L’ex-ministre de l’Éducation nationale, Pierre Josué Agénor Cadet…

fer de lance d’une campagne de réhabilitation de la corruption dans le système éducatif d’Haïti

— Par Robert Berrouët-Oriol (*) —

Paru en Haïti dans Le Nouvelliste du 6 août 2025, l’article de Claude-Bernard Sérant, « Promouvoir la lecture en créole et en français pour une société plus inclusive, plus cultivée et plus souveraine », interpelle à plusieurs titres. Relatant un récent entretien, cet article a le grand mérite de consigner la vision de Pierre Josué Agénor Cadet, ex-ministre de l’Éducation nationale, sur plusieurs questions majeures, y compris les enjeux linguistiques de l’éducation. Cette vision s’énonce dès le « chapeau » de l’article : « Dans ce deuxième volet de notre entretien avec l’ancien ministre de l’Éducation nationale, réalisé le samedi 2 août 2025 après sa conférence en ligne à la Bibliothèque Nazaréen de Cabaret, Pierre Josué Agénor Cadet s’exprime sur les enjeux linguistiques qui freinent l’accès à la lecture en Haïti. Selon lui, la question de la langue dépasse les clivages linguistiques : elle touche à la justice sociale, à l’égalité des chances et à la souveraineté intellectuelle du pays. L’ex-ministre plaide pour une politique volontariste de bilinguisme éducatif, une production accrue de livres en créole et en français, et une valorisation du créole comme langue d’apprentissage, de culture et de savoir. Pour bâtir une société plus inclusive, plus cultivée et plus libre, il appelle à une refonte en profondeur du rapport entre langue, lecture et école. » [Le souligné en italiques et gras est de RBO]

Le deuxième volet de l’entrevue donnée par l’ex-ministre le 2 août 2025 est fort instructif. Pierre Josué Agénor Cadet, il faut déjà le rappeler, est détenteur d’un C.V. « chargé » qui, à ses yeux, légitime et crédibilise sa prise de parole publique. Pierre Josué Agénor Cadet a été ministre de l’Éducation nationale de mars 2017 à juillet 2021. Quatre ans après avoir quitté la direction du ministère de l’Éducation nationale, il se répand et plaide d’abondance « pour une politique volontariste de bilinguisme éducatif » dont il faudra trouver les traces au creux de son bilan à la direction de l’Éducation nationale. Nous reviendrons là-dessus et sur d’autres volets de son propos… L’on peut déjà noter que l’ex-ministre plaide non pas pour l’élaboration et la mise en œuvre de la politique linguistique éducative de l’État haïtien mais plutôt pour une sorte de joker passe-partout qu’il nomme « une politique volontariste de bilinguisme éducatif ».

L’on observe que le C.V. public de Pierre Josué Agénor Cadet, destiné à le camper au sommet de l’intelligentsia haïtienne, est présenté comme étant amplement « meublé ». Selon Wikipédia –qui n’est pas reconnu dans les milieux universitaires pour la rigueur de ses données documentaires–, l’ancien ministre de l’Éducation nationale serait docteur ès lettres, docteur en sciences de l’éducation, pédagogue, politologue, journaliste, historien, professeur, écrivain, auteur de plus d’une trentaine d’ouvrages, prix national de littérature en 2002, prix littéraire Joseph D. Charles en 2017 et Plume d’Or en 2023Les données fournies par Wikipédia ne figurent toutefois pas sur le site thèses.fr, le moteur de recherche des thèses publiées en français à l’échelle internationale… Pierre Josué Agénor Cadet a également été directeur du Lycée Fritz Pierre-Louis de 2009 à 2017…

Il faut prendre toute la mesure que la parole publique de Pierre Josué Agénor Cadet ne relève pas du registre d’un pseudo discours « technique » échafaudé en orbite de la société haïtienne, dans une improbable bulle stratosphérique aseptisée et sans lien avec les rapports de force politiques qui charpentent un pays, Haïti, qui n’a toujours pas effectué sa déduvaliérisationEn août 2025, cette prise de parole publique intervient dans le contexte où le cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste a récemment confirmé son emprise sur le système éducatif national avec la nomination de Sterline Civil à la direction du Fonds national de l’éducation, la plus vaste entreprise de corruption et de détournement de fonds de toute l’histoire de l’éducation haïtienne depuis 1804. La nomination de Sterline Civil a été imposée au mutique et virtuel Conseil présidentiel de transition qui, au plan de la gouvernance administrative et politique du pays, n’administre que son impuissance, ses fantasmes et ses illusions politiques. Cette nomination confirme également l’abandon de fait de toute enquête administrative et financière diligentée auprès de la Cour supérieure des comptes au sujet de l’industrie de la corruption et du détournement des finances de l’État qui a cours depuis 2011 au Fonds national de l’éducation. NOTESur la corruption au Fonds national de l’éducation, voir nos articles « Le Fonds national de l’éducation en Haïti, un système mafieux de corruption créé par le PHTK néo-duvaliériste », Rezonòdwès, 20 avril 2024 ; « La corruption au Fonds national de l’éducation en Haïti : ce que nous enseignent l’absence d’états financiers et l’inexistence d’audits comptables entre 2017 et 2024 », Madinin’Art, 3 mai 2024 ; « En Haïti, la corruption généralisée au Fonds national de l’éducation met encore en péril la scolarisation de 3 millions d’écoliers » , Rezonòdwès, 18 février 2025 ; « Le parachutage de Sterline CIVIL à la direction du Fonds national de l’éducation : vers le renforcement de la corruption et de l’impunité dans le système éducatif national d’Haïti », Rezonòdwès, 5 mars 2025.

Bien loti dans les petits papiers du cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste, Pierre Josué Agénor Cadet est un vieux routier des espaces de pouvoir et de l’éducation en Haïti où officient nombre d’« intellectuels serviles » (voir notre article « Le rôle des « intellectuels serviles » dans l’arsenal idéologique érigé par le cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste », Médiapart, Paris, 22 novembre 2024). Connu et reconnu pour sa loyauté au PHTK néo-duvaliériste, enseignant de carrière bardé de diplômes à géométrie variable et de prix littéraires « nationaux » aussi insignifiants que borlettisés, Pierre Josué Agénor Cadet a dirigé l’Éducation nationale d’Haïti dans le prolongement de la présidence du clown-mysogyne mafieux Michel Martelly (mai 2011 – février 2016). Autoproclamé « bandit légal », commanditaire et financier des gangs armés en Haïti, Michel Martelly a été sanctionné le 20 août 2024 par les États-Unis : voir le « Communiqué de presse » du Département d’État des États-Unis / Bureau du porte-parole / Déclaration de Vedant Patel, porte-parole adjoint principal / Le 20 août 2024 : « Aujourd’hui, les États-Unis désignent le président haïtien Michel Martelly pour son rôle dans le commerce mondial illicite de drogues. M. Martelly a abusé de son influence pour faciliter le trafic de drogue et a parrainé de nombreux gangs basés en Haïti. Le trafic de stupéfiants et la violence liée aux gangs ont contribué à l’instabilité politique et à l’insécurité en Haïti, ce qui a créé une situation intenable pour le peuple haïtien ». Aux dernières nouvelles, en dépit de la sanction américaine, Michel Martelly vit encore en Floride, bien protégé par le même Département d’État américain qui lui aurait, semble-t-il, restitué son passeport américain…

