« Les îles de Raphaël » d’Alexandra Déglise

Mardi 22 mars à 19h Salle Frantz Fanon

Mise en lecture : Alexandra Déglise
À l’occasion de l’enterrement de leur mère, trois sœurs se déchirent et règlent leurs comptes avec la défunte à qui elles n’ont pas osé parler de son vivant.

Elles tentent, par-delà le temps, de renouer le fil de la lignée de femmes qui les a construites.

Mémoires intimes et mémoires familiales, histoire et roman national, oubli et hommage aux Ancêtres : à travers l’archéologie des « non-dits » qui hantent une famille, Les îles de Raphaël interroge la capacité pour chacun et chacune à écrire un libre récit de soi, à l’intérieur des Grands récits que les morts lèguent aux vivants.

La lecture sera suivie d’un temps d’échange avec les autrices et les auteurs.

*Texte présenté pour la première fois en Amérique du Nord lors du Jamais lu Montréal 20eme édition

Artiste du spectacle vivant Martiniquaise et Franco-Américaine, Alexandra Deglise est la directrice artistique de la compagnie de théâtre DALA CompaNY, qui a pour but de nouer des liens et créer des ponts entre les territoires de la grande Caraïbe et l’Amérique. LES ÎLES DE RAPHAËL est le premier projet de la compagnie, écriture en 2020-2021 en résidence tremplin à Tropiques Atrium, scène nationale.

Origines
1) Quels legs de tes ancêtres et quelles références féminines (mère, grand-mères, tantes, autres référentes féminines) est-ce que tu incorpores/portes ou sens en toi ?
Je sens en moi toute la lignée de femmes puissantes qui m’ont faite. La connexion énergétique est très forte. Pourtant, je n’ai pas énormément de détails car mes arrières grands-mères et grands-mères n’ont pas été très bavardes concernant leurs propres histoires. Ma mère et ma tante ont quand même pu en partager quelques unes. Du peu que j’en sais, elles étaient des femmes fortes et debout. Mon arrière grand-mère paternelle détestait mon grand-père et le terrorisait, et pourtant il était lui même craint de beaucoup. Elle s’est imposée dans son foyer – chez qui mes grands-parents vivaient – jusqu’à sa mort. Pas question qu’elle finisse en hospice. Elle était chez elle et aucun homme ne la ferait dégager ! Laure, ma grand-mère, sa fille, fait partie des premières femmes à avoir passé le permis de conduire en Franche-Comté afin de pouvoir conduire les ambulances pendant la guerre de 39-45. Elle était infirmière pendant la guerre et son travail a été très important. Elle n’a pas voulu se marier jeune et a attendu la fin de la guerre, la trentaine bien avancée, pour choisir et imposer l’homme qu’elle aimait à ses parents (d’où le clash des titans qui suivi entre papy et arrière grand-maman !) Force de la nature, mamy Laure a eu trois enfants entre 40 et 43 ans au début des années 50. Je dis respect ! Une de ses sœurs, qui a vécu en Inde, était dotée de pouvoirs de magnétismes. Ces dons de guérison, j’en ai hérité et je les ai utilisés très jeunes, sans trop savoir ce que c’était. Plus tard j’ai appris à développer mon savoir et mon utilisations des énergies. Je suis, entre autres, praticienne de reiki. J’aime savoir que je suis l’arrière petite fille et petite fille des sorcières qu’ils n’ont pas pu brûler !

Je suis aussi portée et inspirée par de grandes figures du féminisme et de l’anarchisme telles que Louise Michelle et Emma Goldman au début du xx siècle. Plus près de nous, par les activistes comme Rosa Parks, ou Nina Simone. Je suis aussi très admirative d’auteures de théâtre noires américaines engagées comme Suzan Lori Parks et Lynn Nottage, ou, pour la télé et le cinéma, Shonda Rhimes et Ava DuVernay.

2) De quelle manière ce/ces legs de tes ancêtres et ces références féminines se manifestent-ils/elles dans ta forme d´expression artistique?
Ma forme d’expression artistique est fortement centrée sur la femme, sur le féminin, sur la force, la beauté, la laideur, la complexité, la faiblesse, le paradoxe, l’injustice et le pouvoir du féminin. Mon art est incontestablement féministe. La pièce que j’ai écrite et que je vais mettre en scène cette année, Les Îles de Raphaël traite d’une famille matriarcale antillaise et fait la lumière sur des femmes aux caractères bien différents qui se débattent toutes pour exister, pour avoir une voix, pour trouver du sens et être vues et reconnues.

https://matrimoine.art/artist/alexandra-deglise/interview/10/