« L’Histoire du soldat – Listwa solda a » de Rodolf Étienne

Vendredi 31 ocotbre à 18h à la bibliothèque Schoelcher (FdF)

A l’occasion de la présentation de l’ouvrage de traduction créole « L’Histoire du soldat/Listwa solda a« , de Charles Ferdinand RAMUZ et Rodolf ETIENNE, paru aux Editions L’Harmattan en février 2024, le vendredi 21 octobre 2025, à partir de 18h30, à la Bibliothèque Schoelcher, 1, rue de la liberté à Fort-de-France, voici une présentation par le traducteur de la fameuse pièce. Une présentation que vous redécouvrirez lors de cette rencontre.

Histoire du soldat

Première création : Théâtre de Lausanne, 28 septembre 1918

Sous la direction musicale d’Ernest Ansermet (Suisse)

« Mon vrai besoin, c’est d’agrandir… »

Charles-Ferdinand Ramuz, Lettre à Henry Poulaille, mai 1924.

« Cette époque, la fin de l’année 1917, fut une des plus dures de ma vie… »

Igor Stravinsky, Chroniques de ma vie, 1935.

L’HISTOIRE

Joseph Dupraz, soldat pauvre qui rentre chez lui, pour quinze jours de congé qu’il a, vend son âme, représentée par son violon, au Diable, contre un livre qui lui prédit l’avenir.

Après avoir suivi le Diable, et lui avoir montré comment se servir du violon, Joseph retourne dans son village.

Hélas, au lieu des trois jours annoncés, le séjour avec le Diable a duré trois ans. Et personne dans son village ne le reconnaît, ni sa mère, ni sa fiancée… mariée, mère de deux enfants.

Il utilise alors le livre magique pour devenir riche…

Mais incapable d’être heureux malgré sa fortune, il joue aux cartes contre le Diable : « Tout mon argent contre le violon ! ». Le Diable gagne la partie. Mais enivré par la victoire, il se laisse surprendre, et Joseph réussit à lui voler le violon.

Grâce au violon, Joseph peut maintenant guérir la Princesse, malade, promise par son père, le Roi, à qui la guérira.

Toujours en quête de plus de bonheur, il se laisse convaincre par la Princesse de quitter le royaume et de retourner dans son village, espérant pour ultime bonheur que sa mère cette fois, le reconnaîtra.

A la borne frontière, la Princesse rebrousse chemin et l’abandonne à son sort.

Joseph est ainsi rendu à sa pauvre condition : « Qui les limites du royaume franchira, en mon pouvoir retombera », avait prédit le Diable.

L’histoire se termine par la Marche triomphale du Diable, sur une danse aux accents sarcastiques.

La morale de l’histoire : « Un bonheur… c’est tout le bonheur. Deux, c’est comme s’il n’existait plus… ».

L’Histoire du soldat, écrite entre 1917 et 1918, à la fin de la Première Guerre mondiale (1914-1918), s’inspire directement d’un conte populaire russe, Le déserteur et le diable, présenté à Charles Ferdinand Ramuz (1877-1947) par Igor Stravinsky (1882-1971). Un texte originellement collecté par le folkloriste et bibliothécaire russe engagé Alexandre Afanassiev (1826 – 1871), (celui que l’on associe, habituellement, du côté russe, aux frères Grimm, (Jacob Grimm (1785-1863) et Wilhelm Grimm (1786-1859)), linguistes allemands bien connus, ayant contribué largement à la valorisation, la diffusion et la reconnaissance générale du conte populaire : La belle au bois dormant, Tom Pouce, Blanche Neige, Le petit chaperon rouge, Hansel et Gretel, etc).

Stravinsky s’était depuis longtemps déjà plongé dans l’œuvre d’Alexandre Afanassiev, ayant produit L’oiseau de feu en 1910 ou Petrouchka en 1911, deux des œuvres qui, à Paris, avaient fondé sa rapide renommée. Avant lui, Nikolaï Rimsky-Korsakov (1844-1908), maître de l’orchestration et dont Stravinsky avait été l’élève à Saint-Pétersbourg, s’était aussi aventuré dans l’œuvre d’Alexandre Afanassiev en composant deux opéras Snegourotchka, la jeune fille de neige, conte de printemps, en 1882, et Sadko, en 1898. En 1914, le compositeur, pianiste et chef d’orchestre Serge Prokofiev (1891-1953) dont l’amitié tout autant que la rivalité avec Stravinsky est bien connue composait son ballet Chout, le conte du bouffon, inspiré aussi des contes d’Afanassiev.

A cette histoire russe de soldat déserteur et de diable, qui s’accorde parfaitement au temps, Charles Ferdinand Ramuz associe tout naturellement le mythe du Docteur Faust1, popularisé à travers l’Europe par le conte populaire puis par le théâtre de rue et de marionnettes et rendu célèbre par le philosophe et dramaturge allemand Johann Wolfgang von Goethe (1749-1832) qui y aura consacré une grande partie de sa vie et qui publiera Faust I en 1808, puis Faust II en 1832, à titre posthume. Dans le Prologue du Faust II, Goethe pose la question obsédante du salut de l’âme.