Deux ans avant la présumée sanction du Département d’État des États-Unis, « Le Canada [avait sanctionné] trois nouveaux membres de la classe politique d’Haïti, dont l’ex-président Michel Martelly, en plus d’annoncer une aide de 16,5 millions de dollars pour aider le pays à faire face à une épidémie de choléra et à lutter contre la corruption. En Tunisie pour le Sommet de la Francophonie, le premier ministre canadien Justin Trudeau a annoncé lors d’un point de presse que l’ancien président Michel Martelly et les anciens premiers ministres Laurent Lamothe et Jean Henry Céant seraient sanctionnés pour leur participation au financement des gangs armés qui paralysent le pays des Caraïbes. Les personnes sanctionnées profitent directement du travail des gangs et sont associées à un système de corruption, a déclaré la ministre canadienne des Affaires étrangères, Mélanie Joly » (voir l’article « Ottawa sanctionne l’ex-président haïtien Michel Martelly », Radio-Canada, 20 novembre 2022). [Le souligné en italiques et gras est de RBO]

Le bilan de l’action de Pierre Josué Agénor Cadet à la direction de l’Éducation nationale se caractérise principalement par (1) la sacralisation et la perpétuation de la corruption au Fonds national de l’éducation et au PSUGO, (2) l’inexistence d’une politique linguistique éducative à l’échelle nationale conforme aux articles 5 et 40 de la Constitution de 1987 et, de manière liée, (3) l’inexistence d’une vision de l’aménagement du créole, aux côtés du français, dans le système éducatif national.

Sacralisation et perpétuation de la corruption au Fonds national de l’éducation et au PSUGO

Paru en Haïti dans Le National du 3 avril 2018, notre article « L’Éducation nationale en Haïti : comateux bilan du ministre Pierre Josué Agénor Cadet
au chapitre de l’aménagement linguistique
 » a fourni une lecture critique documentée des réalisations du ministre durant la première année de son mandat. Pareille lecture critique vaudra pour toute la durée de son mandat (mars 2017 à juillet 2021) à la direction administrative et politique de l’Éducation nationale. En lien avec ce bilan, il a été observé que durant douze ans le cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste n’a jamais eu le moindre véritable projet éducatif pour le pays. L’on observe que l’ex-ministre de l’Éducation nationale, en poste de mars 2017 à juillet 2021, a eu partie liée avec le Fonds national de l’éducation qui, dans un premier temps, en 2011, fonctionnait dans l’informel avant d’être visé par une loi et de revêtir une personnalité légale. C’est le lieu de rappeler que la « Loi portant création du Fonds national pour l’éducation (FNE) » a été adoptée par la Chambre des députés le 17 août 2017 et a été votée par le Sénat le 1er décembre 2017. Cette loi a été déposée au Parlement depuis juin 2012 et a été votée par les députés de la 49e législature le 9 août 2017. Le Fonds national de l’éducation, qui a été créé par le président Michel Martelly et ses affidés en mai 2011, a été régulé par cette loi pour présumément permettre la scolarisation des enfants en Haïti. Il est grassement financé par des prélèvements de 1,5 dollar américain sur chaque transfert d’argent et 0,5 centime sur chaque appel téléphonique international. Le FNE est géré par un directeur général et un conseil d’administration de 7 membres issus des ministères de l’Économie, de l’Éducation nationale, de la Planification et du MHAVE, du secteur des syndicats d’enseignants, de la Fédération nationale des maires Haïtiens (FENAMH) et du secteur des droits humains. 

La « Loi portant création du Fonds national pour l’éducation (FNE) » a été adoptée par la Chambre des députés le 17 août 2017. Outre les dotations budgétaires, les dons, les subventions, les emprunts et les taxes, cette loi ratisse large et prévoit que les ressources financières du FNE proviendront des redevances et droits constitués par :

–les produits de la redevance prélevée sur chaque minute d’appel international entrant et sortant,

–le produit de la redevance prélevée sur chaque transfert de fonds internationaux,

–un pourcentage des droits et concessions sur les casinos,

–un pourcentage des revenus générés par les concessions de la loterie de l’État haïtien,

-un pourcentage sur les gains provenant des jeux de hasard,

–un pourcentage des dividendes versées à l’État par les entreprises dont le capital est détenu en tout ou partie par l’État,

–un pourcentage sur les profits nets générés par la Banque de la République d’Haïti (BRH), –un pourcentage sur les profits générés par les banques commerciales d’État.

La « Loi portant création du Fonds national pour l’éducation (FNE) » consigne, au chapitre 1, « De la nature juridique, de la mission et du siège du Fonds national de l’éducation (FNE) », à l’article 2, que « Le FNE est placé sous la tutelle du ministère de l’éducation nationale et de la formation professionnelle ». Il est précisé, à l’article 6, que « Le Conseil d’administration est composé de cinq membres : (a) Le ministre de l’Économie et des Ffnances (…), (b) Le ministre de l’Éducation nationale et de la formation professionnelle (…). Quant à lui l’article 7 consigne que « La présidence du Conseil d’administration du FNE est assurée par le ministre de l’Éducation nationale (…) et la vice-présidence par le ministre de l’Économie et des finances ». [Le souligné en gras est de RBO]

Selon l’article 7 de la « Loi portant création du Fonds national pour l’éducation (FNE) », Pierre Josué Agénor Cadet a donc été président du conseil d’administration du Fonds national de l’éducation, l’un des 9 organismes placés sous la tutelle du ministère de l’Éducation nationale. À l’instar de l’ex-ministre de l’Éducation nationale Nesmy Manigat, la « vedette médiatique » du cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste, Pierre Josué Agénor Cadet a exercé le contrôle administratif et politique du Fonds national de l’éducation : comme c’était le cas avec Nesmy Manigat, il est « techniquement », politiquement et administrativement invraisemblable que la corruption systémique et à très grande échelle au FNE, de 2011 à 2017 et de 2017 jusqu’à aujourd’hui, ait été « ignorée » de Pierre Josué Agénor Cadet, loyal serviteur du PHTK néo-duvaliériste. Faut-il encore le rappeler ? Le Fonds national de l’éducation qui n’est toujours pas formellement inscrit au Budget de l’État haïtien–, amasse chaque année, depuis 2011/2017 et jusqu’à aujourd’hui, des centaines de millions de dollars : le montant total des sommes amassées de 2011 à 2017 et de 2017 à 2025 est inconnu du public, aucun état financier ni rapport d’audit des états financiers n’a été publié de 2017 à 2025, et cette institution de l’État ne rend pas compte au Parlement haïtien d’abord handicapé puis conduit au disfonctionnement par le PHTK néo-duvaliériste. En réalité le Fonds national de l’éducation ne rend compte qu’aux dirigeants du PHTK dans la plus totale opacité.

La création du Fonds national pour l’éducation au creux de la structuration de la corruption dans le système éducatif haïtien est un sujet majeur de société et comme tel ce « Fonds » a fait l’objet de diverses analyses. Il y a lieu de mentionner l’éclairage de Jesse Jean consigné dans son « Étude de l’aide internationale pour la réalisation de l’éducation pour tous en Haïti » / Thèse de doctorat, Université Paris-Est Créteil Val de Marne, 13 janvier 2017. Dans cette thèse de doctorat, Jesse Jean précise qu’« en 2013, soit deux ans après la création du Fonds national pour l’éducation, les montants collectés par exemple sur les appels téléphoniques étaient évalués, d’après les chiffres indiqués par le Conseil national des télécommunications, le CONATEL, à la rondelette somme de 58 066 400 dollars américains. Et les taxes prélevées sur les transferts d’argent entrants et sortants s’élevaient à plus de 45 238 095 dollars US » (Jesse Jean, op. cit., page 132). Ces montants collectés par le CONATEL puis versés au compte bancaire du FNE à la Banque de la République d’Haïti, sont sans doute sous-évalués et ils n’ont jamais fait l’objet du moindre état financier ni d’un rapport d’audit financier.

