Maintenant !

— RS n° 404 lundi 21 juillet 2025 —

« Résister est un verbe qui doit se conjuguer au présent ». Cette phrase que l’on attribue à Rosa Luxemburg, a, par définition, toujours le mérite de l’actualité.

Il n’y a pas de résistance capable de se muer en offensive sans programme. Les programmes, eux, ne sortent pas tout faits d’un livre déjà écrit. Ils ne naissent pas non plus de l’activité solitaire d’un cerveau génial.

Les programmes, sans lesquels l’action n’est qu’une agitation désordonnée, se forgent dans le débat collectif, constamment renouvelé à la chaleur des luttes communes.

Plusieurs évènements en cours en Martînique méritent d’être analysés à l’aune de ce bon sens pas aussi partagé qu’on le voudrait. Voyons cela.

Le débat à l’initiative de RESPÉ et du GRS

Tout entière tournée sur la question du programme et des moyens pour le faire avancer, la réunion du 13 juillet fut éminemment positive, même si elle n’a pas atteint tous ces objectifs en termes de forces représentées.

Parmi les 53 participant·e·s (33 sont restées pour la collation conviviale qui a prolongé certains échanges), nous avons eu le plaisir de partager des réflexions avec des militantes et militants venu·e·s soit à titre personnel (des camarades de la CDMT, du PPM, de la CGTM, du PCM)., soit en tant que représentant·e·s officiel·le·s de leurs organisations (CGTM, Combat Ouvrier, Parti Socialiste dont la députée Béatrice Bellay, PÉYI-A et le député Marcellin Nadeau, représenté par sa suppléante Cynthia Yerro, et bien entendu, en plus grand nombre, des camarades des deux organisations invitantes.

Pour information, signalons que, à part des militant·e·s à titre individuel, d’autres organisations syndicales, associatives et politiques avaient été invitées. Certain·e·s nous ont fait part de leurs empêchements.

La satisfaction générale affichée montre la possibilité et la nécessité du débat sur ce que nous voulons, sur les convergences pour agir, et les divergences pour continuer à débattre.

La poursuite et l’extension du débat nous semblent indispensables. Pour contribuer à l’approfondissement, nous publierons nos propositions et nous souhaitons la tenue d’autres rencontres sous une forme ou une autre, car c’est une tâche urgente du mouvement ouvrier et populaire martiniquais. Aucun formalisme exagéré ne devrait l’empêcher. Les temps sombres dans lesquels la planète entière est entrée, les dangers qui pèsent sur notre survie même, l’arrogance et la violence du colonialisme français, imposent de mettre les bouchées doubles.

Dans cette perspective, nous listons ici, quelques-unes de ́nos propositions. Elles forment un tout, dont aucun élément particulier n’est inutile, mais aucun ne se suffira à lui seul. Notre démarche veut s’appuyer sur la mobilisation des masses autour d’axes clairs avec toute la radicalité que permet l’état des mentalités populaires. Notre ligne de mire reste l’éradication du colonialisme, du capitalisme, de toutes les formes d’oppression qui en découlent. C’est cet horizon qui donne sens aux revendications pour ici et maintenant.

Le 13 juillet, nous avons parlé de la CENTRALE PUBLIQUE D’ACHAT comme une des mesures permettant d’échapper à l’absolutisme du lobby de l’import-export. Le complément de cette mesure c’est le CONTRÔLE OUVRIER ET CITOYEN (ou populaire). Ce contrôle devra s’appliquer dans la centrale publique d’achat comme dans la grande distribution ou les grandes plantations agricoles. La RÉQUISITION doit constituer une perspective à mettre en œuvre dans le cas où le sabotage de l’oligarchie venait à empêcher le contrôle ouvrier et populaire.

Ce contrôle est aussi une condition du succès de toutes les formes d’ÉCONOMIE MIXTE que nous proposons. C’est ainsi que nous tirerons la leçon des Sociétés d’économie mixte ou des ENTREPRISES PUBLIQUES qui ont échoué du fait des gabegies, du laxisme, de la corruption qui gangrènent parfois jusque malheureusement les organisations populaires elles-mêmes.

L’enjeu est de taille! La satisfaction des besoins collectifs, la préservation des écosystèmes, la maîtrise d’un avenir digne pour toutes et tous, sont pour nous, la base et le moteur du développement. Pour y parvenir, il faut soustraire des lois absolues du marché capitaliste, des biens et des moyens vitaux comme l’eau, l’énergie, le transport, le logement, la production alimentaire. Toute avancée dans ces domaines doit s’accompagner du contrôle (donc de la TRANSPARENCE) qui empêchera de transformer un progrès en son contraire. Ainsi conçue, l’évolution économique est à la fois source d’emplois, de mieux vivre, et de préservation écologique.

Le développement des services publics, relevant aussi bien de l’État que des collectivités martiniquaises, est un complément indispensable aux formes d’ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE à contenu PROLÉTARIEN qu’il faut promouvoir dans les combats concrets, plus que dans les discours du dimanche.

