« Les routes de l’esclavage », une série documentaire par Daniel Cattier, Juan Gélas et Fanny Glissant

Dimanche 2 juin à 17h30 et Lundi 3 juin à 20h55 sur Planète +

« Les routes de l’esclavage » est une série documentaire ambitieuse réalisée en 2018 par Daniel Cattier, Juan Gélas et Fanny Glissant, à l’occasion du 170ᵉ anniversaire de l’abolition de l’esclavage en France. Cette œuvre collective se distingue par sa portée historique, couvrant une période de plus de 1 400 ans, et par son approche systémique de l’esclavage, considéré non seulement comme une tragédie humaine, mais aussi comme un processus complexe ayant façonné notre monde actuel.

Une tragédie millénaire

L’histoire de l’esclavage remonte bien avant les plantations de coton en Amérique. La série commence au Vᵉ siècle, après la chute de l’Empire romain, et se poursuit jusqu’à la fin du XIXᵉ siècle. Elle met en lumière comment l’esclavage a traversé différentes époques et régions, de l’Antiquité au Moyen Âge, de l’Afrique à l’Amérique, en passant par l’Europe et le Moyen-Orient.

Épisode 1 : 476 – 1375, Au-delà du désert

Le premier épisode explore la période suivant l’effondrement de Rome, lorsque les Arabes construisent un nouvel empire qui s’étend des rives de l’Indus au Sahara. Cet épisode montre comment les guerres, les enlèvements et les razzias produisaient des esclaves, souvent blancs, et comment l’essor de l’Islam a transformé ces pratiques. L’Afrique devient alors un centre névralgique de la traite des esclaves, alimentant un immense réseau entre le continent et le Moyen-Orient.

Épisode 2 : 1375 – 1620, Pour tout l’or du monde

À la fin du Moyen Âge, l’Europe commence à s’ouvrir au monde. Les navigateurs portugais, en quête d’or, explorent l’Afrique et établissent les premiers circuits du commerce triangulaire, avec l’île de Sao Tomé comme symbole de ce commerce naissant. Ce modèle s’étend ensuite au Brésil et aux Caraïbes, jetant les bases d’une société esclavagiste qui persistera pendant des siècles.

Épisode 3 : 1620 – 1789, Du sucre à la révolte

Le XVIIᵉ siècle est marqué par la guerre du sucre dans l’Atlantique. Les grandes puissances européennes – Français, Anglais, Hollandais et Espagnols – rivalisent pour le contrôle des Caraïbes, transformant ces îles en vastes plantations de canne à sucre. Pour répondre à la demande insatiable de sucre, de nouvelles routes de l’esclavage sont ouvertes entre l’Afrique et les colonies du Nouveau Monde. C’est durant cette période que l’homme noir est de plus en plus perçu comme une marchandise, et que la notion de race commence à se former.

Épisode 4 : 1789 – 1888, Les nouvelles frontières de l’esclavage

Le dernier épisode aborde l’ère des révolutions et des mouvements abolitionnistes. La révolte des esclaves à Saint-Domingue et l’abolition de la traite transatlantique par la Grande-Bretagne en 1807 marquent des étapes importantes. Cependant, malgré ces progrès, l’Europe en pleine révolution industrielle continue d’exploiter des esclaves au Brésil et aux États-Unis pour répondre à ses besoins en matières premières. Les formes d’exploitation évoluent, mais la déshumanisation persiste.

Une analyse systémique

« Les routes de l’esclavage » ne se contente pas de relater des faits historiques. La série adopte une approche systémique pour comprendre les dynamiques économiques, politiques et sociales qui ont maintenu et perpétué l’esclavage. Les auteurs décrivent l’esclavage comme un commerce essentiel à l’époque, où les esclaves étaient la principale source d’énergie. En examinant les territoires et les circuits commerciaux de la traite, la série offre une vision globale de cette institution et de son impact durable.

Un héritage persistant

En nous éloignant des visions stéréotypées et des idées reçues, « Les routes de l’esclavage » offre une analyse nuancée, dépassant la simple dichotomie victime-bourreau. Comme l’a déclaré Barack Obama en 2015, « l’héritage de l’esclavage a eu un impact durable et fait toujours partie de notre ADN ». La série met en lumière la persistance des inégalités et des discriminations contemporaines, soulignant l’importance de comprendre cette histoire pour combattre les préjugés et la haine.

Un travail pédagogique et nécessaire

Avec la contribution de quarante spécialistes venus des Antilles, d’Afrique, d’Amérique et d’Europe, cette série documentaire permet de mieux appréhender l’esclavage dans sa complexité. En rappelant que l’esclavage n’est pas un phénomène historique marginal mais central dans l’histoire du monde, « Les routes de l’esclavage » contribue à lutter contre l’oubli collectif, l’ignorance et les préjugés. Elle appelle chacun à reconnaître sa part d’héritage dans ce drame universel et à progresser dans le combat contre les inégalités et les discriminations.