Pierre Josué Agénor Cadet, loyal serviteur du PHTK néo-duvaliériste, a dirigé l’Éducation nationale de mars 2017 à juillet 2021 : il a été président du Conseil d’administration du Fonds national de l’éducation, organisme placé sous la tutelle du ministère de l’Éducation nationale. L’on observe que dans l’entretien qu’il a accordé au Nouvelliste le 2 août 2025 après sa conférence en ligne à la Bibliothèque Nazaréen de Cabaret, l’ex-ministre de l’Éducation nationale, à aucun moment, n’a abordé le sujet de la corruption au Fonds national de l’éducation alors même que selon la « Loi portant création du Fonds national pour l’éducation (FNE) », le FNE est un organisme d’État placé sous la responsabilité du ministère de l’Éducation nationale…

Ministre de l’Éducation nationale de mars 2017 à juillet 2021, Pierre Josué Agénor Cadet a également arpenté les populeuses officines et les glauques sous-sols du PSUGO tapissés de malversations financières à géométrie variable. Le PSUGO (Programme de scolarisation universelle gratuite et obligatoire) a été lancé sans base légale en 2011 par le PHTK alors dirigé par Michel Martelly. Le PSUGO a été légalisé en 2017 et placé sous la direction administrative et politique du ministère de l’Éducation nationale. Dès sa création il a été, à l’échelle nationale, une vaste entreprise de gabegie administrative, de corruption et de détournement de fonds publics au bénéfice des ayants droits et des supplétifs du PHTK néo-duvaliériste.

Ministre de tutelle du PSUGO, Pierre Josué Agénor Cadet a mentionné, à quelques rares occasions, cet organisme d’État sans exposer, documents à l’appui, le moindre audit administratif et financier de son action. Il procède de la sorte à la mise en œuvre du dispositif de l’« amnésie sélective » promue par les néo-duvaliéristes et affidés du PHTK. Le dispositif de l’« amnésie sélective » consiste en une lecture uniquement « technique » de l’action du PHTK néo-duvaliériste dans différents domaines, sans lien avec les rapports de force politiques et sociaux et les luttes de reproduction et de conservation du pouvoir politique au plus haut sommet de l’État. Ainsi, « Lors d’une conférence de presse donnée ce vendredi 5 mai 2017, le titulaire du MENFP, M. Pierre Josué Agénor CADET, a informé la population sur l’ensemble des actions entreprises par le MENFP en vue du paiement des enseignants en poste détenant des lettres de nomination et la régularisation du statut des personnels pédagogique et administratif. Il en sera de même pour les enseignants et les directeurs d’écoles publiques et non publiques impliquées dans le PSUGO. (…) Le Ministre (…) souligne qu’il n’a qu’un mois et demi à la tête du MENFP et qu’il a hérité d’un lourd passif, avec des dettes évaluées à environ 7 milliards de gourdes pour les enseignants en poste et les engagements dans le cadre du PSUGO et du PRONEC. » (source : « Le titulaire du MENFP fait le point sur le programme PSGUGO », Radio-Métropole, 8 mai 2017). On n’en saura pas plus…

Durant l’entretien publié par le Nouvelliste le 6 août 2025, Pierre Josué Agénor Cadet met en œuvre le dispositif de l’« amnésie sélective » qui lui permet de ne pas faire de véritable bilan analytique, documents de référence à l’appui, de son action passée à la direction du ministère de l’Éducation nationale. Tel que précisé auparavant, la prise de parole publique de Pierre Josué Agénor Cadet, en août 2025, intervient dans le contexte où le cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste a récemment confirmé son emprise sur le système éducatif national avec la nomination de Sterline Civil à la direction du Fonds national de l’éducation, la plus vaste entreprise de corruption et de détournement de fonds de toute l’histoire de l’éducation haïtienne depuis 1804 (voir notre article « Le parachutage de Sterline CIVIL à la direction du Fonds national de l’éducation : vers le renforcement de la corruption et de l’impunité dans le système éducatif national d’Haïti », Rezonòdwès, 5 mars 2025).

Quels sont les résultats mesurables du PSUGO et à combien s’élève le coût total de ses activités ? De 2011 à 2025 le ministère de l’Éducation nationale n’a publié aucun audit administratif et financier pour l’ensemble des activités du PSUGO. Une recherche documentaire multifacette n’a pas permis d’obtenir des données chiffrées sur les coûts totaux du PSUGO depuis ses débuts : la gestion financière de ce programme demeure totalement opaque et elle n’a fait l’objet d’aucune évaluation au Parlement haïtien. Pour sa part, la Bibliothèque numérique de l’UNESCO, l’UNESdoc, apporte quelques données informatives mais il n’a pas été possible d’en confirmer la fiabilité au moyen d’une comparaison avec d’autres sources documentaires. L’UNESdoc précise que « Initié en octobre 2011 dans le cadre d’un projet officiel de 5 ans, le Programme de scolarisation universelle gratuite et obligatoire (PSUGO) prend ainsi en charge les frais aux deux premiers cycles du fondamental (primaire) dans 9 000 écoles non publiques et 2 500 écoles publiques, afin de garantir l’accès à l’éducation à environ 1,5 million d’enfants de 6 à 12 ans en 2016. Son principal objectif est de surmonter les obstacles structurels et de promouvoir l’instruction des enfants défavorisés vivant en situation de précarité. » Pour l’exercice 2014 – 2015, cette référence documentaire fait état d’un montant de 235 543 302 Gourdes (3 623 743 $ USD) attribué à 840 écoles et totalisant 96 931 élèves répartis principalement dans les communes de Cabaret, Carrefour et Port-au-Prince » (source : UNESdoc, « Les synthèses de l’IIPE / Améliorer le financement de l’éducation : utilisation et utilité des subventions aux écoles », n.d. ; recherche conduite par l’Université d’État d’Haïti en collaboration avec le ministère de l’Éducation nationale et sous la coordination de l’IIPE‑UNESCO, avec l’appui du Partenariat mondial pour l’éducation (GPE). 

Dans tous les cas de figure, le PSUGO, qui prétend scolariser 1 399 173 enfants, s’apparente à un énorme glacis, opaque et mutique, qui cultive avec soin ses nombreuses zones troubles au festin gargantuesque des millions de Gourdes que l’on n’arrive pas à retracer avec certitude… L’on observe que les associations d’enseignants, des directeurs d’écoles et des regroupements de parents d’écoles ont publiquement dénoncé les malversations systémiques qui ont lieu au PSUGO, comme en font foi plusieurs articles issus d’observations de terrain et parus dans la presse en Haïti : « Le Psugo, une menace à l’enseignement en Haïti ? (parties I, II et III) – Un processus d’affaiblissement du système éducatif », Ayiti kale je (Akj), AlterPress, 16 juillet 2014. Voir aussi sur le même site, « Le PSUGO, une catastrophe programmée » (parties I à IV), 4 août 2016. Voir également l’article fort bien documenté « Le Psugo, une des plus grandes arnaques de l’histoire de l’éducation en Haïti », par Charles Tardieu, Port-au-Prince, 30 juin 2016.