Entre le docteur Faust et notre soldat, Ramuz reconnaît une même cause, un destin commun.

Mythe de Faust, qui nous rappelle, en dernière instance, que tout être humain est confronté à un choix fondamental qui engage sa conscience, son libre-arbitre et sa liberté, entre le bien et le mal. Goethe nous rappelle, en définitive, qu’il – l’Homme – ne peut fuir indéfiniment l’épreuve du discernement ni se dérober perpétuellement à la responsabilité immanente de ses actes.

Aux côtés du conte russe ou du mythe germain du Docteur Faust, le mythe grec d’Orphée, le poète et musicien à la lyre envoûtante, prend place également dans l’Histoire du soldat de Ramuz. Le mythe d’Orphée illustre parfaitement les limites de la condition humaine face à la mort, laissant quand même entrevoir l’espoir d’un dépassement par la puissance de l’art, par la force de l’expression, la fulgurance de l’explosion poétique.

C’est bien l’échec tragique d’Orphée à ramener Eurydice des enfers, malgré son chant majestueux et sa lyre envoûtante, qui façonne sa renommée en même temps que sa légende. A ce propos, le philosophe et dramaturge allemand Friedrich Wilhelm Nietzsche (1844 – 1900) dans Le Gai Savoir2, publié en 1882, dit : « L’art doit avant tout être une exaltation de la vie, même dans la souffrance ». Pour Nietzsche, la souffrance est le moteur même de l’humanité, son idéal, et seule l’expression artistique nous offre un rapport nouveau au réel qui n’est plus subi mais reconquis, faisant jaillir du sens là où il n’y a plus que chaos. L’expression artistique et la force poétique rendent compte, seules, de ce que le langage ordinaire échoue, lui, à dire ou tout simplement à raconter.

Ce qu’il faut comprendre ici, c’est que l’artiste, Ramuz autant que Stravinsky, autant d’ailleurs que les autres éléments engagés, c’est Orphée, Orphée lui-même, descendu aux Enfers et chantant dans l’obscurité.

Joseph Dupraz, notre soldat, incarne à la perfection la figure de l’homme ordinaire, celle de l’ouvrier ou du paysan, par opposition au riche propriétaire ou à l’homme de pouvoir, de science ou de savoir. Il est clairement à l’opposé du Dr. Faust. Il est, lui, Joseph Dupraz, cet homme ordinaire, cet homme simple, sans prestige ni privilège, sans érudition ni gloire, cependant qu’il est confronté aux mêmes interrogations de l’existence, aux mêmes dilemmes essentiels, aux mêmes choix tragiques.

L’histoire de Joseph Dupraz, initiatique s’il en est, s’inscrit dans un monde en proie à la guerre, au chaos, un monde de bouleversement, de basculement, où les repères vacillent, irrémédiablement, comme dans un escalier de Penrose. Ainsi, la guerre, l’errance, la misère, la fragilité même de la condition humaine, et jusqu’à la présence du diable sur le devant de la scène, ne sont pas ici de simples symboles abstraits, inconséquents : ils résonnent cruellement de l’expérience vécue des soldats et des civils déplacés, brisés, exilés… pour beaucoup, au seuil de l’irréparable.

L’Histoire du soldat se veut une réponse à la guerre, à la première guerre mondiale, à la Grande Guerre. Une réponse allégorique, artistique et humaine à la fois. Un grand défi, sans conteste, pour tous les acteurs impliqués dans cette aventure.

Ce qui est certain aussi, c’est qu’il ne s’agit pas là d’un manifeste politique au sens strict du terme, adressé frontalement au monde. Ni Stravinsky, réfugié russe en Suisse, ni Ramuz, écrivain vaudois, ne s’inscrivent dans une logique d’engagement partisan. Tous deux revendiquent plutôt une neutralité de conscience, refusant la posture du militant pour lui préférer une approche plus sensible, plus solidaire, plus poétique, plus humaine, oui… et, en définitive, plus émerveillée.

Car cette œuvre, quoique modeste en apparence, brise au passage nombre de canons et de codes de son époque, tant sur un plan musical que littéraire, et « improvise » ex nihilo une configuration d’essence toute nouvelle, pour s’ouvrir au monde, pour s’offrir à l’universel du monde, comme tribut sincère et volontaire à l’éveil des imaginaires, des cultures et des consciences.

Et c’est aussi un legs, un don précieux disons, au grand éveil des civilisations, au renouveau de l’Homme.

Et certainement aussi, l’occasion de dire ou de redire que l’art, ici l’art total – et non pas totalitaire – peut porter la lumière jusqu’au sortir des ténèbres.

