— Par Sabrina Solar —
Les territoires ultramarins français, bien que géographiquement éloignés de l’Hexagone, sont au cœur de la tempête climatique. Le dernier rapport du Réseau Action Climat, La France face au changement climatique : les Outre-mer premiers exposés, dresse un constat alarmant : cyclones, montée des eaux, stress hydrique et effondrement de la biodiversité s’abattent déjà sur ces régions avec une intensité croissante. Cette vulnérabilité est aggravée par des inégalités sociales et des fragilités structurelles profondes, plaçant les Outre-mer en première ligne de la crise.
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Une exposition extrême aux dérèglements climatiques
Qu’il s’agisse de cyclones tropicaux plus puissants, d’érosion côtière accélérée ou de sécheresses prolongées, les Outre-mer subissent déjà de plein fouet les effets du réchauffement climatique. Dans un scénario à +2 °C, les cyclones de catégorie 4 et 5 pourraient augmenter de 13 %, faisant d’événements extrêmes comme Irma une norme plutôt qu’une exception. En parallèle, la montée des océans menace directement les zones habitées littorales : à Saint-Pierre-et-Miquelon, une commune a déjà dû être déplacée. Certaines îles du Pacifique, comme Ouvéa ou les Tuamotu, risquent même la submersion totale.
Une biodiversité en péril
Les Outre-mer, qui abritent 80 % de la biodiversité française, sont également frappés par une extinction massive des espèces. En Guadeloupe, 70 % des récifs coralliens sont déjà dégradés. Si le réchauffement atteint +2 °C, 99 % des coraux à l’échelle mondiale pourraient disparaître, emportant avec eux des écosystèmes entiers et mettant en péril les moyens de subsistance de milliers de pêcheurs.
L’eau, ressource vitale menacée
La crise climatique aggrave aussi l’un des problèmes les plus urgents : l’accès à l’eau potable. La vétusté des réseaux engendre des pertes massives — jusqu’à 63 % en Guadeloupe — et les sécheresses rendent l’approvisionnement encore plus incertain. Cette situation, combinée à la pollution des réserves et à l’intrusion d’eau salée, met en danger la santé publique, l’éducation et la dignité même des populations.
Des territoires déjà précaires, encore plus vulnérables
Cette vulnérabilité environnementale s’ajoute à une précarité sociale endémique : plus de 70 % des habitants vivent sous le seuil de pauvreté à Mayotte, 53 % en Guyane. Dans ces conditions, se protéger ou se reconstruire après une catastrophe devient extrêmement difficile. Moins de ressources financières, des logements souvent fragiles et une faible capacité d’adaptation rendent les populations ultramarines particulièrement exposées.
Un soutien de l’État encore largement insuffisant
Alors que les enjeux sont immenses, les moyens mobilisés par l’État restent très en deçà des besoins. Les politiques d’adaptation, trop souvent calquées sur le modèle hexagonal, ne tiennent pas compte des réalités locales. Le rapport plaide pour une approche territorialisée : appui aux collectivités, reconnaissance des savoirs locaux, et implication réelle des habitants dans les décisions.
À l’aube de la COP30, une invisibilité préoccupante
Alors que la prochaine conférence mondiale sur le climat (COP30) se tiendra en novembre au Brésil, voisin de la Guyane, la question de la représentation des Outre-mer dans les négociations internationales reste entière. Ces territoires, pourtant les plus touchés, sont encore absents de la table des décisions. Un paradoxe que le Réseau Action Climat souhaite dénoncer, en insistant sur l’urgence d’inclure les voix ultramarines dans les débats climatiques mondiaux.