Sur les registres liés de la sous culture de l’omertà, de l’amnésie sélective et de l’impunité modélisés par le cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste dans l’Administration publique haïtienne ces douze dernières années, il est utile de rappeler l’unique prise de position de l’ex-ministre de l’Éducation nationale Nesmy Manigat enregistrée par la presse haïtienne au sujet du PSUGO. « Le ministre de l’Éducation Nationale, Nesmy Manigat, affirme que les 85 directeurs d’écoles récemment épinglés pour corruption dans le cadre du PSUGO ne représentent qu’une infirme partie des détournements de fonds publics dans le secteur éducatif. » Et sans identifier les mécanismes institutionnels de ces détournements de fonds publics, il a précisé que « Plusieurs centaines d’écoles sont impliquées dans ces détournements (…) rappelant que « les directeurs corrompus ont des connexions au sein du ministère de l’Éducation » (voir l’article « Important réseau de corruption au sein du PSUGO », Radio Métropole, 13 juillet 2015). Les directeurs d’écoles épinglés et leurs contacts opérationnels au sein du ministère de l’Éducation nationale n’ont pas été identifiés et encore moins traduits en justice : ils ont bénéficié de l’obscure impunité qui gangrène le corps social haïtien ainsi que les institutions du pays. La presse haïtienne a bien noté que dès son retour, en novembre 2022, à la direction du ministère de l’Éducation nationale, le même Nesmy Manigat a vite fait de reconduire le décrié PSUGO qu’il ne s’était pas privé de dénoncer ponctuellement en juillet 2015… La « vedette médiatique » du PHTK néo-duvaliériste Nesmy Manigat –qui a dans un passé récent a dirigé le Comité de gouvernance, d’éthique, du risque et du financement au Partenariat mondial pour l’éducation–, a certainement une lecture très sélective des exigences politiques de la sous culture de l’omertà au pays du « sa je pa wè, bouch pa pale ». L’amnésie sélective et la reproduction systémique de la corruption dans les dossiers du Fonds national de l’éducation et du PSUGO ont installé les deux hauts fonctionnaires de l’État —Pierre Josué Agénor Cadet et Nesmy Manigat–, au sommet d’une singulière permanence politique : ils sont à la fois caution intellectuelle et acteurs majeurs de la stratégie du PHTK néo-duvaliériste dans la reproduction de la corruption systémique au sein du système éducatif national.

Pierre Josué Agénor Cadet aurait-il d’infréquentables « affaires louches » dans son placard ?

Au début du présent article, nous avons précisé que bien loti dans les petits papiers du cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste, Pierre Josué Agénor Cadet est un vieux routier des espaces de pouvoir et de l’éducation en Haïti où officient nombre d’« intellectuels serviles » (voir notre article « Le rôle des « intellectuels serviles » dans l’arsenal idéologique érigé par le cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste », Médiapart, Paris, 22 novembre 2024).

Dans l’édition du 11 juin 2025, Le Nouvelliste a publié un article lourdement dithyrambique, à dessein louangeur et flagorneur, titré « À Livres en folie, Pierre Josué Agénor Cadet livre un essai sur l’état de l’État haïtien (1986-2025». En voici un extrait : « Avec « Haïti (1986-2025) : l’état de l’État », son trente-quatrième ouvrage publié en juin 2025, le professeur Pierre Josué Agénor Cadet livre une analyse rigoureuse et critique des dynamiques politiques, sociales et économiques qui ont façonné l’Haïti contemporaine. À travers vingt chapitres thématiques, cet essai monumental (sic) retrace la lente désagrégation de l’État haïtien depuis la chute de la dictature Duvalier jusqu’à la crise actuelle, tout en esquissant les contours d’une refondation nécessaire et urgente. Véritable fresque politico-sociale, ce livre s’impose comme un outil indispensable pour comprendre les racines profondes des dysfonctionnements étatiques et nourrir le débat sur l’avenir du pays ». Cet « essai monumental » (sic) fera bientôt l’objet d’un compte-rendu analytique. NOTEDans sa thèse de doctorat soutenue à l’Université de Montréal en 2022, « Tout [n’]était pas si négatif que ça : les mémoires contestées du duvaliérisme au sein de la diaspora haïtienne de Montréal, 1964-2014 », l’historienne Virginie Bélony évoque le concept de « nationalisme ethnique» pendant la période des Duvalier. Dans le deuxième chapitre de sa thèse, elle présente le dispositif idéel / idéologique de Gérard Daumec thuriféraire-flagorneur de premier plan, auteur privilégié siégeant dans le cercle rapproché du dictateur François Duvalier. Gérard Daumec évoque un « facteur raciologique » distinctif de la culture haïtienne dans son ouvrage « Guide des Œuvres essentielles » de François Duvalier (édition de 1967). Le doux parfum du « facteur raciologique » duvaliériste s’étale-t-il et se disperse-t-il sous la plume de Pierre Josué Agénor Cadet dans son livre « L’autre Jovenel » paru chez Pro Éditions en 2022 ? Sous réserve d’un prochain compte-rendu de lecture de ce livre que nous ferons en temps et lieu, voici en quels termes l’ouvrage est présenté sur le site RIHnews : « Jovenel Moïse a été un président incompris et mal compris ». Dans cet article il est précisé que « L’auteur du livre « L’autre Jovenel », Pierre Josué Agénor Cadet estime que l’ancien président a été assassiné pour sa “vision et ses engagements” en faveur des masses défavorisées haïtiennes. Selon Cadet, les forces opposées au développement d’Haïti ont d’abord assassiné le caractère de Moïse par des propagandes mensongères et l’ont assassiné ensuite physiquement. Il dit déplorer que l’ancien président ait été incompris, mal compris et diabolisé à la fois par des éléments de sa classe et l’oligarchie haïtienne. « L’autre Jovenel » que je décris dans mon livre, c’est celui qui voulait améliorer les conditions de vie des haïtiens et favoriser leur accès aux services publics de base”, déclare Cadet lors d’une interview à RHINEWS. Selon l’ex-ministre de l’éducation, l’assassinat de Jovenel Moïse a fait perdre au pays “l’opportunité de développer considérablement ses infrastructures routières, scolaires, les télécommunications, l’électricité entre autres.” Il affirme que l’administration Moïse a réalisé de nombreux projets dont on ne parle pas. Cadet déplore également que des projets complètement achevés aient été abandonnés de manière, dit-il à assassiner la mémoire de Moïse.” Il cite à titre d’exemple, le barrage de Marion dans l’arrondissement de Trou-du-Nord, qui n’a toujours pas été mis au service de la population. Cependant, Cadet se réjouit des avancées enregistrées aux États-Unis, dans l’enquête sur l’assassinat de Moïse. La justice américaine a déjà inculpé au moins onze personnes dans le cadre de cette affaire alors que l’enquête piétine en Haïti. Pierre Josué Agénor Cadet a été ministre de l’Éducation nationale pendant plus de quatre ans, et ministre de l’Intérieur par intérim pour une période de six mois » (voir l’article « Jovenel Moïse a été un président incompris et mal compris », RIHnews, 28 février 2023). L’on observe qu’il faut être solidement « souché » au sein du cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste pour occuper le poste hautement « sensible » de ministre de l’Intérieur. Ainsi, « Par arrêtés présidentiels publiés au journal officiel Le Moniteur en date du 27 septembre 2019, plusieurs ministres du gouvernent du premier ministre démissionnaire Jean Michel Lapin se voient attribuer par intérim la responsabilité d’un nouveau portefeuille ministériel. (…) Le ministre de l’Éducation nationale et de la formation professionnelle, Pierre Josué Agenor Cadet, a été (…) nommé ministre a.i de l’Intérieur et des collectivités territoriales » (voir l’article « Haïti : En marge de la crise, nouvelle vague de nominations dans l’administration publique », AlterPresse, 1er octobre 2019).