En 1910, Stravinsky effectue un premier long séjour en Suisse, à Leysin, ville de montagne du canton de Vaud, choisie pour son climat sain, favorable à l’état de santé de sa femme, Catherine, atteinte de tuberculose.

L’année suivante, soit en 1911, Stravinsky décide d’installer toute sa famille à Clarens, sur les rives du Lac Léman, plus à l’ouest, toujours pour la qualité du climat.

En 1914, tandis que l’Europe s’engage dans la guerre, Stravinsky s’établit à Morges, en Suisse romande, ville que sa femme autant que lui affectionnent tout particulièrement, toujours en raison du climat.

Après son double succès parisien, L’oiseau de feu en 1910 et Petrouchka en 1911, œuvres de commandes du célèbre chef d’orchestre russe, Serge Diaghilev (1872-1919), emblématique fondateur des Ballets russes, Stravinsky se retrouve exilé. Réfugié russe en Suisse, il est sans orchestre ni moyens. Il est aussi coupé de tous ses réseaux artistiques habituels.

La guerre, l’éloignement, l’isolement, seront alors pour lui le terreau d’une création nouvelle, d’une forme plus épurée, mais aussi d’un engagement plus radical où il (re)visite ses racines.

C’est à cette époque, dans ce contexte d’exil et d’incertitude, que Stravinsky fera deux rencontres essentielles. D’abord, en 1914, Ernest Ansermet3 (1883-1969) et Charles Ferdinand Ramuz, en 1915. Ces deux hommes joueront un rôle déterminant dans sa vie de musicien réfugié en Suisse, devenant compagnons artistiques et alliés intellectuels dans une période de grande solitude, mais aussi de profonde invention, partageant avec lui une vision exigeante, novatrice, profondément libre de la création artistique.

En 1935, dans ses mémoires intitulées Chroniques de ma vie, Stravinsky confie : « Cette époque, la fin de l’année 1917, fut une des plus dures de ma vie. Profondément abattu par les deuils successifs dont j’avais été frappé4, je me trouvais, en outre, dans une situation matérielle des plus difficiles ».

Et de poursuivre : « La révolution bolchevique, qui venait de triompher en Russie (février-octobre 1917), me priva des dernières ressources qui me parvenaient encore, de temps en temps, de mon pays. Je me trouvais, pour ainsi dire, vis-à-vis de rien, dans un pays étranger et au beau milieu de la guerre ».

En 1915, installé à Lausanne, sa ville natale, en Suisse romande, Charles Ferdinand Ramuz vit en semi-retrait du monde. En juin 1914, quelques semaines seulement avant le début de la Grande Guerre, il avait quitté Paris, après y avoir passé près d’une quinzaine d’années. Jeune marié, devenu père, il laissait une vie intellectuelle féconde de rencontres et de productions littéraires, à la recherche de la digne et noble posture, à la poursuite de la langue et du verbe, à la définition exacte du mot.

Revenu chez lui, à Lausanne, dans son « pays de Vaud », Charles Ferdinand Ramuz participe activement à la vie culturelle, littéraire et artistique. S’érigeant, vaudois convaincu, en héraut de cette terre natale, de sa nature, de son histoire et de ses gens, des paysans des terres vaudoises aux intellectuels ou écrivains et artistes engagés, il contribue ardemment au renouveau culturel de sa région.

D’un caractère d’ascète, toujours en recherche philosophale, en quête permanente du mélange total, tant en sa qualité de théoricien – découvreur de mondes – qu’au sens alchimique du terme – dans la matière et dans le creuset même, dans le verbe, dans la langue et dans le mot – il poursuit ses engagements militants, prolonge sa vision et sa pensée, confronté cependant aux vicissitudes de la guerre alentour, malgré la neutralité suisse : « Tout est paix en apparence, écrit-il dans Paris, Notes d’un Vaudois en 1938, le ciel, l’air, les arbres, les plantes et les animaux eux-mêmes ; mais en même temps, j’entendais sourdement là-bas craquer les montagnes ou le tonnerre d’une avalanche tardive, ou encore c’est un pan de glacier qui s’abat ; et, me disais-je, c’est la guerre ». En dépit de cette guerre sourde qui tonne au loin, c’est une période de la production littéraire de Ramuz où son style s’affine, où son « rêve » littéraire se précise.

Dès la publication, en 1914, de son manifeste Raison d’être, qui lance la revue Les Cahiers Vaudois, qu’il dirige, Ramuz rompt définitivement et explicitement avec le courant régionaliste qui définissait jusque-là timidement son écriture. Régionalisme littéraire, faut-il le préciser, qui subissait alors les revers très critiques des cercles parisiens. Avec Raison d’être, Ramuz coupe clairement les ponts et présente avec plus d’audace son engagement littéraire et humain. Engagement toujours explicite pour sa terre natale, pour la culture et pour la langue du pays vaudois, pour ses « gens », ces paysans qu’il côtoie depuis toujours, depuis l’enfance, à vrai dire, et qu’il entend chanter dans une langue de (re)conquête. Mais Ramuz précise également sa volonté pure d’élargir son œuvre et son imaginaire, librement, à la totalité du Monde – au Tout-Monde, comme le dira Edouard Glissant (1928-2011) – en quête de l’insondable universel.

