L’éphéméride du 7 juin

Première abolition de l’esclavage par Victor Hugues en Guadeloupe le 7 juin 1794

Le 7 juin 1892 Homer Plessy monte dans une voiture réservée aux Blancs. Cela conduira à la décision Plessy vs. Ferguson. qui rendra légale la ségrégation aux USA

1761-1826 . Personnage énigmatique, le commissaire civil délégué par la Convention aux Isles-du-Vent a épousé tous les méandres de son époque. À la Guadeloupe, il usa de l’émancipation des esclaves noirs comme d’une arme dans la guerre contre l’Angleterre, ralliant à son armée les nouveaux libres acquis à la cause républicaine, faisant tomber les têtes des colons blancs royalistes. Le même, huit ans plus tard, fit appliquer avec zèle, à la Guyane, le décret de Bonaparte rétablissant l’esclavage.

«Cette nuit j’ai vu se dresser à nouveau la Machine. C’était, à la proue, comme une porte ouverte sur le ciel. » Sur le pont du navire qui transporte le commissaire civil délégué par la Convention aux Isles-du-Vent, une guillotine se dresse, redoutable instrument enfanté par la terreur et la vertu. La lugubre vision ouvre le Siècle des Lumières, le roman que le Cubain Alejo Carpentier consacra à l’équivoque personnage de Victor Hugues.

Investi de pouvoirs illimités par le Comité de salut public, le révolutionnaire débarque au Gosier, en Guadeloupe, à la fin du printemps 1794. Il apporte le décret du 16 pluviôse qui « abolit l’esclavage des Nègres dans les colonies ». Adopté par la Convention nationale après que Léger-Félicité Sonthonax et Étienne Polverel eurent proclamé l’émancipation des esclaves de Saint-Domingue, le texte dispose que « tous les hommes, sans distinction de couleur, domiciliés dans les colonies, sont citoyens français, et jouiront de tous les droits assurés par la Constitution ». Victor Hugues est chargé de faire appliquer la nouvelle législation dans les colonies françaises de la Caraïbe.

Ce fils d’un boulanger marseillais, qui s’est embarqué dès l’âge de treize ans comme mousse à destination des Amériques, est un personnage énigmatique. Tour à tour flibustier, commerçant, imprimeur, il séjourne pendant près de dix ans à Saint-Domingue, où il fréquente une loge maçonnique et s’imprègne des idéaux des Lumières. À la veille de l’insurrection des esclaves dirigée par Toussaint Louverture, Victor Hugues, pourtant philanthrope et humaniste, se méfie des revendications égalitaires des libres de couleur. Chez lui, comme chez la plupart des révolutionnaires, un incommensurable abîme sépare encore le réel de l’idéal. Fuyant les troubles qui agitent la Grande Île, il revient en France au début de 1790. À Paris, il se mêle aux sans-culottes, affûte ses talents de polémiste, rejoint le club des Jacobins. Un rôle d’accusateur public au tribunal révolutionnaire de Rochefort, puis de Brest, forgera sa réputation de procureur impitoyable.

Lorsqu’il revient dans la Caraïbe, en juin 1794, son mandat tient en quelques mots : « Établir solidement les principes de la Révolution dans les Isles-du-Vent, y défendre la République contre toute agression étrangère (…), punir exemplairement les contre-révolutionnaires. » Dans ces îles d’Amérique se joue alors l’un des actes de la guerre opposant la jeune République à la coalition des monarchies d’Europe. Le 23 mars, malgré la résistance des troupes de Rochambeau, la Martinique est tombée aux mains des Anglais avec l’appui des colons blancs royalistes, opposés à cette abolition au nom de laquelle ont éclaté maintes insurrections. La Guadeloupe, elle aussi, est occupée.

La reconquête de cette dernière est impensable sans l’appui des esclaves noirs, majoritaires dans l’île. Habile tacticien, Victor Hugues usera de leur émancipation comme d’une arme. « Libérer les Noirs, c’était créer une armée pour combattre les maîtres d’esclaves, alliés des Anglais », résume l’historien martiniquais Armand Nicolas. Dès le 7 juin, le commissaire proclame l’abolition et recrute une armée de Noirs et de Mulâtres qui repousse la flotte anglaise et reprend possession de la Grande-Terre. Le 6 octobre 1794, les Anglais capitulent à Basse-Terre. Victor Hugues se retourne dès lors contre leurs complices. Le Tribunal révolutionnaire qu’il installe fait fonctionner la Machine à plein régime. Les têtes des planteurs royalistes tombent. Ceux qui échappent à la guillotine prennent la fuite. En 1790, l’île compte 9 371 Blancs. Cinq ans plus tard, ils ne sont plus que 1 092, dont 255 hommes.

Mais le camp « contre-révolutionnaire » s’étend à mesure que s’affirme l’intransigeance de l’Investi de pouvoirs. De nouveaux affranchis hostiles au système de travail « forcé » institué par les autorités révolutionnaires sur les habitations abandonnées par les maîtres seront, eux aussi, conduits à l’échafaud. Il reste qu’au coeur même de la Terreur, le nouveau régime, avec toutes ses contradictions, fait souffler sur la colonie un vent de liberté.

