L’éphéméride du 4 février

Première abolition de l’esclavage dans les colonies françaises le 4 février 1794 (16 pluviôse an II)

Le décret d’abolition de l’esclavage dans les colonies françaises du 4 février 1794 (16 pluviôse an II) est une décision émise par la Convention nationale et votée à Paris le 16 pluviôse an II, 4 février 1794. Le décret décide l’abolition de l’esclavage des Nègres dans toutes les Colonies. Il suit et confirme l’initiative des commissaires civils de Saint Domingue Sonthonax et Polverel et prend valeur de loi générale. Le texte ne prévoit d’indemnisation pour aucune des catégories sociales. Inégalement appliqué, il a été abrogé par la loi du 20 mai 1802.

Lire sur Madinin’Art à propos des abolitions

Proclamation du décret

L’article Abolition de l’esclavage traite des processus d’abolition de l’esclavage dans l’histoire de l’humanité. Une très large section aborde le contexte de l’abolition du (16 pluviôse an II) dans les colonies du royaume de France et de la Première République.

L’abolition du (16 pluviôse an II) dans les colonies de la République française est précédée par le décret du 16 octobre 1791 promulgué par l’Assemblée constituante de 1789-1791, portant que tout homme est libre en France, et que, quelle que soit sa couleur, il y jouit de tous les droits de citoyen, s’il a les qualités prescrites par la constitution1. L’article premier « Tout individu est libre aussitôt qu’il est entré en France » confirme le texte des Institutes coutumieres de Loysel, Livre premier, Titre I, Article VI, des personnes2 ː « Toutes Perſonnes ſont franches en ce Roiaume : & ſitoſt qu’un eſclave a atteint les Marches d’icelui, ſe faiſant baptizer, eſt affranchi » — sans la clause du baptême. L’article deuxième met hors la loi, dans la métropole, la hiérarchie anthropologique du préjugé de couleur et l’inégalité politique en vigueur dans les colonies en précisant ː « Tout homme de quelque couleur qu’il soit jouit en France de tous les droits de citoyen s’il a les qualités prescrites par la constitution pour les exercer« . Ce décret du 16 octobre 1791 annule de facto les dispositions de Déclaration pour la police des noirs, Versailles, 9 août 1777 sans abolir l’esclavage, les inégalités politiques et sociales dans les colonies.

Texte du décret à la convention

Décret du (16 pluviôse an II)

Décret no 2262 de la Convention nationale, du 16 pluviôse an II de la République française, une et indivisible qui abolit l’esclavage des Nègres dans les colonies
La Convention nationale déclare que l’esclavage des Nègres, dans toutes les Colonies, est aboli ; en conséquence elle décrète que tous les hommes, sans distinction de couleur, domiciliés dans les colonies, sont citoyens Français, et jouiront de tous les droits assurés par la constitution. – Elle renvoie au comité de salut public, pour lui faire incessamment un rapport sur les mesures à prendre pour assurer l’exécution du présent décret.

Décret du (17 pluviôse an II)

Le lendemain 17 pluviôse an II, soit le , la Convention nationale prend un deuxième décret qui charge le comité de salut public de préparer la rédaction de celui qui supprime l’esclavage des nègres :

Décret qui charge le comité de salut public, pour faire incessamment un rapport sur les mesures à prendre pour assurer l’exécution du présent décret.
La Convention nationale décrète que le comité de salut public présentera une rédaction définitive, en même temps que le mode d’exécution du principe décrété concernant les citoyens de couleur habitant les Colonies françaises.

Au texte de la Convention nationale, pour donner les manuscrits et imprimés que nous connaissons, sont ajoutés les mentions légales :

« Visé par les inspecteurs. Signé Auger, Cordier et S. E. Monnel. – Collationné à l’original, par nous président et secrétaires de la Convention nationale. À Paris, le 22 Germinal, an second de la République Française, une et indivisible. Signé Amar, président ; A. M. Baudot, Monnot, Ch. Pottier et Peyssard, secrétaires.