L’Histoire du soldat, en tant qu’œuvre collective, en dépit de conditions matérielles de création et de diffusion difficiles, œuvre d’une entente parfaite, tant sur le plan ethnique, disciplinaire ou culturel, est en premier lieu exemplaire dans le simple sens de la rencontre, de la simple relation entre des hommes, des humanités, dans l’univers de la création, dans le domaine des idées et des arts mais aussi dans le sens plus humble, ou plus large, du rapprochement des identités et des libertés. Ici, a-t-on envie de préciser, des identités européennes, si l’on tient compte de la guerre qui ravage le continent, de la souffrance qui le déchire, de la haine qui le divise. Stravinsky, dans une lettre écrite à Ramuz en 1920 confie : « Il faut évoquer chez le lecteur l’esprit de l’intime collaboration entre vous et moi de notre Soldat ». Un contrat et un constat d’entente qui dès l’origine, à la base même de l’idée et du projet, pousse tous nos engagés à défier puis à transgresser les limites imposées par la guerre : à briser les barrières, à dépasser les frontières.

Une œuvre à trois voix

A l’instar d’un Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791), dans La Flûte enchantée (1791), qui nous présente les Trois dames, chacune dans une tessiture différente pour nous entraîner dans un rare ravissement, ou encore d’un Jean Sébastien Bach (1685-1750), dans Inventions et Sinfonias, regroupant quinze Inventions à deux voix et quinze Sinfonias à trois voix, véritable joyau polyphonique, Igor Stravinsky, dont l’admiration, en particulier, pour Mozart est notoire, a lui aussi admirablement cultivé l’art musical de l’écriture à trois voix. C’est tout l’ensemble de son œuvre qui en témoigne. Et l’Histoire du soldat en est un parfait exemple.

Chez Stravinsky, l’écriture musicale à trois voix n’est pas qu’un exercice de style, c’est un art extrême, total, offrant aux voix, tour à tour, de s’unir ou de s’échapper, en toute indépendance, en toute liberté. Quel bonheur, à dire vrai, que d’organiser une conversation pour trois personnes, pour trois voix… D’autant que sur un plan musical, l’écriture à trois voix est plus agile que l’écriture à quatre ou à six voix. « Les voix se marchent un peu moins sur les pieds », comme aiment à dire les musiciens.

L’Histoire du soldat répond à une triple exigence esthétique posée sur l’équilibre dynamique entre le texte de Charles Ferdinand Ramuz, la musique d’Igor Stravinsky et les décors de René Auberjonois5 (1872-1957). Trois voix, mais un seul souffle, une création collective où chaque composante dialogue avec les autres sans jamais les écraser.

Sur la scène, le narrateur, le soldat, le diable (ou la princesse) sont autant de figures qui incarnent non seulement des rôles, mais aussi des registres d’expression, des angles, des points de vue.

Ramuz, pour sa part, exigea que la pièce soit « Parlée, jouée, dansée ».

À travers cette polyphonie, c’est l’humain qui est exploré, disséqué, mis à nu. Et en effet, l’époque s’y prête… Au sortir de la guerre, sa naïveté, ses désirs, sa soif de sens et son irrépressible besoin de croire sont questionnés. Mais, si l’œuvre présentée est bien une œuvre à trois voix, à trois univers, à trois dimensions, comme on dirait, presque, à trois ambiances, c’est aussi, incontestablement, une œuvre d’une dimension et d’une ambition prométhéenne, comprenons avec un leitmotiv unique qui est de « faire corps en un seul corps, âme en une seule âme ».

Le fameux chef d’orchestre français Pierre Boulez (1925-2016), qui a fait émerger l’œuvre de Stravinsky en Europe, a dit, de l’Histoire du soldat, que la vraie difficulté d’interprétation consistait à ce que la voix du comédien, contrairement à celle d’un soprano ou d’un ténor, ne soit pas écrasée, par endroits, par le son, par le poids des instruments. « Une voix parlée contre six instruments, nous dit Pierre Boulez, et il y a déjà des questions d’équilibre sonore qui se posent6 ». Ici, Stravinsky a choisi sept instruments pour son orchestre, un instrument aigu, un instrument grave pour chaque famille : violon et contrebasse pour les cordes, clarinette et basson pour les bois, cornet à pistons et trombone pour les cuivres, ainsi que des percussions, plus inspirées de la batterie du jazz actuel que des percussions de la musique classique de son époque. Il apparaît, selon l’analyse de Pierre Boulez, que, pour l’ensemble de la composition, dans ce rapport à l’équilibre permanent, l’exigence de clarté, de précision, est ainsi à son paroxysme.

