L’éphéméride du 29 janvier

L’éminent guadeloupéen Rémy Nainsouta, meurt le 29 janvier 1969

La préoccupation première de Rémy Nainsouta était la réalisation d’un développement économique de la Guadeloupe axé autour de son environnement géographique (la Caraïbe) et de ses ressources naturelles. C’est ce but ultime qui guide toute sa réflexion économique et sociale. Il va sans dire qu’au regard de l’attachement de cet homme à la France, il ne s’agissait nullement d’un projet d’indépendance vis-à-vis de l’hexagone.

Pourquoi ce texte sur Rémy Nainsouta ?

Rémy Nainsouta est connu aux Antilles sans l’être véritablement. La lecture des textes et des conférences données par Rémy Nainsouta et notamment quelques passages sur le capital humain nous a captivé à un moment où nous faisions une recherche sur l’histoire de ce concept économique. Nainsouta est alors apparu à nos yeux non comme un auteur strictement local mais ayant une dimension toute autre par son originalité et ses idées novatrices.

Nous allons développer sa pensée par le biais de deux thèmes.

– Le premier apparaît tout à fait novateur. En effet, il s’agira pour nous de montrer que Rémy Nainsouta fait partie des premiers auteurs à avoir utilisé le terme de capital humain. Nous rappelons que Schultz est reconnu par les économistes comme étant l’inventeur de ce terme. Toutefois, Remy Nainsouta ne donne aucun argument théorique qui puisse étayer le fait que l’éducation, par exemple, puisse être considérée comme un capital. La voie que nous suivrons dans ce texte n’est donc pas théorique.
– Le deuxième thème étant plus large puisque nous allons nous intéresser à la pensée économique de Rémy Nainsouta et de façon plus précise à son projet économique et social pour la Guadeloupe. Nous verrons que ses préoccupations d’alors n’étaient pas trop différentes de celles exprimées par les économistes et les politiques d’aujourd’hui.
Le concept de capital humain

Nous pouvons dire pour simplifier que l’analyse économique autour du concept de capital humain s’est développée en deux grandes phases.
La première a établi l’importance de l’éducation, de l’apprentissage et de l’expérience professionnelle dans la détermination de la richesse d’un pays par le biais de ses effets sur le niveau de productivité des travailleurs (Petty, Smith, Pigou, etc.). La deuxième a défini clairement le concept en montrant que l’éducation est un investissement au même titre que le capital physique et conséquemment en qualifiant l’éducation et la formation de capital humain (Becker, Mincer, Schultz, etc.). Ce dernier étant désormais vu comme un facteur de production à part entière qui s’accumule, qui peut-être stocké et surtout qui a une valeur économique de même qu’un taux de rendement. L’apport de Rémy Nainsouta est, il faut toutefois le souligner, assez marginal au regard des recherches théoriques des économistes tels Mincer, Becker ou Schultz. Mais cet apport est tout de même conséquent. Revenons, avant tout, sur l’histoire de ce concept.

a. Une histoire ancienne

Il faut sans doute remonter au moins jusqu’à Sir William Petty, c’est à dire au XVII siècle, pour voir la première analyse de l’éducation, de l’expérience et de ce qu’il appelle l’art. D’après W. Petty, la richesse d’une nation repose sur deux piliers. Premièrement, elle repose sur la valeur de la terre, elle-même fonction de la rente. Deuxièmement, elle repose sur la valeur de la population qui est fonction de la productivité du travail. Petty vient à dire que le “travail est le père et le principe actif de la richesse de même que la terre en est la mère ».

Adam Smith trouvant dans la division du travail la source de l’opulence des puissances productives notait au moins trois bénéfices liées à cette division du travail : a. l’économie de temps. b. l’invention de nouveaux outils et de machines. c. La spécialisation des travailleurs qui améliore la dextérité à la tâche. Il est clair que pour l’auteur de la Richesse des Nations, la formation et l’apprentissage sont des éléments importants dans la détermination du niveau de productivité des travailleurs et de ce fait de la richesse des nations. Il ne faut pas oublier également la discussion de Pigou sur l’investissement dans l’humain.

Pour autant l’éducation peut-elle être considérée comme un facteur de production au même titre que le capital physique ? La réponse à cette question sera donnée bien plus tard par les économistes contemporains.

b. Les développements modernes et la naissance du terme de capital humain

Il est communément admis que c’est Schultz qui « inventa » le terme de capital humain pour désigner l’ensemble des qualifications et des compétences des individus. Dans le même temps des auteurs comme Mincer J., vont mettre l’accent sur la fonction de gains, la rentabilité des études, etc [1]. Quant à Becker, il va montrer que l’analyse économique des compétences, des qualifications, de l’éducation dans un sens large ne diffère pas fondamentalement de celle des autres facteurs de production comme le capital physique. Il va ainsi introduire dans cette partie de l’analyse économique des notions traditionnelles et fondamentales comme par exemple le « coût d’opportunité » (de l’éducation).

Une hypothèse centrale de cette théorie est que l’éducation, la formation, l’apprentissage par la pratique permettent d’élever la productivité du travail. Ainsi, le capital humain est le seul facteur qui puisse expliquer qu’à l’équilibre propre sur le marché du travail (i.e. sans externalités), il y ait des différences de gains entre les agents. C’est un résultat central de la théorie du capital humain. Croire en la validité de ce lien, c’est faire reposer sur l’éducation (en définitive sur l’homme) la responsabilité des différences de développement dans le monde. Inversement, c’est faire de l’éducation une panacée universelle pour la résorption des inégalités entre individus au sein du même pays mais aussi et surtout entre pays différents. Cette hypothèse est donc d’une importance considérable notamment du point de vue de la politique éducative d’une nation.

Mais Rémy Nainsouta a utilisé dès janvier 1944 ce terme de « capital humain » [2] pour désigner ce que nous appellerons aujourd’hui le savoir, la connaissance et le capital santé. Il utilise le terme de capital humain, sans pour autant en faire un concept, dans un sens proche de celui retenu par Becker mais il attribuait au capital humain un rôle beaucoup plus large. Il affirmait, en effet, que le capital humain est indispensable au développement économique d’une nation. Voyons plus en détails cela…

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