Au nom de la République, le Conseil exécutif provisoire mande et ordonne à tous les Corps administratifs et Tribunaux, que la présente loi ils fassent consigner dans leurs registres, lire, publier et afficher, et exécuter dans leurs départemen[t]s et ressorts respectifs ; en foi de quoi nous y avons apposé notre signature et le sceau de la République. À Paris, le vingt-deuxième jour de Germinal, an second de la République Française, une & indivisible. Signé Buchot, président par intérim. Contresigné Gohier. Et scellée du sceau de la République. »

Le 12 germinal an II, un nouveau décret, identique dans sa forme à celui du 16 pluviôse, est rendu :

« La Convention nationale déclare que l’esclavage des nègres, dans toutes les colonies, est aboli. En conséquence, elle décrète que tous les hommes, sans distinction de couleur, domiciliés dans les colonies, sont citoyens français, et jouiront de tous les droits assurés par la constitution. »

(Collection générale des décrets rendus par l’Assemblée nationale, t. 48, Paris, Baudouin, 1794, p. 101).

Dix jours plus tard, un membre de la Convention demande la révision du procès-verbal du décret du seize pluviôse, sans penser à faire changer le décret du dix-sept qui restera tel quel :

« Un membre, au nom des comités des décrets et de salut public, observe que la minute du décret du 16 pluviôse sur les colonies, diffère du procès-verbal de la séance du même jour, en ce que celui-ci renvoie au comité de salut public la rédaction du décret, et que l’intention de la Convention n’a été de renvoyer au comité que la rédaction de l’instruction à joindre au décret : en conséquence, sur sa demande, la Convention décrète que ces mots, renvoie la rédaction du présent décret et ainsi que, seront effacés du procès-verbal. »

(Collection générale des décrets rendus par l’Assemblée nationale, t. 48, Paris, Baudouin, 1794, p. 157).

Le 22 germinal an II, le texte du décret devient donc définitif. Il aura fallu plus de deux mois pour que l’abolition de l’esclavage devienne une réalité juridique. Ce délai sera sensiblement identique (un peu moins de deux mois) pour le décret d’abolition de l’esclavage du 27 avril 1848 sous la IIe République.

Territoires d’application

Le décret d’abolition de l’esclavage de 1794 s’applique exclusivement aux nègres et aux colonies comme précisé dans son titre. La métropole est de fait exclue du territoire d’application du décret3. Or, avant 1789, des lois ont tenté de rendre l’esclavage légal en France même. Le décret abolit-il ces lois, abolit-il l’ordonnance de mars 1685 sur les esclaves des îles de l’Amérique ? Plusieurs conceptions de l’esclavage et de l’esclave coexistent dans le débat révolutionnaire : comment le domaine européen de la République est-il dès lors affecté par le décret ? Marie Gouze, dite Olympe de Gouges compare le statut des esclaves et la condition des femmes pour lesquelles elle rédige Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne. Son engagement et ses écrits pour les deux causes en fera une victime de l’échafaud le , trois mois avant la proclamation du 16 pluviôse an II4.

Jean-Paul Marat dans Les Chaînes de l’esclavage nous fait un récit de l’esclavage comme une forme de subjugation sur un groupe de personnes, un peuple, une nation. Cette force s’exerce en dehors de la propriété de la personne par le souverain, le tyran. Avec cette théorie, les nouveaux citoyens ne tombent-ils pas dans l’esclavage commun à la métropole et aux colonies ?

Louis de Jaucourt, auteur des articles « esclave » et « Esclavage de l’Encyclopédie Diderot & d’Alembert définie celle-ci comme une institution légalement mise en place par le souverain, qui fait d’un humain la propriété d’un autre comme bien personnel dont il est loisible d’user et d’abuser. Cette institution trouve son plein épanouissement dans les colonies européennes.

« 1º) « Esclave » est celui qui est privé de la liberté, & qui est sous la puissance d’un maître.
2º) Esclavage est l’établissement d’un droit fondé sur la force, lequel droit rend un homme tellement propre à un autre homme, qu’il est le maître absolu de sa vie, de ses biens, & de sa liberté. »

— Louis de Jaucourt

Dans les colonies de l’Amérique, le décret d’abolition de l’esclavage de 1794 est appliqué à la Guadeloupe à la Guyane mais pas à la Martinique ni à Tobago alors occupées par les Britanniques. Il rencontre une vive opposition aux Mascareignes, à La Réunion et l’Île-de-France de la part des tenants de l’esclavage et/ou de l’administration locale6.

