L’Outre-Mer vaut bien une messe

— ContreChroniques d’Yves-Léopold Monthieux —

Dans une précédente tribune faisant suite à un écart de Laurent Wauquiez, je signalais la ressemblance de certaines déclarations d’hommes politiques avec des idées racistes. S’agissant des exemples contenus dans la tribune visée, l’affaire n’avait pas une grande importance pour les élus ordinaires. En revanche, ceux qui sont en situation et qui envisagent de faire une carrière nationale se relèvent difficilement d’une accusation de racisme même lorsqu’elle est erronée.

Une remontada réussie de Jacques Chirac.

La récente déclaration de Marine Le Pen en Nouvelle-Calédonie ainsi que les propos musclés de Manuel Vals sur la colonisation rappellent le précédent de la bourde des “odeurs” de Jacques Chirac et l’exercice de remontada de l’opinion passé inaperçu dans la presse, qui a suivi. Il avait vivement réagi pour maintenir dans les DOM la bonne opinion qu’on avait de lui et qui avait commencé à fléchir. On sait que Jacques Chirac est réputé avoir été le président de la République le plus proche des Antilles, pas seulement pour avoir fait entrer le rhum à l’Elysée. Avait-il été grisé par l’abus de ce nectar lorsqu’il laissa échapper une réflexion sur les difficultés de cohabitation de deux familles sur le même palier d’une HLM, l’une composée de Français de souche, l’autre de résidents d’origine maghrébine ? Les réactions ne s’étaient pas fait attendre, notamment en Martinique où Chirac fut aussitôt accusé de racisme. Jacques Chirac avait mis le paquet pour faire cesser un tel discrédit.

Le rétropédalage de Manuel et de Marine

Le temps d’une visite à la hussarde au bureau du maire de Fort-de-France, et le JT de RFO pouvait s’ouvrir d’une déclaration de Jacques Chirac l’exonérant de tout soupçon de racisme. On ne pouvait pas continuer de suspecter celui qui venait de recevoir l’onction d’Aimé Césaire et de donner du “mon maître” au père de la Négritude. Chirac avait laissé en rade le RPR local, mais réussi son coup en se montrant sensible aux idées autonomistes. Finis donc les slogans et les graffitis sur les murs de la ville. Ce moment est sans doute le point de basculement idéologique de Jacques Chirac, dont parle l’hebdomadaire Le Point dans son article A Nouméa, une “chiraquienne” nommée Le Pen (Charles Sapin). Au passage, dans un échange gagnant-gagnant, le maire de Fort-de-France avait pu, à peu de frais, obtenir pour sa ville le vaste site militaire de la Pointe des Sables où se trouvait la poudrière de l’armée.

Manuel Valls n’est plus tranquille sur le front racialiste depuis que le maire franco-espagnol d’Evry avait déploré l’insuffisance de “blancos” dans sa ville et que cette réflexion avait été mal reçue par les racisés. Un sérieux handicap pour qui veut se positionner pour les prochaines présidentielles. Ministre des DOM, quelle fonction adéquate à propos pour rétropédaler et étaler son antiracisme. Qu’on se le dise, un ministre qui bouffe du Béké et pourfend le colonialisme, baïonnette au canon, ne peut pas être raciste.

Même Jean-Luc Mélenchon n’y avait pas pensé

Plus surprenant est le retournement de Marine Le Pen qui aurait un véritable mur à remonter. Encore qu’elle se donne un délai. Une candidate qui se rapproche des indépendantistes de Kanaky, ça ne peut être une mauvaise personne. Même Jean-Luc Mélenchon n’y avait pas pensé. Quelles seront les conséquences de sa nouvelle position sur les futures élections en Martinique ? L’article du Point fait le rapprochement entre les retournements de Chirac et de Le Pen, mais le justificatif le plus pertinent serait celui qui est commun à ces trois personnalités politiques, tenter de se nettoyer de tout soupçon de racisme afin de gagner le cœur des racisés. Mais n’est pas Chirac qui veut.

Reste que depuis ce dernier, les DOM et leur avenir institutionnel sont devenus des variables d’ajustements électoraux et parfois racialistes des ambitieux de la République. Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, Ay kwè sa ! Ce n’était pas le cas ni en 2010, ni en 2003, ni en 1983, ni en 1946, ni en …1848.

Ainsi donc, le vrai-fake du prétendu rapport de Manuel Valls au président de la République énonce un objectif pour les Antilles qui a fait sortir plus d’un de son sommeil ou de son confort festif : “Rendre leur destin aux peuples antillais”. Même en songe, il n’est pas dit que la décision viendrait du peuple.

Fort-de-France, le 30 mai 2025

Yves-Léopold Monthieux