Tel que mentionné plus haut, le site RIHnews a publié l’article « Jovenel Moïse a été un président incompris et mal compris ». Dans cet article il est précisé que « L’auteur du livre « L’autre Jovenel », Pierre Josué Agénor Cadet estime que l’ancien président [Jovenel Moïse] a été assassiné pour sa “vision et ses engagements” en faveur des masses défavorisées haïtiennes ». L’auteur de « L’autre Jovenel », un « essai monumental » (sic), Pierre Josué Agénor Cadet, pratiquant l’« amnésie sélective » chère au PHTK néo-duvaliériste, évacue sans états d’âme le fait que son mentor Jovenel Moïse a eu maille à partir avec la Justice haïtienne. En effet, il est attesté que le preux et vertueux chevalier Jovenel Moïse, porté aux nues par Pierre Josué Agénor Cadet, a été « indéxé » à plusieurs reprises par la Justice haïtienne avant et après sa prise de fonction. « Par un décret, le président de la République [Jovenel Moïse] vient de drastiquement réduire les pouvoirs de la Cour supérieure des comptes. C’est cette institution qui avait établi que tous les gouvernements qui se sont succédé en Haïti entre 2008 et 2016 avait très mal géré et parfois même détourné les près de deux milliards de dollars du fonds Petrocaribe. Jovenel Moïse lui-même avait été indexé par l’audit de la Cour supérieure [des comptes et du contentieux administratif] pour avoir été au cœur d’un « stratagème de détournement de fonds » avant sa prise de fonction » (voir l’article « Haïti : le président Jovenel Moïse musèle la Cour des comptes », Radio France internationale, 9 novembre 2020). Pour mémoire, il est utile de rappeler que « Le président Jovenel Moïse a récemment réduit à néant le pouvoir de la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (CSC/CA) en Haïti. Ce décret, publié le 6 novembre 2020, a abrogé le contrôle de la CSC/CA sur les projets de contrats, d’accords et de conventions à caractère financier auxquels l’État est partie. La CSC/CA, qui avait été critiquée pour ses avis défavorables sur plusieurs projets de Moïse, a désormais un rôle consultatif et ne peut pas bloquer l’exécution d’un contrat approuvé par la Commission nationale des marchés publics (CNMP). Ce décret a suscité de vives réactions parmi les militants de la société civile, qui dénoncent la mainmise des dirigeants actuels sur l’ensemble des pouvoirs. (…) L’article 1er du décret est on ne peut plus clair soulignant qu’« en toute matière, l’avis de la CSC/CA est consultatif s’il est obligatoirement requis, il ne lie ni la CNMP, ni les autorités du pouvoir exécutif, ni les ordonnateurs et ne saurait paralyser ou empêcher la conclusion des contrats, accords et conventions. (…) Cette prise de contrôle de la CSC/CA par l’équipe de PHTK est intervenue alors que plusieurs contrats sur le projet de courant 24h/24, sur la location d’hélicoptères ont été retournés par la Cour des comptes. Notons que la Cour supérieure des Comptes avait soumis récemment le rapport complet sur la gestion du fonds PetroCaribe qui a indexé plusieurs hauts fonctionnaires de l’État dont le président de la République Jovenel Moïse, « au cœur d’un stratagème de détournements de fonds » (voir l’article « Jovenel Moïse réduit à néant le pouvoir de la Cour supérieure des comptes et en fait un simple organe consultatif », Gazette Haïti News, 8 novembre 2020).

Le Réseau national de défense des droits humains (RNDDH), affilié à la FIDH (la Fédération internationale des droits humains), a publié, le 11 octobre 2019, le Rapport/2019/No 4 intitulé « Fonctionnement de l’appareil judiciaire haïtien au cours de l’année 2018-2019 ». En raison de sa rigueur, de la pertinence de ses observations de terrain et de ses analyses, nous le citons longuement : il éclaire de manière fort pertinente les allégations de corruption à l’endroit des firmes dirigées par Jovenel Moïse, il exemplifie les tentatives d’intimidation commises par le président Jovenel Moïse contre l’appareil judiciaire haïtien ainsi que la paralysie judiciaire et politique d’avril 2019… À cette date en effet, « une ordonnance de non-lieu renvoyant le président Jovenel MOÏSE hors des liens de l’inculpation des faits de blanchiment des avoirs à lui reprochés » a été émise (page 7 du Rapport). Dans le même document du RNDDH, il est précisé que « (…) les crises sociopolitiques se sont succédé et la tension dans le pays est restée palpable, ce qui a rendu la situation générale très préoccupante, ponctuée par l’organisation de manifestations antigouvernementales exigeant le départ du président de la République Jovenel MOÏSE. Ces manifestations se sont intensifiées avec la publication, les 31 janvier et 31 mai 2019, des deux rapports de la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (CSC/CA) indiquant que les firmes du président de la République Agritrans et BETEX sont directement impliquées dans la dilapidation des fonds PetroCaribe. À Port-au-Prince comme dans les villes de province, les Haïtiens-nes ont pris les rues pour exiger le procès relatif à l’utilisation de ces fonds » (page 3 du Rapport). L’on observe que l’« Ordonnance de non-lieu en faveur du président de la République » s’énonce ainsi : « Le 16 avril 2019, le magistrat instructeur Brédy FABIEN a rendu une ordonnance de non-lieu

renvoyant le président Jovenel MOÏSE hors des liens de l’inculpation des faits de blanchiment des avoirs à lui reprochés. (…) le dispositif de ladite ordonnance est ainsi conçu : « Par ces causes et motifs, adoptons les conclusions du Commissaire du gouvernement contenues dans son réquisitoire définitif date du 4 avril 2018. Disons et déclarons qu’il n’y a pas lieu à suivre contre le sieur Jovenel MOISE, âgé de 48 ans d’alors, né à Port-au-Prince le 26 juin 1968. Entrepreneur de profession, demeurant et domicilié à Pèlerin 5, vu qu’il n’existe pas d’indices suffisants et concordants susceptibles de justifier sa culpabilité aux faits de blanchiment des avoirs à lui reprochés, le renvoyant en conséquence hors des liens d’inculpation aux termes de l’article 115 du CIC, ordonnons que toutes les pièces de la procédure y compris la présente ordonnance soient transmises au Commissaire du gouvernement de ce ressort pour les suites de droit. » NOTE – Au plan juridique, un « non-lieu » ne constitue pas un « acquittement » et dans le cas de Jovenel Moïse il faut bien comprendre qu’à aucun moment il n’a été « blanchi » ou « innocenté » par la Justice. Nous n’avons pas été en mesure de confirmer que plusieurs personnes se sont constitué « partie civile » dans le but de contester l’ordonnance du magistrat instructeur Brédy FABIEN qui, semble-t-il, aurait cédé aux menaces du clan Moïse…

De surcroît, « Il convient de rappeler que le 22 août 2016, l’Unité centrale de renseignements financiers (UCREF) avait transmis au parquet de ce ressort un rapport relatif à des transactions douteuses réalisées par Jovenel MOÏSE du 5 mai 2007 au 31 mai 2013. Ces allégations portaient sur différents comptes bancaires qui accusaient des montants faramineux. Le dossier a été transféré au cabinet d’instruction du magistrat Brédy FABIEN. Le 20 novembre 2016, Jovenel MOÏSE a été élu président de la République. Le 25 janvier 2017, avant son intronisation, il s’est rendu au cabinet du magistrat instructeur sans qu’il n’ait été invité par ce dernier. Ce jour-là, il a quand même été auditionné. Le 3 février 2017, le magistrat avait transmis le dossier au parquet et avait sollicité le réquisitoire définitif. Le commissaire du gouvernement d’alors, Me Jean Danton LEGER avait retourné le dossier au juge d’instruction avec un réquisitoire supplétif d’informer, sollicitant ainsi l’approfondissement de l’enquête judiciaire qui avait déjà été réalisée » (page 7 du Rapport).