Portée juridique

En 1794, un décret est un texte émanant du Corps législatif

Après l’Assemblée constituante, (1789-1791) et à partir de la naissance de l’Assemblée nationale législative le , le terme juridique décret prend le sens nouveau de texte émanant du Corps législatif7. Selon le cas, les décrets peuvent avoir force de loi ou avoir besoin d’une « sanction royale ».

Proclamation dans les colonies

Guadeloupe

Saint-Domingue, colonie de la France

À Saint-Domingue, l’abolition rendue effective le 29 août 1793 par la proclamation de Léger-Félicité Sonthonax, commissaire civil de la République, délégué aux Îles Françaises de l’Amérique sous le vent, pour y rétablir l’ordre & la tranquillité publique, avait précédé l’abolition générale de l’esclavage du 4 février 1794, décidée à Paris. On peut y lire :

« Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit : Voilà, citoyens, l’évangile de la France ; il est plus que temps qu’il soit proclamé dans tous les départemens de la République. Envoyés par la Nation, en qualité de Commissaires civils à Saint-Domingue, notre mission était d’y faire exécuter la loi du 4 avril, de la faire régner dans toute sa force, & d’y préparer graduellement, sans déchirement et sans secousse, l’affranchissement général des esclaves. (…). Dans ces circonstances, le commissaire civil délibérant sur la pétition individuelle, signée en assemblée de commune. Exerçant les pouvoirs qui lui ont été délégués par l’art. III du décret rendu par la convention nationale le 5 mars dernier ; A ordonné & ordonne ce qui suit pour être exécuté dans la province du Nord.
Article premier.
La déclaration des droits de l’homme & du citoyen sera imprimée, publiée & affichée partout où besoin sera, à la diligence des municipalités, dans les villes & bourgs, & des commandants militaires dans les camps et postes.
Article II.
Tous les nègres & sang-mêlés, actuellement dans l’esclavage, sont déclarés libres pour jouir de tous les droits attachés à la qualité de citoyens français ; ils seront cependant assujettis à un régime dont les dispositions sont contenues dans les articles suivants. »

— Digithèque Jean-Pierre Maury8.

Première République : un contexte politique international nouveau

La Révolution française menace de toutes parts l’équilibre des pouvoirs dans le monde. La France de Louis XVI se dote d’une constitution qui ébranle la puissance politique monarchique qui s’exerce, à tous les niveaux de la société, sur des sujets soumis.

La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, adoptée le 9, instaure l’égalité entre les hommes et définit la loi comme « l’expression de la volonté générale »10. Le pouvoir législatif est donc retiré au monarque au profit de l’Assemblée constituante.

Dans la Nuit du 4 août 1789, l’Assemblée constituante met fin au système féodal. Les rapports personnels d’obligations et de services, ciment de l’organisation de la société en trois ordres, sont dissous dans la citoyenneté définie par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui stipule dans son article premier, contre les distinctions sociales fondées sur la naissance :

« Art. 1er. Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune. »

— Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 178911

L’ordre du clergé a disparu comme les deux autres dans la nuit du 4 août, en tant que corps politique instrument du pouvoir royal et du pouvoir religieux chrétien. Les domaines et possessions de l’Église sont confisqués en vertu du décret du 2 novembre 1789. La Constitution civile du clergé, prononcée dans l’Assemblée nationale, le samedi 12 a pour ambition d’instituer une nouvelle Église. Le Comité ecclésiastique de l’Assemblée constituante chargé de rédiger le rapport, s’inspire du richérisme, doctrine très implantée dans le bas-clergé, partagée par le gallican Henri Grégoire, qui prône le gouvernement démocratique des communautés paroissiales et diocésaines. Soumis au roi, le décret est promulgué par Louis XVI le 24 août 1790 contre son gré. Pie VI condamnera l’Église constitutionnelle gallicane en mars et avril 1791. Cette décision est, de fait, une révocation du concordat de Bologne, signé à Rome le et qui régit les relations entre l’Église catholique romaine et le roi de France jusqu’au décret du . Il donne au roi de France un pouvoir sur l’Église dans son royaume dont ne disposait aucun autre souverain catholique. La Révolution française et le pouvoir religieux chrétien entrent en conflit : le pape Pie VI écrit le 9 juillet 1790 à Louis XVI :

