Les Antilles présentes au monde

Il est diverses façons de sortir de ses frontières, et de se rendre visible aux yeux des autres. La création artistique en est une, la création de produits de qualité à exporter en est une autre. Aussi sera-t-il ici question, en ce début d’été 2021 qui nous promet la tombée des masques, de cinéma, d’exposition picturale, et… de rhum !

Au Festival Cinéma de Cannes : Freda, de Gessica Généus, avec Néhémie Bastien, Fabiola Remy, Djanaïna François.

Venu de l’île d’Haïti, Freda, le long-métrage de Gessica Généus fait partie de la sélection officielle du 74e Festival de Cannes, dans la catégorie Un certain regard, une section qui met l’accent sur des œuvres différentes, originales dans leur propos et dans leur esthétique. 

Ainsi que le dit la réalisatrice, cette sélection en 2021 est pour le pays un véritable évènement  : « Cela fait 23 ans qu’il n’y a pas eu de longs métrages haïtiens à Cannes. Depuis “L’homme sur le quai” de Raoul Peck, “Freda” est le deuxième long-métrage haïtien qui va à Cannes. C’est la première fois que l’on a la chance d’avoir un film haïtien à ce niveau international, filmé entièrement en Haïti, et entièrement en créole : Raoul Peck, à cause de la dictature et tout ce qui se passait en Haïti, n’avait pas pu tourner en Haïti, il avait dû le faire en République dominicaine. »

Qui est Gessica Généus? 

Elle débute sa carrière de comédienne à dix-sept ans avec le long métrage, « Barikad » de Richard Sénécal¹. Elle  collabore ensuite avec de nombreux réalisateurs haïtiens et internationaux. Plus récemment, elle a joué dans le téléfilm consacré à Toussaint Louverture, réalisé par Philippe Niang². En 2010, après le séisme, elle cherche à s’impliquer dans la reconstruction de son pays, et travaille pour les Nations Unies. En 2011, elle décroche une bourse d’études à l’Acting International de Paris. De retour en Haïti, elle crée sa société de production, Ayizian Productions, afin de développer ses propres réalisations. En 2014, elle réalise « Vizaj Nou », une série de films-documentaires d’une quinzaine de minutes, qui dressent le portrait des grandes figures de la société haïtienne contemporaine – Anthony Pascal dit Konpè Filo, Viviane Gauthier, Odette Roy Fombrun et Frankétienne).

En 2017, elle obtient de nombreux prix avec “Douvan Jou Ka Levé” (en français, “Le jour se lèvera”), par lequel « elle pose un regard historique et politique sur son histoire afin de rompre avec les croyances transmises de génération en génération. À travers cette quête intime troublante, elle déplie avec finesse les conséquences douloureuses des années de colonisation sur l’identité du peuple haïtien. » Ce film, nous avons pu le voir à Fort-de-France en 2018, lors des Rencontres Cinéma Martinique, où il a remporté le Prix du jury Documentaire Canal+ Antilles-Guyane. À cette occasion, elle déclarait : « Je suis née dans un quartier pauvre. Aujourd’hui, j’ai trente et un ans, je suis comédienne et réalisatrice. En m’appuyant sur mon cheminement personnel, marqué par la maladie mentale de ma mère – maladie qui selon elle est une malédiction du monde invisible – et ma propre quête d’identité, je veux proposer un nouveau regard sur mon île natale et ses habitants. »

Bref synopsis du film

Freda habite avec sa mère, sa soeur et son petit frère dans un quartier populaire d’Haïti. Ils survivent avec leur petite boutique de rue. Face à la précarité et la violence de leur quotidien, chacun cherche une façon de fuir cette situation. Quitte à renoncer à son propre bonheur, Freda décide de croire en l’avenir de son pays.

Le film vu par sa réalisatrice

Freda est une fiction. Mais le scénario est bien ancré dans la réalité. « C’est une histoire qui est très connectée à ce que vivent pas mal de jeunes femmes en Haïti. Je dis jeunes femmes parce que le film est centré autour d’une famille matriarcale, la mère et ses trois enfants, deux filles et un garçon. Mais en fait je parle des jeunes de ce pays, qui ont le sentiment de ne jamais être clairs sur ce qu’il faut faire : partir ou rester ? Se battre ou abandonner ? Comment se battre ? ». Freda répondrait à un double enjeu, d’une part éclairer une réalité haïtienne en montrant le destin des femmes dans les quartiers populaires, d’autre part écrire une sorte d’« autobiographie fictionnée ». Des mots pour parler du film ?  Pauvreté, insécurité, précarité, choix de vie, ascension sociale, dépassem ent de traumatismes, regrets, culpabilité… entre autres ! 