Par ailleurs, « Un rapport d’enquête de l’ULCC [Unité de lutte contre la corruption] réalisée à la Banque populaire haïtienne (BPH) étalée sur une période allant d’octobre 2011 à septembre 2016, a révélé le degré d’implication de Evinx Daniel (porté disparu), de Jovenel Moise et de certains hauts fonctionnaires Tèt Kale dans la faillite technique de cette Institution bancaire. (…) Dans le cas de Jovenel Moise, le rapport a souligné que le suivi fait à une première demande de crédit de 600 000 $US n’a pas respecté les principes édictés dans le manuel de procédures de la BPH. En effet, l’ULCC a rapporté qu’il n’existe aucun document dans les dossiers « qui puisse prouver l’origine et l’authenticité des revenus des époux MOISE ». Le plus surprenant dans ce rapport d’investigation, le prêt a été approuvé avant même l’acheminement à l’officier de crédit, Gessie Nemorin, des documents prouvant la solvabilité de Jovenel Moise. (…) D’autre part le 28 mai 2013, la BPH a octroyé un prêt d’un montant de 19 000 000 Gdes à M. Jovenel MOISE. Toutefois, en dépit de différentes correspondances échangées entre M. MOISE et les instances de la BPH sur les retards et irrégularités des versements dus, ce prêt de plusieurs millions de Gourdes se trouve en situation de restructuration en septembre 2016, alors que le concerné était en pleine campagne pour la continuité des présidentielles de 2015. (…) les prêts ont été accordés sans confirmer les garanties, (existence d’entreprises, fiabilité des états financiers, authentification d’hypothèque, capacité de remboursement, avaliseur, etc.) déclarées dans leurs dossiers de demande de crédit, a conclu l’ULCC » (voir l’article « Haïti|Corruption – Un rapport de l’ULCC révèle un stratagème scandaleux dans des prêts accordés à Jovenel Moise par la Banque publique BPH » (Rezonòdwès, 5 mars 2021).

Bravache et pratiquant l’« amnésie sélective » toutes les fois qu’il le juge nécessaire, Pierre Josué Agénor Cadet aurait-il « oublié » de prendre connaissance de certaines enquêtes conduites par les médias ? Car en dépit de l’omertà ambiante, du « kase fèy kouvri sa » promu au rang d’une vertu cardinale en Haïti, l’information suivante a été diffusée à l’échelle internationale : « Le président haïtien Jovenel Moïse est accusé d’être au cœur d’un « stratagème de détournement de fonds » par la Cour supérieure des comptes qui a rendu vendredi un rapport de plus de 600 pages sur la mauvaise gestion de l’aide reçue du Venezuela. Les juges ont découvert qu’en 2014, pour le même chantier de réhabilitation de route, l’État a signé deux contrats avec deux entreprises aux noms distincts, Agritrans et Betexs, mais qui partagent notamment le même matricule fiscal et le même personnel technique. Les deux entreprises ont réalisé distinctement les mêmes ouvrages aux mêmes dates », révèle le rapport de la Cour qui conclut qu’il s’agit « ni plus ni moins qu’un stratagème de détournement de fonds ». Avant son arrivée au pouvoir en 2017, Jovenel Moïse était à la tête de l’entreprise Agritrans, laquelle a reçu plus de 33 millions de gourdes (plus de 946 000 $ CA, au taux de l’époque) pour ce projet routier, alors que son activité consistait à de la production bananière » (voir l’article « Le président haïtien accusé de détournement de fonds », Radio-Canada, 31 mai 2019).

Pour sa part le site Haïti24.net, dans son édition du 19 février 2025, a publié un retentissant article titré « Corruption : l’ancien ministre de l’Éducation Josué Agénor Cadet convoqué par le cabinet d’instruction ». Dans cet article il est précisé que « L’ancien ministre de l’Éducation Nationale, Josué Agénor Cadet, est convoqué ce vendredi 21 février 2025 au cabinet d’instruction dans le cadre d’une enquête sur des détournements de fonds au Programme national de cantines scolaires (PNCS). Cette convocation fait suite à l’arrestation de Phanèse R. Laguerre, ex-coordonnatrice du PNCS, accusée de corruption. Un rapport de l’Unité de lutte contre la corruption (ULCC) a mis en lumière d’importantes irrégularités dans la gestion du PNCS. Selon l’ULCC, 382 millions de gourdes ont été déboursés, dont 250 millions auraient été détournés par le biais de fournisseurs fictifs. L’audition de l’ancien ministre Josué Agénor Cadet vise à établir son rôle présumé dans la gestion controversée du PNCS. Il devra répondre aux questions du cabinet d’instruction sur sa responsabilité éventuelle dans ces malversations ». NOTE – À l’instar de L’Office national de partenariat en éducation et du Fonds national de l’éducation, le Programme national de cantines scolaires est l’un des organismes placés sous la tutelle administrative du ministère de l’Éducation nationale. Les présumés détournements de fonds débusqués par l’ULCC représentent 66% du budget du Programme national de cantines scolaires, soit les 2/3 des fonds mis à disposition… Au moment de la rédaction du présent article, aucun communiqué officiel n’avait été émis par le cabinet d’instruction à la suite de l’audition de l’ex-ministre de l’Éducation nationale Pierre Josué Agénor Cadet.

Dans un contexte de chaos politique généralisé, d’impuissance du pouvoir exécutif et de récurrents actes de terreur orchestrés par les bandes armées, la récente prise de parole publique de Pierre Josué Agénor Cadet est emblématique et constitutive de la pérennisation de l’idéologie de la corruption dans le système éducatif national. Alors même que « L’ex-ministre Josué Agénor Cadet [est] dans le collimateur de la Justice pour corruption » (Le Placentin, 19 février 2025), son action passée à la direction du ministère de l’Éducation se caractérise également par l’inexistence d’une politique linguistique éducative à l’échelle nationale conforme aux articles 5 et 40 de la Constitution de 1987 et, de manière liée, par l’inexistence d’une vision de l’aménagement du créole, aux côtés du français, dans le système éducatif national.

Inexistence d’une politique linguistique éducative à l’échelle nationale

L’inexistence d’une politique linguistique éducative à l’échelle nationale constitue certainement le plus monumental échec du passage de Pierre Josué Agénor Cadet à la direction du ministère de l’Éducation nationale. En termes clairs, c’est incontestablement l’échec du cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste et celui de Nesmy Manigat qui s’est tant agité sur les réseaux sociaux pour accréditer, frauduleusement, l’idée qu’il s’était engagé dans une véritable promotion du créole dans le système éducatif national.