« Nous devons vous dire avec fermeté et amour paternel que, si vous approuvez les décrets concernant le Clergé, vous induirez en erreur votre Nation entière, vous précipiterez votre Royaume dans le schisme et peut-être dans une guerre civile de religion »

— Pie VI.- Carissime in christo fili noster, salutem, et apostolicam benedictionem, 9 juillet 179013.

« La Convention nationale, ſur le rapport de ſon comité de défenſe générale, décrète :
Article premier. Toutes les colonies Françoiſes ſont déclarées, juſqu’à ce qu’il en ait été autrement ſtatué, comme étant en état de guerre. »

— Décret no 515 de la Convention nationale du 5 mars 1793, l’an ſecond de la république Françoiſe, qui déclare que toutes les Colonies Françoiſes ſont en état de guerre.

Armée révolutionnaire française

En Europe

Déclaration de Pillnitz
Première Coalition

Dans les Amériques

En Afrique

En Asie et dans l’Océan Indien

Les acteurs de l’abolition de 1794

On est bien surpris de trouver des acteurs de l’abolition dans la haute administration coloniale voire dans le gouvernement royal ou en la personne du Roi lui-même : « Un jour qu’un homme, ayant des intérêts chez les planteurs, se plaignait d’elle[réf. nécessaire] au Roi, Louis XVI eut un bon sourire : « Ces pauvres nègres — dit-il — ils ont donc des amis en France ? J’en suis bien content pour eux14 ».

Gabriel de Bory : réformes de l’administration coloniale et du droit des personnes

Gabriel de Bory, né en 1720, décédé en 1801, est nommé gouverneur général de Saint-Domingue en 1761. Il quitta le service actif en 1766 mais reprend du service en 1789 pour publier un mémoire dans lequel il transmet son savoir d’administrateur des colonies et propose une politique de réformes de l’administration coloniale et de… l’Ordonnance de mars 1685 sur les esclaves des îles de l’Amérique qui semble bien avoir inspiré la Révolution entre 1789 et 1794. « Les Mulâtres ainſi que les Nègres appartiennent à leurs Maîtres qu’on n’en peut dépouiller légitimement ; mais il faut acheter les Mulâtres aux frais de la Colonie »15, nous dit-il. À ceci près que l’état des finances est tel que les Hommes libres de couleur proposent leur don patriotique pour renflouer les caisses. Mais la seconde abolition de 1848 se souviendra du conseil. Pour l’heure, et selon le gouverneur Bory, les rachats d’esclaves ne concernent pas les Nègres des champs :

« … quelque dur qu’il ſoit de condamner une portion de l’humanité à l’eſclavage, il eſt indiſpenſable cependant de réſerver les ſeuls Nègres à la culture de la terre, & de ne leur donner la liberté que pour des cas très-rares, comme d’avoir ſauvé la vie à leurs maîtres, d’avoir révélé un complot contre l’Etat ou quelque autre événement pareil. »

— Gabriel de Bory16.

