L’histoire des pesticides en Martinique.

— Par Florent Grabin, Association PUMA —
Les pesticides (insecticides, raticides, fongicides, et herbicides) sont des composés chimiques dotés de propriétés toxicologiques, utilisés par les agriculteurs pour lutter contre les animaux (insectes, rongeurs) ou les plantes (champignons, herbes indésirables) jugés nuisibles aux plantations. Le premier usage intensif d’un pesticide, le DDT, remonte à l’époque de la Seconde Guerre mondiale.

Malheureusement, tous les pesticides épandus ne remplissent pas leur emploi. Une grande partie d’entre eux est dispersée dans l’atmosphère, soit lors de leur application, soit par évaporation ou par envol à partir des plantes ou des sols sur lesquels ils ont été répandus. Les pesticides sont ainsi aujourd’hui à l’origine d’une pollution diffuse qui contamine toutes les eaux continentales : cours d’eau, eaux souterraines et zones littorales.

Si les pesticides sont d’abord apparus bénéfiques, leurs effets secondaires nocifs ont été rapidement mis en évidence. Leur toxicité, liée à leur structure moléculaire, ne se limite pas en effet aux seules espèces que l’on souhaite éliminer.

Ce sujet pesticide a été à l’origine de polémique entre les membres fondateurs du premier mouvement écologique en Martinique où les intellectuels se servaient des actions nobles comme tremplin vers l’indépendance et Pierre DAVIDAS décédé il y a 20 ans accompagné d’autres personnes réalistes, a mis un terme à ce type de relation ; après cette scission l’association écologique APPELS fut créée.

Interpellé par les dégâts des pesticides, durant des années, Pierre DAVIDAS, Robert RENCIO, Gérard DORWLING CARTER, Florent GRABIN et d’autres militants ont parcouru tout le territoire afin d’informer la population sur les risques liées aux pesticides, dont le Kepone. À l’autorisation des radios libres, nous avons poursuivi sans discontinuer à diffuser les informations que d’autres combattaient.

Le sujet qui nous a le plus occupés fut l’eau du robinet, dont la filtration se faisait sur un lit de sable qui ne retenait pas les molécules chimiques utilisées en agriculture dans les bassins versants. Il fallait impérativement moderniser les usines de production en y installant une filtration à charbon actif, ce qui ne fut pas facile à faire admettre à nos dirigeants.

Considérant qu’il fallait changer de stratégie, nous avons organisé à Paris une conférence de presse afin de dévoiler le scandale de la Chlordécone, depuis, notre cause a été entendue, un vaste programme appelé ‘’Plan Chlordécone’’ a été mis en place, différents processus à base de charbon actif en poudre sur de nombreuses usines de production d’eau ont vu le jour. Concernant l’usine de Vivé au Lorrain qui alimente plus de 60 % de la population, il a été installé des modules filtrants à haute performance.

Les analyses n’étant toujours réalisées qu’en sortie d’usine, nous avons dû, le 6 juin 2008, demander à Monsieur le Préfet, une campagne de recherche de pesticides chez le consommateur et dans le biofilm se trouvant à l’intérieur des réseaux d’eau.

Notre crainte a été confirmée, il y a bel et bien un cocktail de pesticides que nous consommons, soit 375 molécules trouvées dans l’eau du robinet. Dans le courrier que nous a transmis la Préfecture, nous avons été interpellés par le paragraphe suivant :

‘’Comme attendu, des traces de Chlordécone sont retrouvées au robinet, mais à des niveaux très inférieurs aux seuils de potabilité (0,1µg/l). En effet, le charbon actif a un rendement déterminé (en l’occurrence supérieur à 97%) et ne retient pas l’intégralité des pesticides, mais permet d’atteindre les normes de potabilité’’.

Nous avons toujours signalé cela à nos trois Etablissements Publics de Coopération Intercommunale (EPCI) qui sont les propriétaires et donneurs d’ordres de tout le réseau d’Eau de la Martinique. Constatant que rien n’a été mis en place par ces EPCI, nous avons rencontré Monsieur le Préfet le 24 janvier 2018 pour lui faire part de notre inquiétude ; il s’est engagé à mobiliser ses Services afin que soient réalisées des analyses de toutes les molécules chimiques aux robinets des consommateurs et afin de lancer un programme de formation de nos médecins.

Lors du comité de pilotage (COPIL) du 23 janvier 2019, deux de nos demandes ont été actées et planifiées ; nous resterons très vigilants sur le choix des laboratoires pour les analyses des pesticides, car selon nos scientifiques, il est impératif de chercher : les métaux lourds, les adjuvants et autres composants complétant les molécules actives des produits chimiques utilisés dans notre environnement, sans oublier l’amiante se trouvant dans le réseau. Nous tenons à remercier publiquement Monsieur le Préfet pour nous avoir suivis dans cette démarche.

Contrairement aux autres associations, nous avons toujours refusé publiquement de suivre les services de l’État qui ont ‘’enfermé’’ tout le monde dans les travaux sur la seule molécule Chlordécone.

Notre deuxième demande concerne la formation de nos médecins en médecine environnementale et le Directeur de l’ARS a adhéré à cette idée en nous indiquant que tout sera mis en œuvre pour la réussite de cette importante opération sanitaire.

Concernant la molécule Glyphosate et bien d’autres molécules, nous saluons le monde de la banane qui a procédé au retrait de plus de 75 % de ces substances dans ses productions de banane, d’où le retour très important de notre biodiversité. Il est regrettable de constater qu’au moment où des jugements sont prononcés contre l’usage de ces produits dangereux, certains de nos dirigeants se laissent ‘’endormir’’ par des services ; d’où l’absence de volonté politique sur ce très grave sujet.

Pour l’association écologique PUMA

Le Président Florent Grabin