La création, le développement et la transformation positive des services publics de la santé, de l’École, de la petite enfance et du grand âge, doivent faire l’objet de luttes immédiates. Sans ces luttes, nous hypothéquerons gravement les possibilités de survie du peuple. Il ne s’agit pas « d’attractivité du territoire », comme disent les technocrates, mais de vivabilité du pays et du peuple. D’autres mesures s’imposent dans le même sens : pour le CONTRÔLE DES INSTALLATIONS ET DES ACQUISITIONS DES TERRES dans le pays, pour le DROIT DE VIVRE ET TRAVAILLER AU PAYS contre le COLONIALISME DE PEUPLEMENT dont on voit les ravages en Kanaky.

Contre la cherté de la vie, les mesures proposées plus haut, ne s’opposent pas à d’autres, insuffisantes mais découlant potentiellement de lois déjà existantes: contrôle voire BLOCAGE DES PRIX, CONTRÔLE DES LOYERS, INTERDICTION DE NOUVELLES INSTALLATIONS PAR LES FIRMES COMMERCIALES, etc.

Notre réflexion sur l’octroi de mer, la TVA, les taxes et impôts, tourne le dos au simplisme trompeur et parfois démagogique. L’octroi de mer est un impôt indirect dont l’origine coloniale est on ne peut plus claire. Comme tout impôt sur la consommation, il frappe plus durement les classes populaires. De ce point de vue, aucune différence avec la TVA (= Tout Va Augmenter !). La différence réside dans le fait que l’octroi de mer donne une raclure de pouvoir fiscal aux autorités locales, une once de possibilité de protéger la production locale, une miette de pouvoir de substitution partielle à l’État dans le financement des collectivités.

Nous voilà donc piégé·e·s. Qui peut vouloir aider des importations concurrentes aux productions locales ? Qui peut vouloir appauvrir les collectivités ? Qui peut vouloir enlever aux élus un semblant de pouvoir de jouer sur le choix des importations, etc. ? (Dans un récent congrès des élus en Guadeloupe, on a même vu surgir la revendication du droit de mettre une TVA locale !!).

Mais peu de gens posent la question : pourquoi est-ce aux classes subalternes de payer ? On ne peut sortir du piège qu’en arrachant un véritable pouvoir fiscal et douanier. C’est aux classes riches, à l’oligarchie fortunée, de payer par un impôt qui pour être juste, doit peser non sur la consommation, mais sur le revenu et le patrimoine. Voilà pourquoi il faut réclamer ce pouvoir !

Cette revendication ne s’obtiendra pas sans lutte, mais tout le monde, sauf les très riches privilégiés, en voit la logique et l’intérêt. Pour favoriser ce combat, comme une bonne partie des autres, la reconnaissance par l’État français de ́notre QUALITÉ DE PEUPLE, donc une ENTITÉ PROPRE dotée de ce fait d’un POUVOIR DE NÉGOCIATION. Cela doit revenir dans leur Constitution française comme en…1946 ! Marcellin Nadeau a déjà proposé une loi allant dans ce sens. Très bien!, mais chacun comprend que sans mobilisation populaire, l’eau continuera à traverser le panier !

Pour finir : si les mesures défendues dans ce programme sont source de renforcement du pouvoir d’achat et de vie des classes dominées et exploitées, l’AUGMENTATION DES SALAIRES ET DES MINIMA SOCIAUX doit figurer en bonne place dans tout programme progressiste. Les deux biais principaux de ces augmentations sont là hausse du SMIC et des minimas, dépendant de l’État et les augmentations directes résultant des négociations de branche dont la généralisation est une urgence pour tout indicateur digne de ce nom. L’important est la mise en place d’un mécanisme permettant que ce ne soit ni les finances publiques, ni les petites entreprises fragiles, qui supportent l’intégralité des hausses de salaires, mais les grosses fortunes capitalistes par le biais d’un mécanisme de péréquation.

Au prochain numéro : à propos de la synthèse des APVC (Assises populaires contre la vie chère).

Serge Chalons : Un hommage tourné vers l’avenir !

Les quatre soirées déjà consacrées à l’évocation de la vie trop courte du regretté Serge Chalons, ont permis de faire connaître l’étendue de son action concernant les questions de la solidarité avec les opprimé.es d’Haïti, avec les victimes des catastrophes « naturelles » qui ont ravagé la Caraïbe, avec les enfants ayant bénéficié de ses engagements de pédiatre, avec les peuples en lutte pour la mémoire et la réparation des crimes contre l’humanité de l’esclavage et du colonialisme.

Lundi 21 juillet à 18h, la dernière séance de cet hommage 2025, aux Archives Territoriales de Tartenson, sera consacrée à son combat contre le chlordécone. Là aussi, nous verrons que cette action s’est enracinée dans des organisations collectives, dans des structures vivantes qui actualisent sans cesse leurs programmes au feu des mobilisations nécessaires.

L’exposition réalisée pour cet hommage restera visible gratuitement tous les matins du mois d’août, jusqu’au 25, dans les locaux des Archives.