Autre digression, toujours sur le plan musical, à propos de l’hybridation stylistique telle que pratiquée par Stravinsky – qui n’a rien à voir, ici, il faut le préciser, avec l’idée de fusion telle que l’on peut l’entendre aujourd’hui dans le sens du jazz et des autres musiques modernes, et cela, même si c’est un syncrétisme – qui lui permet d’intégrer le tango, la valse et le ragtime dans la même partition.

Une approche de style délibérément moderne pour ce début de XXème siècle, surtout que Stravinsky écrit un ragtime marqué de sa propre « touche », de son « empreinte » musicale, syncopé, nerveux ; un tango, dansé, mais disloqué, à la quasi-limite du grinçant ; une valse faussement élégante, désarticulée, presque grotesque, voire carrément burlesque. Stravinsky réussit, par son génie et une parfaite maîtrise de l’ensemble de la matière sonore, à faire dialoguer tous ces différents styles musicaux avec l’effondrement manifeste d’un monde ancien, qui se disloque tout en se disputant encore. Le compositeur russe participe ainsi à la « célébration » du chaos, dévoilant une musique puisée à la limite des sources baroques, pour surgir (érupter) et rejaillir (plonger) dans la modernité de son époque, dans la configuration de son temps.

Une œuvre originale, inscrite pour dire son temps et son époque, pour dire la guerre, son absurdité, sa douleur. Un temps, une époque, où déconstruction et mise à nu sont guides de l’aventure universelle, guides de l’exploration humaine.

Un spectacle de poche

Pour pallier les difficultés économiques, logistiques et humaines imposées par l’état de guerre, l’Histoire du soldat a été pensée et conçue par ses auteurs comme un spectacle de poche. Un spectacle itinérant, minimaliste, où se mêle théâtre, musique et danse, dans une forme inédite d’art total. La fin se justifiant du peu de moyens disponibles, ou, plus prosaïquement, par l’urgente nécessité de la création, n’offre à nos auteurs d’autres choix que d’abolir les anciens codes et de fixer de nouvelles normes, de nouvelles formes, jusque-là inédites. Les conditions de création telles qu’imposées par la guerre vont permettre, en définitive, l’ouverture d’une large brèche dans la manière et dans la matière, une brèche dans la matrice artistique.

L’Histoire du soldat réussit ainsi à s’inscrire incontestablement à l’avant-garde artistique et culturelle de son temps. Grâce à une structure, une forme et un modèle innovant, il ne s’agit pas plus d’une pièce de théâtre que d’un opéra, mais bien d’un conte en musique comme d’une histoire en mouvement.

La musique, composée et orchestrée par Igor Stravinsky, belle et déroutante à la fois, envoûtante, tout comme l’univers d’un conte, sous le terme de l’innovation, de la création et de l’invention, au même titre que le verbe et le langage poétiques ramuzien ancré dans la terre de Vaud, participe activement de ce même mouvement, de ce même engagement, de cette même volonté universelle.

L’Histoire du soldat, pour être écrite en période de guerre, est un message fort et clair en hommage au renouveau de l’homme et du monde. Et la fusion, là, au sens contemporain du terme, que l’on peut analyser précisément comme un amalgame des arts et des cultures, qui prend du sens à travers la musique, le théâtre parlé ou encore la danse narrative, fait ou forge véritablement l’originalité de la pièce tant que sa singularité, ajoutant autant à sa modernité. Le style volontairement oral et populaire, le style direct choisi par Ramuz pour fixer ou figer le texte donne une plus juste profondeur, apporte un plus juste relief à l’œuvre toute entière.

L’Histoire du soldat est une œuvre d’une grande portée artistique, littéraire et musicale, une riche contribution à l’exploration de la pensée et de la psyché humaine, un patrimoine remarquable et vibrant cédé à la pensée universelle.

Et c’est bien d’un plaidoyer en faveur de l’humain, c’est-à-dire, au profit de l’homme, dont il est question ici. Et ce, même si l’histoire peut être perçue ou reçue sur un ton pessimiste, puisqu’au final, c’est le diable qui, invariablement, semble l’emporter. Mais non pas au sens psychologique du terme : comme « (pré)disposition à considérer les choses sous leurs mauvais côtés » ; mais plutôt au sens philosophique, comme « conception négative du monde, fondée sur des principes ontologiques et/ou métaphysiques ». En clair, un pessimisme comme suggéré par Arthur Schopenhauer (1788-1860), philosophe allemand du XVIIIème qui affirmait que la simple satisfaction des désirs était insuffisante au bonheur et que, par conséquent, la condition humaine est inévitablement une condition malheureuse.

Ou encore par Friedrich Nietzsche, déjà cité, qui, un siècle après Schopenhauer, s’est employé, lui aussi, à remettre en cause les fondements de l’existence, autour des causes, des intentions et des normes établies.