La Guadeloupe reconquise par la République, Victor Hugues en fait une base arrière de ses offensives contre les Anglais. Il noue des alliances avec les Indiens Caraïbes de Saint-Vincent, regagne Sainte-Lucie, lance des

corsaires à l’assaut des navires de la rivale impériale, s’accommode de la revente des esclaves pris aux Anglais. Si les multiples tentatives pour reprendre possession de la Martinique n’ont pas réussi, cette « guerre de course » terrorise l’ennemi et assure à la Guadeloupe des rentrées financières appréciées de Paris.

Louant le « caractère empli d’énergie et d’audace » de cet homme « d’apparence médiocre, de manières vulgaires, de mauvaise éducation », l’aventurier Alexandre Moreau de Jonnès rapporte que Victor Hugues « lutta contre ses ennemis avec un bonheur dont aucun autre, avant et après lui, n’a pu donner l’exemple ».

À la Guadeloupe, il se fait gestionnaire sourcilleux, inflexible gardien de la séparation des pouvoirs, pourfendeur des croyances religieuses. Ce fin politique, mû par l’obsession de l’ordre, régentera l’île durant quatre ans.

Dans ce nouveau monde lointain, où l’écho des bouleversements qui se nouent à Paris parvient à contretemps, le coup d’État du 9 thermidor ne signe pas la chute du « Robespierre des îles ». Ses détracteurs invoqueront sa duplicité, plutôt que la distance, pour expliquer son exceptionnelle longévité. L’homme, il est vrai, sait louvoyer, contourner les tempêtes, épouser jusqu’à se dédire les méandres de son époque. En décembre 1798, le Directoire le rappelle à Paris. Un an plus tard, le Consulat le dépêche en Guyane, où il institue un régime de travail forcé, prélude au rétablissement de l’esclavage. Victor Hugues, commissaire, puis proconsul de la colonie, fera exécuter le décret du 30 floréal an X rendant les anciens esclaves à leurs chaînes avec autant de zèle qu’il fit appliquer en Guadeloupe le décret d’abolition de la Convention. « Si rétablir l’esclavage est une nécessité politique, je dois m’incliner devant elle », lui fait dire Alejo Carpentier.

Victor Hugues fait ensuite appliquer à la lettre le Code civil, qui interdit strictement les mariages entre Noirs et Blancs, n’admet l’adoption qu’entre personnes de même couleur, frappe de nullité les donations d’un Blanc à un Noir. On dit le proconsul autoritaire, orageux, tyrannique. L’impôt qu’il instaure, surtout, cristallise le mécontentement à son endroit.

Déporté au bagne de Cayenne après le coup d’État de fructidor, le journaliste et chansonnier monarchiste Louis-Ange Pitou brosse de lui un portrait aussi féroce qu’admiratif : « Son caractère est un mélange incompréhensible de bien et de mal ; il est brave et menteur à l’excès, cruel et sensible, politique, inconséquent et indiscret, téméraire et pusillanime, despote et rampant, ambitieux et fourbe, parfois loyal et simple ; son coeur ne mûrit aucune affection ; il porte tout à l’excès : quoique les impressions passent dans son âme avec la rapidité de la foudre, elles y laissent toutes une empreinte marquée et terrible ; il reconnaît le mérite lors même qu’il l’opprime : il dévore un esprit faible ; il respecte, il craint un adversaire dangereux dont il triomphe. (…) Le crime et la vertu ne lui répugnent pas plus à employer l’un que l’autre, quoiqu’il en sache bien faire la différence. (…) Il est administrateur sévère, juge équitable et éclairé quand il n’écoute que sa conscience et ses lumières. C’est un excellent homme dans les crises difficiles où il n’y a rien à ménager. »

Après la conquête de la Guyane par les Portugais, en 1809, Victor Hugues est accusé de trahison, puis acquitté. Il est rétabli dans ses fonctions en 1817. Il s’éteint en 1826, après avoir traversé tous les régimes. Arrivé au Nouveau Monde avec la liberté, il aura emprunté sans états d’âme les chemins tortueux qui menèrent à la restauration de l’ancienne servitude.

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 Le 7 juin 1892 Homer Plessy monte dans une voiture réservée aux Blancs. Cela conduira à la décision Plessy vs. Ferguson. qui rendra légale la ségrégation aux USA

Plessy vs. Ferguson (Plessy contre Ferguson) est un arrêt de la Cour suprême des États-Unis, (arrêt N° 163 U.S. 537) rendu le 18 mai 1896. Il est parfois cité simplement comme Plessy.

Il autorise les États qui le souhaitent à imposer par la loi des mesures de ségrégation raciale, pourvu que les conditions offertes aux divers groupes « raciaux » par cette ségrégation soient égales. La doctrine qui découle de l’arrêt est appelée « separate but equal » (séparés mais égaux).

