« Mama Wanakéra » d’Olivier Ernest Jean-Marie

— Par Selim Lander —

Poursuivant sa série des pièces produites localement, le Théâtre municipal présente jusqu’à samedi une création issue de l’atelier du Sermac animé par Élie Pennon, Mama Wanakaéra d’Olivier Ernest Jean-Marie qui intervient lui-même dans les rôles d’Aimé Césaire et de Patrick Chamoiseau. La pièce commence dans une salle d’hôpital où repose la matriarche d’une nombreuse famille. Elle récupère d’une blessure infligée involontairement par l’une de ses petites filles, un coup de revolver parti intempestivement. Cet événement improbable est à l’origine d’une réunion familiale et d’une discussion animée en créole. On retrouve ensuite la famille sur le chemin du retour, dans un minibus, ce qui est l’occasion de solder quelques comptes, avant une halte à l’église pour remercier le Seigneur, laquelle halte ne va pas sans susciter quelques propos critiques à l’égard d’une religion importée par des Blancs.

La suite de la pièce, lors d’une nouvelle visite de la famille cette fois plus nombreuse, accentue le côté critique de la pièce avec l’énoncé des griefs contre la Métropole si souvent entendus dans le théâtre antillais (de l’esclavage au chlordécone). Seul un couple qui semble avoir atteint une position sociale plus favorable que le reste de la famille se fait le porte-parole de ces Martiniquais qui ne voient pas leur sort si tragique.

Et Mama Wanakaéra ? Elle a fait son « apparition » (le terme est à prendre au sens surnaturel car il s’agit de l’esprit qui accueille les défunts à l’entrée du royaume des morts). La grand-mère a vécu une « EMI » (expérience de mort imminente ou de « quasi-mort », near death experiment en anglais) en conséquence de sa blessure et a donc rencontré Mama Wanakaéra, suite de quoi cette dernière a décidé de s’incarner pour prêcher la sagesse aux membres de la tribu. Insensiblement, on est passé du créole au français et la fin de la pièce fait entendre des paroles de Césaire, Fanon, Glissant, Chamoiseau.

Il faut ajouter que tout cela se déroule dans un environnement très menaçant (la Pelée s’est réveillée, un cyclone approche) si bien que la toute fin est une apocalypse dont les comédiens se relèveront heureusement indemnes pour les saluts.

Quatorze comédiens portent cette histoire avec vaillance sous la houlette de José Exelis, metteur en scène (1). Il y a des moments savoureux, en particulier certaines réparties en créole. Et les imperfections inévitables du jeu n’empêchent pas de prendre plaisir à ce spectacle plutôt rondement mené.

Mama Wanakaéra, du 20 au 22 novembre 2025, Théâtre municipal de Fort-de-France.

(1) Voir ici la liste de toutes les personnes qui ont collaboré à ce spectacle :
https://www.madinin-art.net/mama-wanakaera-texte-olivier-ernest-jean-marie-m-e-s-jose-exelis/