— Par Jean Gabard —
Les violences faites aux femmes, par leur fréquence et par leur gravité constituent l’un des problèmes sociaux majeurs du XXIᵉ siècle. Il est indispensable et urgent de trouver les moyens de mettre fin à ce fléau.
Depuis le mouvement MeToo, les femmes victimes de harcèlement et de violences s’expriment davantage, et les auteurs sont plus exposés à des poursuites. Par ailleurs, un nombre croissant d’hommes, même s’ils restent encore insuffisants, se montrent aujourd’hui prêts à intervenir lorsqu’ils sont témoins d’agressions ou de comportements déplacés.
Ces évolutions sont positives mais ne suffisent pas, à elles seules, à éliminer les comportements violents.
Un travail d’éducation est nécessaire pour favoriser le respect d’autrui et la prise de conscience de la gravité des violences.
Mais de quelle éducation parle-t-on ?
Il est bien sûr indispensable de rappeler l’égalité en dignité et en droits entre femmes et hommes, telle qu’inscrite dans notre Constitution. Pourtant, face au constat que ces rappels restent peu efficaces, la revendication d’une « égalité réelle » risque parfois de conduire à des malentendus.
Souvent confondue avec l’égalité en dignité et en droits, l’égalité revendiquée induit que toute différence observable entre les sexes, autre que physique, résulte exclusivement de discriminations et d’une construction sociale sexiste. Or ce n’est pas le cas : depuis près de cinquante ans, de nombreux travaux montrent que certaines différences biologiques influencent aussi motivations et comportements. Les avancées en
psychogenèse indiquent également l’existence de différences dans la structuration du psychisme, indépendantes de la culture.
La demande d’égalité, lorsqu’elle se transforme en déni de toute différence entre les sexes, peut non seulement ne pas réduire les violences faites aux femmes mais parfois même les aggraver.
Pendant des millénaires, incapables d’assumer la différence des sexes – toujours potentiellement insécurisante – les hommes ont cru résoudre leur propre insécurité identitaire en déclarant la femme « incomplète », et donc inférieure parce qu’elle ne se comportait pas comme eux. Aujourd’hui, la nouvelle idéologie dominante se situe en réaction contre l’idéologie patriarcale devenue insoutenable. Mais en déniant à son tour la différence des sexes, elle demande aux hommes d’adopter des comportements féminins jugés « plus civilisés ».1 Les hommes, culpabilisés par leur sexisme passé ou présent, ne sont pas qualifiés d’« inférieurs » – ce qui serait aujourd’hui politiquement incorrect – mais de « retardés »2, « malades »3 ou « mal éduqués ». En n’englobant pas l’ensemble des hommes et en n’employant pas le concept d’« infériorité », on pense échapper à l’accusation de sexisme alors qu’en réalité, c’est bien, aujourd’hui, la différence masculine qui n’est ni reconnue ni respectée.
1 « Au XXe siècle, le féminisme consistait à vivre « comme les hommes » ; un jour, il aidera les hommes à vivre « comme les femmes » » Ivan Jablonka, Des hommes justes – Du patriarcat aux nouvelles masculinités, Seuil, 2019.
2 « Ce n’est plus aux femmes de se remettre en cause, (…) C’est aux hommes de rattraper leur retard sur la marche du monde. » Ivan Jablonka, Des hommes justes – Du patriarcat aux nouvelles masculinités, Seuil, 2019.
3 Elisabeth Badinter intitule l’introduction de la deuxième partie de son livre « XY de l’identité masculine » : « Vers la guérison de l’homme malade. »
Ainsi, de même que la souffrance des femmes – plus fragiles physiquement – est encore minimisée par le macho qui ne l’éprouve pas, la souffrance psychique des hommes – plus fragiles psychiquement – n’est pas prise en
compte par les femmes qui ne l’éprouvent pas et même par les hommes qui ne la comprennent pas, car ne laissant pas de traces visibles. Alors qu’il n’y a pas si longtemps et malheureusement encore, des hommes, croyant se disculper, minimisent la gravité de leurs brutalités physiques, certaines femmes aujourd’hui dénient les dégâts causés par leurs violences psychiques. La souffrance masculine, beaucoup plus intense après une insulte qu’après un coup, est soit ignorée, soit attribuée à une mauvaise éducation dont les hommes seraient seuls responsables. Pour eux l’humiliation est double. Or nous savons combien l’accumulation d’humiliations peut conduire à des réactions destructrices.
Dès lors, est-ce en ajoutant un nouveau sexisme – envers les hommes – que l’on espère résoudre le sexisme et la violence exercés par les hommes sur les femmes ?
Jean GABARD
Formé en psychogenèse
Auteur, Conférencier
rapports femmes / hommes éducation des enfants