Elle impose pour longtemps (jusqu’aux années 1950 et 1960) une interprétation très restrictive du XIVe amendement à la constitution, censé garantir à chacun l’égale protection de la loi. Pendant cette période, l’égalité imposée par l’amendement et par Plessy v. Ferguson restera très théorique.
L’affaire
En 1890, l’État de Louisiane promulgue une loi (Separate Car Act) imposant que les compagnies de chemin de fer transportant des passagers en Louisiane, soit affectent différentes voitures aux personnes de différentes races, soit installent dans les voitures une séparation adéquate entre compartiments affectés aux deux races. La race blanche s’entend alors, en Louisiane, comme l’absence d’ancêtre noir, tout métissage reléguant au statut de colored. Les passagers doivent utiliser les voitures et compartiments qui leur sont réservés, sous peine d’une amende de vingt-cinq dollars ou de vingt jours de prison. Les employés des compagnies doivent s’en assurer ou encourent les mêmes peines. En 1877, l’arrêt Hall v. De Cuir avait jugé une loi similaire inconstitutionnelle, non sur la base du XIVe amendement, mais sur celle de l’article I, de la constitution, section 8 et de sa clause sur le commerce inter État : sa règlementation est une prérogative du Congrès, les États ne peuvent y faire obstacle1. Conformément à ce précédent, les tribunaux de Louisiane déclarent le Separate Car Act inconstitutionnel. Ironiquement, c’est le juge John Howard Ferguson, le même qui est cité dans Plessy v. Ferguson, qui prononce ce jugement. Cependant, la règle ne s’applique qu’aux transports entre plusieurs États, la question de sa validité lorsque le voyage se déroule entièrement en Louisiane n’est pas tranchée, que ce soit par la Cour suprême ou par les tribunaux louisianais : les tribunaux américains se cantonnent traditionnellement aux seules questions légales nécessaires pour décider de l’affaire qui leur est présentée.

Afin d’obtenir l’invalidation de la loi pour les transports à l’intérieur de l’État, et plus largement de mettre en cause la ségrégation dans son ensemble sur le plan constitutionnel, Homer Plessy accepte d’enfreindre la loi, pour porter la question devant les tribunaux. Plessy est « d’ascendance mêlée, pour sept huitième blanc, et pour un huitième de sang africain, et la présence de « sang d’homme de couleur » n’est pas discernable en lui ». Pour la loi de Louisiane, c’est un Noir. Le 7 juin 1892, il s’installe dans une voiture réservée aux Blancs, alors qu’on a veillé à ce que la compagnie de chemins de fer connaisse sa qualité de métis. Il refuse d’obéir au contrôleur qui lui demande de se déplacer. Il est expulsé du train et arrêté.

Le cheminement légal de l’affaire est complexe. Plessy est poursuivi devant la cour de district de la Nouvelle Orléans, qui relève du pouvoir judiciaire de la Louisiane, et non de celui des États-Unis. Le juge John Howard Ferguson préside à l’affaire. La défense de Plessy s’appuie sur son apparence d’homme blanc et affirme que la décision de l’État de Louisiane de le traiter comme un Noir le prive de ses droits, en l’espèce sa « réputation d’homme blanc », privation de propriété qui est une violation de la clause de due process du XIVe amendement. Plessy refuse d’ailleurs de répondre, devant le tribunal, à la question de sa race. À ce stade de la procédure, ce n’est pas la ségrégation en totalité qui est contestée. Les adversaires de la ségrégation, qui sont derrière la défense de Plessy, peuvent espérer une victoire totale, avec l’invalidation par les tribunaux de la ségrégation, mais le choix de Plessy comme « victime » laisse aussi la porte ouverte à une demi-victoire, d’un coup sérieux portée à la ségrégation en rendant la situation des métis si confuse que la loi serait difficile à appliquer. Alors que l’affaire est en cours devant le juge Ferguson, Plessy demande à la Cour suprême de Louisiane un « ordre de prohibition » (writ of prohibition) enjoignant au juge Ferguson de cesser les poursuites contre lui, au vu de l’inconstitutionnalité de la loi sur laquelle elles s’appuient. Le nom de Ferguson comme partie à l’affaire est donc tout à fait technique et sans importance réelle. L’affaire au fond est Louisiane contre Plessy. La Cour suprême de Louisiane, en accord avec le juge Ferguson, rejette la demande, et affirme la constitutionnalité du Separate Car Act quand il s’applique à des transports qui ne franchissent pas les frontières de l’État. Plessy en appelle à la Cour suprême des États-Unis.

La défense de Plessy présente deux mémoires juridiques devant la Cour suprême. Le premier est signé par Albion W. Tourgée et James C. Walker et le second par Samuel F. Phillips et F.D. McKenney. Les plaidoiries, menées successivement par Tourgée et Phillips, ont lieu le 13 avril 1896.

L’arrêt
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