« Les Femmes de la maison », écriture et m.e.s. de Pauline Sales

— Pazr Michèle Bigot —

Incontestablement Pauline Salles est la fabuliste d’aujourd’hui, du moins en France, elle n’en est pas à son coup d’essai. Régulièrement présente au off d’Avignon (Normalito en 2011, J’ai bien fait? en 2017 avec son complice Vincent Garanger de la Cie A L’envi ( dans le rôle de monsieur Joris, le seul représentant masculin de l’histoire). Cette fois elle s’empare du mouvement féministe pour en écrire une histoire parodique. L’histoire se déroule sur trois époques de 50 à nos jours, autour d’une seule et unique maison, lieu central de l’intrigue. C’est la Cerisaie d’aujourd’hui, réécrite sur le mode satirique. Au centre, un homme, monsieur Joris, sorte de mécène qui met sa maison à la disposition des femmes artistes, assurant insensiblement son emprise sur elles. Sa seule exigence est qu’on respecte quelques règles de bonne intelligence, laisser une œuvre en fin de séjour et accepter la présence d’une femme de ménage. Mais il reste le maître, le propriétaire et le mécène. Sa domination ne peut être fondamentalement entamée. Les femmes artistes vont s’y succéder, plasticiennes la plupart du temps, (l’histoire s’inspire de Womanhouse, exposition de femmes en Californie de 1972) sauf dans le dernier tableau où la maison devient une résidence d’écriture. quiqu’il en soit, les femmes artistes restent sous tutelle.

Entre satire et manifeste, naviguant entre premier et second degré (on ne sait jamais très bien où se situe l’auteur, comme si elle voulait éviter tout reproche d’engagement ouvert) l’histoire nous conte les tentatives courageuses ou pathétiques pour affirmer le féminin dans les arts plastiques ou en littérature. Mais il se révélé que ces tentatives ressemblent à un enfermement, ce que souligne la métaphore de la maison. Le style hésite entre Tchékhov et le théâtre de boulevard, ça évoque irrésistiblement la comédie de mœurs à la Jasmina Reza dans son étude des rapports entre l’art et l’ordre social. La scénographie s’écrit dans l’enceinte formée par les murs de la maison où se retrouvent et s’affrontent les personnages. Du fait de la charge satirique, les acteurs sont amenés à surjouer. C’est parfois drôle mais dans l’ensemble plutôt lourd. Assurément les mouvements féministes n’ont pas fait dans la dentelle et ils ont souvent prêter le flanc à la critique, plus ou moins honnête. Même si on admet que le rôle de la comédie de mœurs est de de forcer le trait, ça devient parfois assez lourd. C’est surtout gênant quand l’auteur ne sait plus de quel côté se situer et attaque sur tous les fronts, passant de la pointe humoristique au discours idéologique pesant, essayant de plaire à tout le monde. Certains aimeront cette incertitude de position. Comme on voudra, mais il reste que ce genre de spectacle souffre de s’embourber dans du discours. Il n’a ni la légèreté de la comédie, ni la profondeur du drame. Il manque son but parce qu’il ne nous touche pas ni ne nous apprend rien.

Michèle Bigot

Le 11 Avignon, Festival d’Avignon OFF 2023

AVEC Olivia Chatain, Anne Cressent, Vincent Garanger, Hélène Viviès
SCÉNOGRAPHIE Damien Caille-Perret
LUMIÈRE Laurent Schneegans
SON Fred Bühl
COSTUMES Nathalie Matriciani
COIFFURE, MAQUILLAGE Cécile Kretschmar
Le texte est publié aux éditions Les Solitaires Intempestifs.