La revue méthodique des documents d’orientation majeurs du ministère de l’Éducation nationale nous a valu d’identifier deux textes de premier plan. Le premier document a pour titre « Cadre d’orientation curriculaire pour le système éducatif haïtien / Haïti 2054 » et pour son élaboration le ministère de l’Éducation a bénéficié du support technique et financier, à hauteur de 8 millions d’Euros, de l’Agence française de développement (AFD) dans le cadre du Projet NECTAR. Sa première mouture date de 2020 et il a été validé en février 2021. Le second s’intitule « Cadre pour l’élaboration de la politique linguistique du MENFP » / « Aménagement linguistique en préscolaire et fondamental ». Ce document est daté de mars 2016 et il porte la mention « Travail réalisé par Marky Jean Pierre et Darline Cothière sous la direction de Marie Rodny Laurent Estéus consultante au cabinet du Ministre ». Par souci de rigueur nous avons effectué une recherche documentaire sur le site du ministère de l’Éducation nationale d’Haïti et nous avons constaté que ces deux documents ne sont pas répertoriés aux rubriques « Banque de documents », « Documents officiels » et « Outils et ressources pédagogiques ». À la rubrique « Circulaires et arrêtés » il est indiqué qu’« Aucun document n’est disponible pour l’instant », tandis qu’à la rubrique « Programmes et curriculum » l’on a accès aux documents « Pwogam konpetans minimal Kreyòl segondè I » (décembre 2019, 29 pages) et « Programme à compétences minimales Français secondaire I » (décembre 2019, 23 pages). Le « Cadre d’orientation curriculaire pour le système éducatif haïtien / Haïti 2054 » ainsi que le « Cadre pour l’élaboration de la politique linguistique du MENFP » / « Aménagement linguistique en préscolaire et fondamental » sont des documents distincts du « Référentiel haïtien de compétences pour le français et le créole / Referansyèl ayisyen konpetans pou lang franse ak kreyòl » élaboré par la linguiste-didacticienne Darline Cothière et daté du 15 mai 2018. À l’instar de plusieurs titres réputés être en Haïti des « documents ministériels majeurs », ce « Référentiel » –qui n’a pas été officiellement adopté par l’Éducation nationale–, s’est vu lui aussi téléporté en coma prémédité au grenier des objets perdus du ministère de l’Éducation nationale…

Contrairement aux supputations surréalistes et superficielles de l’ex-ministre Pierre Josué Agénor Cadet relatives à « la question de la langue [qui] dépasse les clivages linguistiques » car Haïti aurait besoin d’« une politique volontariste de bilinguisme éducatif », il existe un réel blocage de l’École haïtienne. Ce blocage est tout d’abord de nature politique et idéologique : l’État haïtien se révèle encore incapable de remplir ses obligations constitutionnelles en matière d’enseignement alors même que la Constitution de 1987, en son article 32, dispose explicitement que l’éducation est un droit fondamental relevant de la compétence de l’État et des collectivités locales. Le blocage résulte également d’une contradiction majeure (de vision et de finalités) entre le « Cadre d’orientation curriculaire pour le système éducatif haïtien / Haïti 2054 » et le « Plan décennal d’éducation et de formation 2018 – 2028 ». Il ressort de notre analyse attentive que l’État haïtien –trente-six ans après la co-officialisation du créole et du français dans la Constitution de 1987–, est lourdement démissionnaire quant à l’obligation politique et constitutionnelle d’élaborer et de mettre en oeuvre LA politique linguistique éducative nationale. La démission de l’État a de pesantes conséquences sur le plan de la gouvernance du système éducatif haïtien, sur celui de la didactique générale des matières scolaires, sur celui de la didactique du créole langue maternelle comme sur celui du français langue seconde. 

La question qu’il faut dès lors se poser est la suivante : le « Plan décennal d’éducation et de formation 2018 – 2028 », qui entend lui aussi structurer l’enseignement primaire, secondaire, professionnel et universitaire en Haïti sur une période de dix ans, est-il porteur d’une véritable vision de l’aménagement linguistique en salle de classe et dans la totalité du système éducatif national en conformité avec la Constitution de 1987 ? De manière plus structurelle, ce « Plan décennal…» consigne-t-il les balises théoriques et programmatiques de la future politique linguistique éducative d’Haïti en lien avec le « Cadre pour l’élaboration de la politique linguistique du MENFP » / « Aménagement linguistique en préscolaire et fondamental » de 2016 ?

Pour répondre adéquatement à cette question, il importe d’examiner de près les « Orientations stratégiques » du ministère de l’Éducation consignées dans le « Plan décennal…» : (…) « le Plan 2018-2028 se fonde donc sur une double approche systémique, par le fait de toucher tous les segments du système scolaire, et stratégique par le choix des axes prioritaires d’intervention établis pour orienter ses actions. En effet, trois axes d’interventions sont ciblés : l’accès dans l’équité, la qualité dans l’équité et la gouvernance. Pour chacun de ces axes, des programmes spécifiques sont identifiés de manière à toucher les sept segments clés du système éducatif haïtien à savoir : la petite enfance, le préscolaire, le fondamental, le secondaire, la formation technique et professionnelle, l’enseignement supérieur et la recherche, l’éducation non formelle et l’alphabétisation. » (« Plan décennal…» p. 22)

Premier constat : les « Orientations stratégiques » du ministère de l’Éducation nationale ne formulent pas le projet spécifique de l’aménagement linguistique dans le système éducatif national. Ainsi, au niveau des « Orientations stratégiques » du « Plan décennal…», la question linguistique dans l’enseignement ne fait pas l’objet d’un chapitre particulier et encore moins d’un traitement spécifique : l’idée de l’aménagement linguistique dans les programmes et en salle de classe est disséminée dans des considérations générales du document… Ce premier constat illustre le fait que le ministère de l’Éducation nationale n’est que peu préoccupé par la dimension linguistique de l’enseignement en Haïti. Il s’est ainsi révélé incapable, dans un document de 96 pages présumément préparé par des spécialistes en éducation, d’analyser et de proposer une vision articulée de la question linguistique haïtienne dans ses rapports étroits avec l’enseignement au pays, tous cycles confondus. Ce lourd déficit de vision est une lacune de premier plan et conforte également les craintes que nous avions déjà formulées dans l’article « Plan décennal d’éducation et de formation » en Haïti : inquiétudes quant à l’aménagement du créole et du français dans le système éducatif national » (Le National19 janvier 2018).

Deuxième constat : les « Orientations stratégiques » du ministère de l’Éducation nationale ne font nullement référence à la nécessité d’une véritable politique linguistique éducative en Haïti. Il est à ce titre symptomatique de noter que, parmi les documents consultés par les rédacteurs du « Plan décennal…» (p. 87 et suivantes), ne figure pas l’étude commanditée par le ministère de l’Éducation nationale, « L’aménagement linguistique en salle de classe – Rapport de recherche » (éditions Ateliers de Grafopub, 2000, 272 pages). Ce document comprend des recommandations pourtant innovantes qui n’ont jamais été agréées ni mises en application, ce qui illustre bien le constat qu’à leur arrivée au ministère de l’Éducation les ministres s’évertuent chacun à sa manière à « réformer » le système sans prendre en compte le travail effectué par leurs prédécesseurs. Au plan linguistique, voici ce que consigne très chichement, il faut le souligner, les « Orientations stratégiques » du « Plan décennal…» : « En résumé, au cours des dix années du plan décennal (2018-2028), de nombreuses actions seront entreprises pour (…) notamment « Renforcer le statut du créole en tant que langue d’enseignement et langue enseignée dans le processus enseignement/apprentissage à tous les niveaux du système éducatif haïtien » (« Plan décennal…» p. 28). Et « Pour ce qui concerne la qualité dans l’équité », il s’agira entre autres de « Promouvoir un enseignement de qualité de l’anglais et de l’espagnol à tous les niveaux du système éducatif » (« Plan décennal…» p. 26).