Joseph Ignace Guillotin et l’égalité des peines

Joseph Ignace Guillotin

Jean-François Delacroix et Danton obtiennent le vote du décret

Président de l’Assemblée législative en 1792, Jean-François Delacroix propose, avec Danton, le débat sur l’abolition de l’esclavage dans les colonies du domaine français. Le 16 pluviôse, face aux quelques défenseurs des colons qui cherchaient à retarder ou édulcorer l’abolition, Delacroix oriente la décision et précipite le vote par son intervention énergique, retenue dans le procès-verbal du jour et inscrite dans les Archives parlementaires[réf. nécessaire] : « Une plus longue discussion déshonorerait la Convention. Je demande qu’à l’instant même le décret soit rendu »17. « C’est alors que la Convention se lève tout entière – et aussi, ainsi que le soulignent plusieurs journaux, les spectateurs des tribunes – entraînant avec elle les hésitants et les opposants camouflés, y compris les colons présents dans les tribunes »18. La séance du 16 pluviôse an II (1794) aboutit alors au vote et les citoyens manifestèrent joie et allégresse comme on peut le voir sur le tableau de Charles Thévenin (1764–1838) intitulé L’insurrection des esclaves entre dans la Convention. C’est l’ami de Delacroix Danton qui emporte finalement la décision d’abolition par un discours rapporté différemment par les journaux de l’époque, comme par la mémoire historiographique. D’aucuns sur la seule base d’un extrait du journal des débats et des décrets, j y ont perçu une arrière-pensée vénale qui voulait faire chuter « le commerce de l’Angleterre ». D’autres comme Augustin Cochin se sont plaints d’un rationalisme qui excluait toute référence religieuse19. Delacroix est aussi à l’origine du décret du 19 ventôse an II () concernant les colons résidant en métropole. L’arrestation des colons blancs esclavagistes, membres du club Massiac, qui intriguaient contre l’exécution du décret d’abolition, survint sur un ordre du Comité de salut public.

« « Page et Bruley répandirent sur Danton, Camille Desmoulins et leurs partisans, tout le venin mortel qu’ils avaient lancé sur les Girondins. … Mais la Convention instruite de la véritable situation de St-Domingue, décréta le 19 Ventôse an 2 (9 mai 1794) sur la motion de Thuriot que » :
Art. I. Tous les colons qui ont été membres de l’assemblée de Saint-Marc, et de celle connue depuis sous le nom d’assemblée coloniale , et les agents de ces assemblées actuellement en France, et les membres des clubs de Massiac et des colonies, seront mis en état d’arrestation.
II. Les scellés seront apposés sur les papiers de tous les colons résidents à Paris. »

— Thomas Madiou.- Histoire d’Haïti, Editions Henri Deschamps, 198121.

Les acteurs dans le domaine colonial de la France

Le don patriotique des Colons Américain

Dans le royaume de France, la question de la dette publique est du ressort des États généraux.

Représentation des colonies

« N. B. Le 15 Pluviôse, trois députés de Saint-Domingue, l’un blanc, l’autre jaune, & le dernier noir, furent admis à la convention national comme representans, &. le lendemain, 16, la convention a réparé le crime des législatures précédentes, en décrétant l’abolition de l’esclavage. & la liberté de tous les hommes de couleur des Colonies. Ce 6 Nivos, l’an II de la république française une & indivisible, L. Prvdhomme. »

— Révolutions de Paris, dédiées à la Nation, Louis-Marie Prudhomme, Paris, 6 nivôse an II- 26 décembre 1793, page 49622.

Erratum : Article Les Révolutions de Paris, 18 pluviôse an II-6 février 1794 p. 496 ; numéro suivi de « Les Nègres enfin libres », 25 pluviôse an II-13 février 1794 p. 497.

Victor Hugues, colon à Saint-Domingue et commissaire de la Convention

Les Américains dans la métropole, France

Colons français

À Paris, ils se constituent en un Comité colonial et fréquentent le Club Massiac.

Victor Hugues

« Précisément, le même jour, les représentants des colons, Page et Brulley, ont été informés de l’arrivée en France des trois députés de la partie nord de Saint-Domingue par une lettre de leur fidèle ami Victor Hugues, accusateur public à Brest. »

— Yves Benot, « Comment la Convention a-t-elle voté l’abolition de l’esclavage en l’an II ?, 199323

Gens et citoyens de couleur

Société des Colons Américains

Le , Julien Raimond, membre de la Société des Colons Américains, admis à la barre, à la tête d’une députation de trois citoyens de couleur, réclame les droits de cette classe d’hommes. Girardin, 180124.