De manière radicale, pour Nietzsche, il s’agit d’un travail d’anéantissement méthodique des certitudes du monde naturel et moral, de sorte que puisse (re)surgir une conscience (re)mise à nu, vide de sens hérité, prête à inventer, à neuf… par-delà le bien et le mal.

Un pessimisme actif ou nihilisme dynamique, capable de briser les vieilles chaînes du monde et de remodeler, depuis le néant ou le chaos, par la force vive, active, une nouvelle destiné, un nouvel avenir, pour les idées et pour les choses.

Nietzsche qui, dans Ainsi parlait Zarathoustra (1883), l’une de ses œuvres majeures, fait aussi dire à son héros : « Je reviendrai, avec ce soleil et cette terre, avec cet aigle et ce serpent — non pour une vie nouvelle, ou une meilleure vie, ou une vie ressemblante — ; à jamais, je reviendrai pour cette même et identique vie, dans le plus grand et aussi bien le plus petit, pour à nouveau de toutes choses enseigner le retour éternel. »

Et c’est certainement par cette unique voi(x)e, celle de Nietzsche, que l’Histoire du soldat trouve sa vraie cohérence, son sens ultime, son inclination véritable et une dimension paradoxalement optimiste : celui d’une disposition intérieure à affirmer l’éternel retour de ce qui est, tel quel, avec ses joies, ses blessures, ses détours, et à dire « oui » à la vie dans sa totalité, sans appel et sans promesse.

Ce serait alors la position du soldat, la position de Joseph Dupraz, face à lui-même, face à la vie elle-même, face au monde aussi qui l’entoure : une absence totale de parti-pris, mais qui serait une manière de délivrance, de liberté, comme la manière d’un « oui » permanent à la vie telle qu’elle est, pour ce qu’elle est, malgré ses vicissitudes, malgré ses tristesses, malgré ses difficultés, malgré ses déboires, malgré ses échecs… et surtout, malgré ses répétitions.

« Il faut avoir en soi du chaos pour enfanter une étoile dansante », écrit encore Nietzsche dans Ainsi parlait Zarathoustra.

Et c’est, en définitive, l’une des leçons essentielles à retenir de l’Histoire du soldat, celle d’un optimisme tragique – Stravinsky, Ramuz – à rebours du nihilisme passif incarné par le soldat, héros, malgré lui, de la figure de l’homme aliéné, de la figure de l’homme livré au vertige du désir et à la perte de sa propre mesure.

Et pour conclure sur la même verve nihiliste, entendons Frantz Fanon (1925-1961), psychiatre franco-algérien, originaire de la Martinique, héraut de la décolonisation et du Tiers-Monde, auteur des Damnés de la terre (1952), dans Peau noire masques blancs, paru en 1961, à la veille de l’indépendance algérienne, qui écrit : « L’homme est un OUI vibrant aux harmonies cosmiques. Pour poursuivre : « Arraché, dispersé, confondu, condamné à voir se dissoudre les unes après les autres les vérités par lui élaborées, il doit cesser de projeter dans le monde une antinomie qui lui est co-existante ».

Ou encore d’Aimé Césaire (1913-2008), en chantre de la Négritude, originaire de la Martinique lui aussi, cette autre citation tout aussi éclairante, tirée de son Cahier d’un retour au pays natal, publié en 1947 : « Nous chantons les fleurs vénéneuses éclatant dans des prairies furibondes ; les ciels d’amour coupés d’embolie ; les matins épileptiques ; le blanc embrasement des sables abyssaux, les descentes d’épaves dans les nuits d’odeurs fauves. Qu’y puis-je ? Il faut bien commencer. Commencer quoi ? La seule chose au monde qu’il vaille la peine de commencer : La Fin du monde parbleu ».

L’Histoire du soldat a été créée au théâtre municipal de Lausanne, en Suisse, le 28 septembre 1918. La tournée, qui était prévue pour couvrir différents villages suisses, sera interrompue après la première représentation à cause de l’épidémie de grippe espagnole qui sévit alors dans toute l’Europe, et bien au-delà. La pièce, destinée à être jouée dans les villages, en version légère et mobile n’a donc pas connu le succès escompté par nos auteurs. Après la guerre, c’est la grippe espagnole qui infecte l’Europe… et le reste du monde. Mais cette dernière, elle, aura raison du spectacle et il faudra attendre 1923, soit cinq ans plus tard, pour que l’Histoire du soldat soit de nouveau jouée, cette fois, à Paris.

Et c’est avec le temps seulement que l’œuvre parviendra à la popularité – un peu comme le vin qui se bonifie à mesure, ce que dit bien le pays vaudois – et sera appréciée à sa juste valeur, suivant que Igor Stravinsky et Charles Ferdinand Ramuz atteignent leur pleine renommée et une reconnaissance internationale.

