type. Certes, le caractère crucial de la question de l’esclavage s’est atténué avec le temps mais ses séquelles restent sensibles; elles sont d’ailleurs la cause de nombreux conflits sur la planète.  Ceux-ci doivent être résolus aujourd’hui comme ceux d’autrefois ont dû être dénoués. La quête de la liberté, si fondamentale dans la condition humaine, de même que la recherche de l’équilibre économique, restent des idéaux aussi inaccessibles. Le concept de marron, qualifiant le groupe d’esclaves évadés de la plantation et réfugiés dans les montagnes, et caractérisé par une couleur de peau et une histoire sanglante, peut difficilement s’appliquer à ce groupe d’artistes contemporains avertis. Pourtant, quelque chose de ce marronnage subsiste en eux, sous la forme d’un ardent engagement pour la liberté d’expression artistique.

 Ces grands débats constituent une toile de fond de la production visuelle de ce petit coin de la planète; à travers eux s’écrit une histoire de l’art spécifique. J’ai mobilisé pour cette exposition l’expertise de spécialistes et de chercheurs principalement originaires de Martinique pour aider à élucider certains aspects du développement de l’art de la région. Gerry L’Etang, éminent ethnologue, aborde le contexte historique dans lequel l’expression artistique des Antilles françaises a évolué à partir du système précaire des plantations en nous proposant une traversée artistique des 19ème et 20ème siècles. Renée-Paule Yung-Hing, responsable culturelle du Conseil Régional de la Martinique, s’investit activement dans la promotion de l’art. Elle examine la problématique de l’art dans les Antilles françaises en soulignant la question de l’insertion de ces territoires dans le cadre de la France post-coloniale en tant que « Départements d’Outre-Mer ». Dominique Brebion, critique d’art contemporain qui a monté des expositions consacrées à la région antillaise, nous donne ici son appréciation des artistes présentés dans cette sélection. Sa connaissance personnelle du monde de l’art de la région offre un éclairage sur les problèmes que ces artistes rencontrent dans leurs tentatives de s’insérer dans le monde de l’art contemporain au sens large.

Leurs contributions sont plus que précieuses car elles jettent un éclairage sur la production artistique de la région. Mais il m’est nécessaire de préciser que cette exposition ne prétend pas épuiser l’ensemble des productions artistiques de la région. J’aurais été heureux d’inviter bien d’autres artistes et de disposer d’un espace illimité dans la galerie ou dans le catalogue pour laisser libre cours aux écrivains et aux artistes, ce qui n’est pas le cas malheureusement.

Pour enrichir cette exposition, nous avons bénéficié du partenariat de la Green Family Foundation, grâce à sa directrice Kimberley Green, dont nous savons le grand intérêt pour la région Caraïbe et  ses expressions artistiques. Les archives du célèbre folkloriste américain Alan Lomax, spécialement celles relatives aux Antilles françaises, nous ouvrent un point de vue complémentaire sur la particularité de cette région à travers son héritage musical. Des extraits des enregistrements des années 60 d’Alan Lomax et d’autres documents provenant de la région soulignent le patrimoine culturel partagé non seulement par les Antilles françaises mais aussi par l’ensemble du bassin caribéen. Un héritage qui touche aussi les Etats-Unis, en particulier le Sud de la Floride.

Je tiens à remercier chaleureusement tous nos partenaires qui ont considérablement contribué au montage de cette exposition$ : d’abord et surtout les artistes qui, depuis leurs studios, m’ont con#é leur travaux pour l’exposition et aussi l’expertise de nos auteurs ainsi que les différents partenaires impliqués. L’appui de Bernard Hayot, président de la prestigieuse Fondation Clément en Martinique, a été décisif pour mettre en œuvre ce projet car il n’est pas resté insensible à mon désir de faire participer mes collègues des départements français à cette grande foire internationale qu’est Art Basel Miami. Et je ne remercierai jamais assez l’équipe de la Fondation Clément pour leur aide si précieuse.

Je dois ajouter que le programme de Global Caraïbe dont cette exposition est la quatrième édition est une initiative de l’Institut Français, dont le but est de « mettre l’art et les artistes de la Caraïbe en situation commerciale », consigne que j’ai suivie fidèlement. Gageons que cet événement donne une meilleure visibilité aux artistes de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Guyane française. Il nous faut mentionner aussi le Little Haiti Cultural Center, une structure de la ville de Miami dédiée à servir la communauté haïtienne locale. Nous exprimons notre profonde gratitude pour leur compréhension ; en ouvrant leur porte à ce genre de programme et à sa vision très large d’une grande Caraïbe, nous rehaussons la visibilité à cette communauté haïtienne, non seulement localement mais aussi dans un cadre plus large. C’est dans cet esprit que nous, à l’Haitian Cultural Arts Alliance, nous travaillons. Nous souhaitons familiariser notre jeunesse locale à un contexte régional plus large où sont partagées une histoire et des préoccupations communes, qui forment des liens qu’ils ne soupçonnent peut-être pas.

Edouard Duval Carrié,
Artiste/Commissaire, Directeur artistique de l’HCAA