Le dessein de la réalisatrice

Si être en lice dans cette catégorie est un bonheur, si la présence de Gessica Généus sur la Croisette réjouit déjà tout un pays, qui le fait bien savoir sur les réseaux sociaux, la réalisatrice envisage autrement encore le destin de son film : « J’ai hâte de venir faire la première en Haïti parce que Freda c’est aussi et avant tout pour Haïti. Les autres, on en a besoin pour continuer à exister et à faire des films, mais Freda c’est principalement pour nous. Pour que nous puissions nous regarder. Pour que nous puissions voir comment aller vers cet avenir qui est si dur, si obscur. »

Au Carrousel du Louvre, au  salon international d’art contemporain “Art Shopping”

Grâce à des œuvres originales, l’artiste numérique martiniquaise Linou veut dévoiler au cours de ce salon, qui se tient du 18 au 20 juin, « le sens caché des choses ».  S’appuyant sur la réalité augmentée et la vidéo, elle donne à vivre une expérience unique, qui transporte les spectateurs dans un ailleurs rassurant, apaisant et dynamisant. Durant le salon Art Shopping, elle présente sa dernière collection : « INSIDE »… Nous vivons dans deux mondes, le monde réel qui nous entoure, et… celui qu’on ne voit pas, qu’on suppose, qu’on imagine. Linou nous invite à en prendre conscience : « Le voile séparant les deux est invisible ; nous sommes donc tous libres d’y aller à chaque instant… Je ressens un vrai décalage avec ce monde dans lequel nous vivons, où il faut faire et paraître. Rien n’arrive au hasard et ne se passe sans qu’il n’y ait un sens caché. Tout a une raison d’être et d’exister. Je suis persuadée qu’il existe autre chose, un ailleurs…. Pas quelque chose de géographique, mais plutôt de symbolique ». Repoussant les barrières de la langue, Linou communique au travers des formes, des couleurs et des rythmes. Par son travail d’œuvres murales de grand format, elle nous transporte aux frontières d’un autre espace. Comme une invitation à faire l’expérience de ce monde de l’ailleurs, aujourd’hui invisible à nos yeux.

Et dans les verres… et à l’Élysée, le Rhum Clément !

Le Rhum Clément VSOP figure parmi la sélection des 126 produits ambassadeurs du “fabriqué en France” lors de la Grande Exposition qui se tiendra les 3 et 4 juillet prochains à l’Élysée. Initiée par le Président Emmanuel Macron en janvier 2020, cette manifestation met à l’honneur les produits « Fabriqués en France ». Elle vise à réaffirmer l’attachement du pays aux entreprises de son territoire et à valoriser le patrimoine, l’innovation et la maîtrise du savoir-faire de chacun des départements et territoires français.

C’est dans ce contexte prestigieux que la marque martiniquaise Rhum Clément fera son entrée à l’Élysée. Son très vieux Rhum Clément VSOP, AOC Martinique, a été sélectionné par un jury d’experts afin de représenter le département de la Martinique en tant que “produit ambassadeur”. 

« Fruit d’un véritable savoir-faire en matière de vieillissement, le très vieux Rhum Clément VSOP est vieilli un minimum de quatre années en fûts de chêne, avant d’être mis en bouteille sur site à l’Habitation Clément », précisent les responsables de la distillerie.

Basée sur la commune du François en Martinique, l’Habitation Clément est aujourd’hui le premier site de “spiritourisme” de France. Pas moins de 200 000 visiteurs y affluent chaque année. « Rhum Clément contribue ainsi à mettre en avant le patrimoine culturel et historique de la Martinique… un rhum agricole AOC plébiscité par de plus en plus de consommateurs : une véritable vitrine pour la destination Martinique. »

Sources pour Art Shopping et Rhum Clément : France Antilles du 18 juin 2021

J.B. à Fort-de-France, le 18 juin 2021


  1. Le regard des Haïtiens sur Richard Sénécal et  “Barikad” ( 2001) : L’une des fictions les plus populaires de ces dernières années, qui mêle sentiments amoureux et préjugés de classe… « Les barrières les plus infranchissables ne sont pas celles que l’on place sur notre chemin mais bien celles que nous nous imposons par nos préjugés, notre intolérance, notre mépris de l’autre, le peu ou le trop d’estime de nous-mêmes. » 
  2. “Toussaint Louverture » est une mini-série française historique en deux épisodes de 90 minutes, réalisée par Philippe Niang et mettant en vedette Jimmy Jean-Louis dans le rôle-titre. Basé sur la vie de Toussaint Louverture – homme noir né esclave en Haïti, devenu général de l’armée française puis gouverneur de Saint-Domingue –, ce programme a été diffusé pour la première fois à la télévision du 14 au 15 février 2012 sur France 2. (Wikipedia)