Aujourd’hui, l’Histoire du soldat est considérée comme une des œuvres emblématiques et majeures du XXéme siècle, dont l’engouement ne fait que croître au fil des représentations et au gré des sorties.

L’Histoire du soldat

Charles Ferdinand RAMUZ : Texte

Igor STRAVINSKY : Musique

Mimodrame pour trois récitants et sept instrumentistes

Texte : Charles Ferdinand Ramuz (Suisse)

Musique : Igor Stravinsky (Russie, Etats-Unis)

Décors : René Auberjonois (Suisse)

Mise en scène : Georges et Ludmilla Pitoëff (France – Russie)

Extraits créoles

Extrait 1

PREMYÉ DÉKATMAN – MACHÉ SOLDA A

LEKTÉ A,

toupandan mizik la ka jwé.

Asou Danj ek Dénézi,

an solda ki ka viré kay li…

Tjenz jou konjé i ni.

Ka maché za ni lontan.

I maché, i maché anpil.

I présé rivé,

pas i za maché anpil.

Rido a ka lévé. Mizik la (batri a) ka pousuiv jwé.

Dékò a sé an bodaj larivyè.

Solda a ka antré asou senn an.

Solda a ka rété doubout.

Mizik la ka fini.

LEKTE A

I pa ni, sé an bel ti koté…

Solda a ka asiz asou bodaj larivyè a.

Men mi kalté travay nou ni la a !

Solda a ka ouvè sak li a.

Toujou asou chimen, janmen san an sou…

Sé sa ! Tout zafè mwen ki méli mélo !

Sen Jozef mwen an ki jis pèdi !

(sé an méday lajan-doré épi sen Josef, patron’y, asou’y),

non, an bonnè !… Ka fouyé toujou,

ka sòti yonn-dé papyé épi bagay adan,

ka tiré kartouch, ka tiré an mirwa,

(tou jis si ou pé wè kò’w adan),

men pòtré a, éti i yé ?

(an pòtré an bon zanmi’y ki ba’y pòtré’y).

I viré touvé’y, i ka chèché pli fon,

i ka sòti an ti vyolon.

SOLDA A,

ka fè vyolon an sonnen.

Yo ka wè sé bon maché,

fodé’w viré fè’y sonnen toulong…

Extrait 2

PREMYE SENN

SE TI LER BODAJ LARIVYÈ A

(…)

DJAB LA,

an sel kou a, apré i éséyé jwé san réyisi.

Kidonk, ou ka’y vini lakay mwen.

SOLDA A

Pou fè ki sa ?

DJAB LA,

ka montré vyolon an.

I pa ka maché,

fodé’w vini montré mwen.

SOLDA A

Mwen ni selman tjenz jou konjé.

DJAB LA

Mwen ka’y prété’w loto mwen an. Ou ka’y alé pli vit ki asou dé pyé’w.

SOLDA A

Ek manman mwen ki ka konté asou mwen !

DJAB LA

Sé pa prèmyé fwa.

SOLDA A

Ek fiyansé mwen ki ka atann mwen osi.

DJAB LA

Ou ka’y viré ba’y sa adan yonn-dé jou.

SOLDA A

Koté ou ka rété ?

DJAB LA

Lojé, swen, nouri, blanchi, dézaltéré,

loto mwen pou viré mennen’w,

dé-zou-twa jou, an tou piti détou,

apré sa rich pou toujou…

SOLDA A

Sa ka’y ni pou manjé ?

DJAB LA

Vyann, twa fwa pa jou.

SOLDA A,

ka viré mété adan sak li a sé bagay la i té tiré a.

Ek pou brè ?

DJAB LA

Diven bouché.

SOLDA A

Ek ka’y ni fimen ?

DJAB LA

Siga Laavàn, épi bag papyé doré.

Rido a ka bésé.

Extrait 3

MACHÉ RWAYAL A

(…)

Tout sé limyè a ka étenn. Lektè a limen dé bouji yo mété asou tab la.

LEKTE A

Yo fè mizik la maché, rwa a risivrè mwen, mwen byen ;

I di mwen konsa : « Ou doktè ? » Mwen di : « Wi, solda-doktè… »

« Sé padavrè an lo za vini pou ayen… »

« Oh ! Mwen, mwen di, mwen ni an mwayen… »

« Eben ! Ou ka’y wè tifi mwen an dèmen… »

Lektè a ni an jé kat ; i ka fè’y tounen alantou dwet li.

Mwen byen ! Mwen ka di, mwen byen !

Koleg la té ni rézon. Ek, poutoulbon, poutji pa mwen ?

An fanm nou té ka’y ni ki ta nou,

dépi tan nou pa ni an !

Rido a ka lévé.

Yo ka wè an chanm palé a an fè-nwè a.

Solda a asiz épi an jé kat dèyè an ti tab menm mannyè kon ta lektè a ek asou kiles menm mannyè a dé bouji limen.