Les hommes de couleur à Paris

Parmi les hommes de couleur certains sont venus des Colonies afin de défendre les intérêts de leur groupe social. Julien Raimond mène des négociations avec le maréchal de Castries, secrétaire d’État à la Marie et aux Colonies de 1780 à 178725

Réponse des hommes de couleur à Paris, à la pétition nantaise lue à l’assemblée nationale le 25 de ce mois26,27

Société des Amis des Noirs (France)

L’objectif de la Société des amis des Noirs créée le n’est pas l’abolition de l’esclavage mais celle de la traite qui alimente l’esclavage dans les colonies et aux États-Unis de l’Amérique ainsi que le précise Mirabeau, un de ses fondateurs28 :

« Peut-on ignorer que cette société respectable ne s’occupe que des moyens d’abolir la traite; & que son humanité même lui interdit de songer à l’affranchissement subit ou forcé des noirs esclaves ? »

— Honoré-Gabriel Riqueti de Mirabeau.- Courrier de Provence. Lettres du comte de Mirabeau a ses commettans, 178929.

Plus loin, dans le même ouvrage précité, Mirabeau distingue l’objet de ladite Société de ses idéaux propres : il critique vivement les colons esclavagistes et affirment que la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 est opposée à la propriété de l’homme par l’homme :

« Ainsi, tandis qu’ils enchaînent les malheureux nègres à un joug de fer, les Colons réclament tous les avantages de la liberté politique pour eux, mêmes, Ils exposent leurs demandes avec la Déclaration des droits de l’homme dans une main, & leurs titres de propriété sur une Nation d’esclaves, dans l’autre. »

— Honoré-Gabriel Riqueti de Mirabeau.- Courrier de Provence. Lettres du comte de Mirabeau a ses commettans, 178929.

Henri Grégoire et Mirabeau témoignent dans le même sens quand il s’agit de défendre la Société des Amis des Noirs contre ses opposants[réf. nécessaire] :

« L’un d’eux n’a pas craint de jetter des soupçons… sur la société des Amis des Noirs, il a fait entendre qu’elle avait participé à leur soulevement dans la Martinique. »

— Honoré-Gabriel Riqueti de Mirabeau.- Courrier de Provence. Lettres du comte de Mirabeau a ses commettans, 178929.

« Parle-t-on des nègres, nous crierons que la société des Amis des Noirs, et lui surtout, ont voulu brusquer l’affranchissement général, quoique ses écrits déposent du contraire. »

— Henri Grégoire.- De la constitution française de l’an 181430.

Rôle du clergé

Aux côtés de Sonthonax, Polverel, Chaumette, Milscent et Garran-Coulon, Henri Grégoire est dès le début de la Révolution un acteur déterminant dans le processus d’adoption du décret d’abolition de 179431. Il reçoit une formation pratique dans le mouvement richériste lorrain et devient prêtre citoyen et richériste » auprès de l’abbé Guilbert.

« D’ailleurs, vous ne pouvez pactiser irrévocablement pour la postérité, ni lier ceux qui vous succéderont, Se vous n’avez guères plus de droit fur la liberté des générations futures que de pouvoir fur la liberté des générations éteinte». Vainement essayeriez-vous donc de plier fous le joug de l’esclavage les hommes de l’avenir, le peuple seroit toujours en droit de rompre les chaînes que vous auriez tenté vexatoirement de lui imposer. »

— Henri Grégoire.- Opinion De M. Grégoire, Curé D’Embermenil, Député De Nanci, Sur La Sanction Royale, A la Séance du 4 Septembre32

Abolition du décret d’abolition de l’esclavage du 16 pluviôse an II

En 1797, Anne-Louis Girodet réalise un portrait de Jean-Baptiste Belley (1747-1805), membre de la Convention nationale puis député aux Conseil des Cinq-Cents, représentant de Saint-Domingue colonie française en 1797. Sous un ciel tropical très nuageux, Jean-Baptiste Belley s’appuie sur le piédestal du buste en marbre de l’abbé Guillaume Thomas François Raynal sculpté par Jean-Joseph Espercieux en 179033. On voit, à droite, derrière Belley, un paysage de montagnes du nord de Saint-Domingue près du Cap-Français. La fumée blanchâtre d’une raffinerie sucrière nous rappelle l’origine de la splendeur de la partie française de Saint-Domingue source des revenus que la colonie assurait à la France d’avant 1789. Au loin, la mer ferme l’horizon.