La perspective de la promotion d’« un enseignement de qualité de l’anglais et de l’espagnol à tous les niveaux du système éducatif » (« Plan décennal…» p. 26) est particulièrement révélatrice de la parenté de pensée existant entre l’Éducation nationale et les Ayatollahs du créole : les 4 langues ciblées dans le « Plan décennal…» –ainsi que dans le cahier des charges  ayant guidé en 2023 l’élaboration du LIV INIK AN KREYÒL–, sont placées au même niveau… Nous sommes donc bien en présence d’un choix idéologique/politique délibéré et maquillé en choix didactique consistant à mettre sur un même pied d’égalité le créole, le français, l’anglais et l’espagnol, ce qui n’est nullement autorisé par les articles 5 et 40 de la Constitution de 1987 traitant de nos deux seules langues officielles, le créole et le français. Pareille confusion quant au statut, au rôle et aux fonctions didactiques de ces quatre langues est un trait commun, une posture commune aux « créolistes » fondamentalistes et à l’ex-ministre d de l’Éducation nationale Nesmy Manigat. Tel que mentionné auparavant, l’exemple le plus flagrant de cette confusion se trouve dans le document officiel du ministère de l’Éducation nationale intitulé « Cahier des charges pour l’élaboration du livre scolaire unique au premier cycle fondamental » daté de juin 2022. Au chapitre 4.4. de ce document officiel, à la rubrique « Modalités techniques », il est précisé que « Le livre scolaire unique doit se présenter en 2 ou 4 volumes correspondant aux 5 domaines proposés dans le Cadre d’orientation curriculaire (COC) contenant toutes les matières inscrites au programme officiel (créole, français, mathématiques, sciences sociales et expérimentales) et les thèmes transversaux d’éducation à la citoyenneté et au développement durable de gestion de risques et désastres (GRD) et d’éducation sociale et financière (ESF). Les domaines sont ainsi constitués : « Domaine des langues et de la communication : créole, français, anglais, espagnol (…) ». La lourde confusion quant au statut, au rôle et aux fonctions didactiques de ces quatre langues, en plus d’être un trait commun entre les Ayatollahs du créole et le ministère de l’Éducation nationale, elle a déjà, en toute rigueur, de lourdes conséquences sur le plan de la modélisation didactique. D’une part, elle oblige les rédacteurs de livres scolaires à mettre eux aussi les quatre langues sur un même pied d’égalité en contravention avec les articles 5 et 40 de la Constitution de 1987. D’autre part, elle oblige les didacticiens à « uniformater » la didactique des langues et la didactique des matières scolaires sans élaborer (1) une didactique spécifique du créole langue de scolarisation et, (2) sans élaborer une didactique adaptée du français en situation de créolophonie. La lourde confusion consistant à mettre sur un même pied d’égalité le créole, le français, l’anglais et l’espagnol va à contre-courant des acquis consignés dans les travaux de nombre de linguistes. Sur le registre de la didactique du créole et de la didactique du français, l’on consultera notamment l’ample étude de Renauld Govain et de Guerlande Bien-Aimé, « Pour une didactique du créole haïtien langue maternelle » parue dans le livre collectif de référence « La didactisation du créole au cœur de l’aménagement linguistique en Haïti » (par Robert Berrouët-Oriol et alii, Éditions Zémès et Éditions du Cidihca, 2021) ; voir aussi, dans le même livre, l’article de Charles Tardieu, spécialiste de l’éducation et ancien ministre de l’Éducation nationale, « La problématique de l’insertion de la langue créole dans le curriculum haïtien ». La problématique de la didactique spécifique du créole a été auparavant étudiée par le linguiste Renauld Govain dans un article de grande amplitude analytique, « L’état des lieux du créole dans les établissements scolaires en Haïti » (revue « Contextes et didactiques » 4/2014). La problématique de la didactique du français en créolophonie a été étudiée par le linguiste créoliste Robert Chaudenson dans son livre « Didactique du français en milieux créolophones » – Outils pédagogiques et formation des maîtres » (Éditions L’Harmattan, 2008). L’on consultera aussi la contribution de la linguiste Darline Cothière, « Pour une didactique revisitée du français en milieu post-colonial » parue en décembre 2008 dans le numéro 6 de la revue « Recherches haïtiano-antillaises ». Les travaux du linguiste Pierre Vernet abordent aux aussi la complexe problématique de la didactique du français en contexte créolophone. Il s’agit des articles « Une démarche d’adaptation de la didactique du français aux enfants créolophones » paru dans R. Chaudenson (dir.), « Didactique du français en milieux créolophones – Outils pédagogiques et formation des maîtres » (Éditions L’Harmattan, 2008), et de « L’enseignement du français au primaire dans les aires créolophones » (avec L.-J. Calvet, R. Chaudenson, J.-L. Chiss & C. Noyau, paru en 2008 dans les Actes du 12e congrès de la FIPF, Québec). 

En définitive, en ce qui a trait à l’aménagement du créole dans le système éducatif national, il faut prendre toute la mesure que le « Plan décennal d’éducation et de formation 2018 – 2028 » consigne la généralité passe-partout suivante : « Le créole, langue maternelle qui lie tous les Haïtiens, n’occupe pas encore la place qu’il mérite dans le processus d’élaboration et de mise en œuvre des différents instruments servant à orienter et gérer les affaires du pays. On ne le retrouve pas assez dans les stratégies développées pour produire et transmettre des connaissances et développer des savoirs et compétences nécessaires, pour bâtir la cohésion sociale (…) » (« Plan décennal…» p. 7) Toujours en ce qui a trait à l’aménagement des deux langues officielles dans le système éducatif national, le « Plan décennal d’éducation et de formation 2018 – 2028 » consigne également que « Dans le prolongement de la Réforme Bernard, le créole sera obligatoire et utilisé comme langue d’enseignement au 1e cycle du fondamental et langue enseignée à tous les niveaux du système éducatif haïtien. Le français, en tant que langue seconde, sera introduit comme langue enseignée dès la 1ère année fondamentale dans sa forme orale et progressivement sous toutes ses formes dans les autres années suivant la progression définie dans les programmes d’études développés, et utilisé comme langue d’enseignement dès le 2e cycle fondamental. » (« Plan décennal…» p. 26) Ces généralités, même assorties d’une préconisation non encadrée juridiquement –« le créole sera obligatoire et utilisé comme langue d’enseignement »–, ne constituent pas un énoncé spécifique de politique linguistique éducative comme nous l’avons démontré dans notre article « Un « Plan décennal d’éducation et de formation 2018 – 2028 » en Haïti dénué d’une véritable politique linguistique éducative » (Le National, 31 octobre 2018). 

Contrairement aux supputations surréalistes et superficielles de l’ex-ministre Pierre Josué Agénor Cadet, Haïti a besoin d’un énoncé de politique linguistique éducative qui donnera lieu à la première Loi sur l’aménagement du créole et du français en Haïti. En lien direct avec les articles 5, 32 et 40 de la Constitution de 1987, cette future loi sera au fondement d’une politique d’État, le bilinguisme de l’équité des droits linguistiques en Haïti (voir nos articles « Partenariat créole/français – Plaidoyer pour le bilinguisme de l’équité des droits linguistiques en Haïti », Potomitan, 6 novembre 2019, et « La Constitution de 1987 est au fondement du ‘’bilinguisme de l’équité des droits linguistiques’’ en Haïti », Le National, 25 avril 2023).

Linguiste-terminologue

Conseiller spécial au Conseil national d’administration

du Regroupement des professeurs d’universités d’Haïti (REPUH)

Konseye pèmanan, Asosyasyon pwofesè kreyòl Ayiti (APKA)

Montréal, le 14 août 2025