An chopin ek an vè, kon lektè a.

SOLDA A

Sa ka’y alé, sa’w di, an jé kat, sa’w di ?

Set tjè, dis tjè, ayen ki tjè, ayen ki atou…

I ka brè.

Ek mwen ka byen di : poutji pa mwen ?

An fanm nou té ka’y ni ki ta nou, ayen ki ta nou,

ek, ankò, tifi rwa a…

Djab la ka doubout bò solda a épi vyolon an i ka tjébé anlè tjè’y.

DJAB LA

Nou rivé avan’w.

An silans. Solda a ka bésé tet li ek pa ka brennen ankò.

DJAB LA,

ka tounen alantou tab la.

Ou té ni tò faché kò’w,

Ou té rich, konsidéré…

An kout tet, pa ayen dot ;

pov zanmi mwen, ou pèdi.

An lot silans.

Solda a pa ka brennen toujou.

Set tjè, dis tjè, renn tjè,

ou té ka di kò’w : an bonnè !

Ou té ka kwè kan menm, oben ?…

Ka montré vyolon an.

Selman sé mwen ki ni’y, mwayen an.

I ka mété kò’y ka tounen alantou solda a ka fè jongli asou vyolon an.

SOLDA A,

épi an vwa feb.

Sa vré, sa i ka di a, i pri mwen,

ek sé li ki ni’y, mwayen an ;

Mwen, mwen pa ni ayen, mwen pa ni ayen ankò.

I ka rété doubout. Epi lektè a, ka tounen kò’y asou koté, ka palé an sel kou a ba solda a.

LEKTE A

Vayan ! Annou kan menm, soté asou’y, pété ren’y.

SOLDA A,

san brennen.

Sé pa an nonm, mwen pé pa ayen kont li.

LEKTE A

Wi ! Wi ! Ou pé kéchoz kont li, mwen ka di’w ;

li, i ka tjébé’w ankò, pas ou ni lajan ki ta’y.

Solda a ka lévé tet li ek ka gadé lektè a.

Débarasé kò’w di lajan tala, ou sové.

Jwé kat kont li : i ka’y gen’yen’w.

SOLDA A,

ba djab la, an sel kou a.

Ou ka jwé ? Nou ni lajan.

DJAB LA,

ka doubout estébékwé,

Kisa ?

SOLDA A

Mwen ka mandé’w : Es ou lé jwé ?

DJAB LA

Zanmi… I ka pran an chez.

Men asiré. I ka asiz.

LEKTE A,

ba solda a.

I ka’y gen’yen, i lé toujou gen’yen.

Ou ka’y ped : i pédi.

Avec Joël Des Rosiers (Haïti), à l’occasion de la présentation du film documentaire Rediscovering Fanon, de Rico Speight (USA), au François, en Martinique (2025)

Au programme

Présentation de L’Histoire du soldat/Listwa solda a (Charles Ferdinand RAMUZ – Traduction créole Martinique Rodolf ETIENNE), le vendredi 21 octobre 2025, à partir de 18h30, à la Bibliothèque Schoelcher, 1, rue de la liberté à Fort-de-France. Entrée libre. Contact : 0596 55 68 30.

Plus d’infos :

https://www.youtube.com/watch?v=FJEgK-6kke0/

https://www.youtube.com/watch?v=Dq44njvthNE/

Photo 1 : Avec Joël Des Rosiers (Haïti), à l’occasion de la présentation du film documentaire Rediscovering Fanon, de Rico Speight (USA), au François, en Martinique (2025).

Photo 2 : L’histoire du soldat – Listwa solda a. C.F. RAMUZ, Rodolf ETIENNE (Traduction créole Martinique). Editions L’Harmattan. Collection Univers musical. Février 2024.

https://www.editions-harmattan.fr/catalogue/livre/histoire-du-soldat/16421/

1 Faust est un étudiant studieux et doué en théologie. Déçu par la vie qu’il juge trop monotone et avide de pouvoirs, il décide de conclure un pacte avec le diable par l’intermédiaire du démon Méphistophélès.

2 Publié en 1882, le Gai Savoir explore la science au service de la vie. Une science critique détachée de la croyance, libre de tout esprit religieux. Pour Nietzsche seule la connaissance artistique, destructrice des idoles, est capable de se transformer en « gai savoir ».

3 Chef d’orchestre et musicologue suisse.

4 À son retour de Rome en 1917, Stravinsky apprend que sa gouvernante allemande, qui l’avait élevé dès sa naissance et à laquelle il « était profondément attaché et qu’il aimait comme une seconde mère », est morte. Quelques mois plus tard, c’est son frère, Goury, qui meurt sur le front roumain.

5 Peintre, dessinateur, caricaturiste et illustrateur suisse.

6 Histoire du soldat. Pierre BOULEZ. Documentaire. Paramix Films.