Ce portrait est la première représentation d’un homme noir dans la position d’un législateur occidental. Il marque aussi le chemin parcouru entre 1789 et 1797 pour l’abolition de l’esclavage, la conquête des droits civiques et politique, l’universalité du genre humain. Le regard de Jean-Baptiste Belley fixe le lointain. Quel avenir voit-il ? Sous quelles auspices ? On ne peut s’empêcher de comparer ce regard avec ceux peints par Guillaume Guillon Lethière dans son tableau Le Serment des Ancêtres. Réalisé en 1822, le tableau est signé « Lethière, né à la Guadeloupe », et offert à la nouvelle république d’Haïti. Il représente Alexandre Pétion, à gauche, et Jean-Jacques Dessalines, à droite. Les deux hommes de couleur jurent sur les tables de la loi, c’est-à-dire, en terme républicain, la constitution de Haïti laquelle symbolise les acquis de la Révolution haïtienne et la conquête des droits de l’Homme et du citoyen. Leur regard est tourné vers une représentation du dieu des Chrétiens : peut-être l’empreinte laissée par l’Ordonnance de mars 1685 sur les esclaves des îles de l’Amérique en matière religieuse.

L’esclavage aboli dans les colonies de la France reste en vigueur sur le continent américain et dans les Isles des Amériques. Des colons de Saint-Domingue partent vers le continent et l’Archipel des Caraïbes, emportant leur modèle de développement économique basé sur l’esclavage des Africains. À la Nouvelle-Orléans, le beau coton de Saint-Domingue34 donnera naissance au second esclavage dans la Confédération. Les réfugiés développent l’agro-industrie du coton, faisant passer l’offre mondiale de coton35 du nouvel État de 9 % à 70 % entre 1791 et 181036. À Cuba, les réfugiés de Saint-Domingue sont leaders de la révolution du café qui avait commencé à Saint-Domingue même. Ainsi, l’esclavage aboli de si haute lutte dans la partie française de la colonie de Saint-Domingue s’exporte à plus grande échelle dans des territoires plus accueillants.

Si l’on peut dire avec Gabriel Debien « qu’en 1814 les anciens colons étaient plus esclavagistes qu’en 1789 », qu’en était-il en 1802, au sortir de la Révolution, alors que les souvenirs des insurrections des esclaves de 1791 étaient très vifs, la misère des colons revenus en France, abyssale ? Les violences de la révolution haïtienne « … avaient à leurs yeux démontré que la philanthropie n’était qu’une erreur, comme elles avaient démontré aux créoles espagnols de l’Amérique du Sud que l’émancipation était un danger social ». Si à l’époque de Maximilien de Robespierre il y avait « une extrême répugnance à consacrer formellement l’esclavage », ce temps était révolu. Napoléon Bonaparte était devenu « l’homme qui, avec quelque sentiment de justice, puisse se porter légèrement à dire à plusieurs milliers d’hommes : nous avions reconnu que vous aviez des droits, nous vous avons regardés comme citoyens actifs ; mais nous allons vous replonger dans la misère et dans l’avilissement ; nous allons vous remettre aux pieds de ces maîtres impérieux dont nous vous avions aider à secouer le joug37 » : le 30 floréal An X () le premier consul proclame la loi No 1609 relative la traite des Noirs et au régime des colonies38. Cette loi maintient l’esclavage dans les colonies rendues à la France ainsi que dans les colonies au-delà du Cap de Bonne-Espérance, conformément aux lois et règlements antérieurs à 1789 et au traité de paix d’Amiens du .

La traite transatlantique des Africains reprend en principe conformément aux lois et règlements en vigueur avant 1789. En fait, il s’agit d’une abrogation du Décret d’abolition de l’esclavage du 4 février 1794 et l’esclavage est rétabli dans le domaine colonial français recouvré. Mais, la constitution de la France est en devenir républicain, les relations internationales s’établissent dans un monde où les idées de liberté et d’égalité, d’universalité du genre humain ont laissé une empreinte profonde[réf. nécessaire].

Société de Philadelphie « pour l’abolition de la traite et de l’esclavage ».

Bibliographie

 

Source : Wikipedia