L’éphéméride du 14 juillet

14 juillet 1755 : le patriote Corse et homme des lumières Pascal Paoli, révolté contre Gênes, est proclamé général en chef de la Nation Corse au couvent Saint-Antoine de Casabianca. Il fait de la Corse un état indépendant, et la première démocratie du monde moderne.

Pascal Paoli (en corse et en italien, Pasquale Paolin ) (Morosaglia, 5 avril 1725 – Londres, 5 février 1807) est un homme politique, philosophe et général corse.

La Guerre d’indépendance de la Corse (1729-1743) et la République corse (1755-1769) fondent une large partie de l’identité corse d’aujourd’hui. Pascal Paoli est l’une des figures les plus représentatives de cette période.

Contraint de suivre son père Giacinto en exil à l’âge de 15 ans, il part à Naples avec lui (1739). De retour en Corse en 1755 il crée la première constitution corse, il perd l’ultime bataille qui l’oppose à l’armée royale française en 1769. Sa personnalité et son action intéressent bien au-delà des seuls Corses ou des historiens. Son fort attachement à son île natale et à sa culture font de lui une figure inscrite dans son temps et un homme des Lumières qui a tissé des relations d’amitié ou épistolaires à travers toute l’Europe.

Ainsi, il fut à la fois un général corse, le chef de la République corse indépendante, un démocrate, un patriote et un homme des Lumières.

Biographie
Filippu Antone Pasquale, fils de Giacinto Paoli et de Dionisia Valentini, naît dans le hameau dit « a Stretta » du village de Morosaglia, dans une Corse alors sous domination génoise. Dans ses jeunes années, il suit des études au couvent des observantins de Rostino.

Action politique et exil napolitain de son père
Sa mère corse, Dionisia Valentini, avait été initialement mariée à un cousin Valentini. Compromis dans une rixe, Giacinto s’était exilé hors de Corse. En 1710, après sept ans d’absence, Giacinto a réussi à faire casser le mariage et a ainsi pu épouser la future mère de Pascal, qui n’avait pas eu d’enfants.

La tentative d’arrestation de Giacinto Paoli le 17 novembre 1733, marque le départ de la seconde insurrection contre la République de Gênes. Les 26 et 27 avril 1734, il est d’abord élu général de la nation, titre qu’il partage à partir du 12 mai suivant avec Luigi Giafferi, principal dirigeant de la première insurrection et revenu de son exil. En avril 1736, il participe à la fondation du royaume indépendant de Corse et à l’élection de Théodore de Neuhoff au titre de roi des Corses. Après le départ de Théodore, Giacinto Paoli assure la régence du royaume aux côtés de Luigi Giafferi et de Luca d’Ornano.

Bien qu’il ait pris ses distances avec Théodore et se soit déclaré opposé à son retour auprès du comte de Boissieux, commandant du corps expéditionnaire français venu remettre la Corse sous l’autorité de Gênes, Giacinto Paoli finit par rejoindre le mouvement qui s’oppose aux troupes françaises auxquelles il tente de résister aux côtés de Luigi Giafferi.

La campagne menée par le marquis de Maillebois, successeur du comte de Boissieux, défait les troupes du royaume indépendant de Corse dans le nord de la Corse. Les chefs acceptent de mettre bas les armes et de quitter la Corse. Le 7 juillet 1739, Giacinto Paoli s’embarque à la Padullela pour Porto Longone, d’où il regagne Naples dont le roi lui accorde non seulement l’exil mais encore le titre et la pension de général de brigade. Il emmène avec lui le plus jeune de ses fils, Pascal, âgé de 14 ans.

Jeunesse cosmopolite et études
Par l’intermédiaire de Neuhoff, les Paoli seront mis en relation avec les franc-maçons. C’est aussi en Italie, et plus particulièrement à Naples, que Paoli recevra une partie de sa formation.

Il est élève à l’Académie Royale d’artillerie de Naples et devient cadet dans les troupes corses du royaume de Naples. C’est au sein du Real Corsica commandé par le colonel Simone de Fabiani que naquit la profonde inimitié qu’entretinrent les Paoli et les Fabiani au cours du reste du xviiie siècle. Il commence par la suite une carrière dans le régiment Real Farnese et porte un regard attentif dans le même temps sur les événements qui se déroulent en Corse et la révolte d’une partie de la paysannerie appuyée sur les notables contre le pouvoir génois.

Durant cette période, il suit l’enseignement d’Antonio Genovesi, titulaire de la première chaire européenne d’économie politique, qui, humaniste, place au premier plan de la légitimité du pouvoir l’intérêt du peuple et prône la séparation du spirituel et du temporel. En économie, Antonio Genovesi insiste sur le commerce international comme source de richesse et valorise en particulier le travail, conceptions qui seront plus tard appliquées par Paoli.

Le jeune Paoli est aussi un grand lecteur de Montesquieu, dont il se fait expédier De l’Esprit des lois par son père, et des penseurs libéraux britanniques de l’époque. Il fait également preuve de curiosité scientifique.

Le généralat
Lors de la consulte qui se réunit au couvent Saint-François de Caccia le 20 avril 1755, il est appelé par les principaux chefs corses révoltés contre Gênes.

La guerre que la République de Gênes continuait de mener contre la Corse était à son apogée, et les représentants de la nation allaient délibérer sur les chefs qu’ils devaient nommer pour guider le pays dans cette lutte. Paoli se rendit à l’Assemblée comme député de Morosaglia pour prendre la tête de l’insurrection pour l’indépendance de la Corse. Il y fut élu ce même 20 avril 1755 général en chef de la Nation corse.

Mariu Emanuellu Matra qui était à la tête d’un parti important dans les pieve de Fiumorbu, Castellu, Rogna, Alisgiani, Serra et Verde, aspirait également au généralat, s’y oppose et propose sa candidature.

Au cours d’une consulte qui se tient au couvent Saint-Antoine de Casabianca les 13, 14 et 15 juillet suivants, l’élection de Paoli est confirmée le 14. Le lendemain de son élection, il est proclamé général en chef de la nation et général du « royaume de Corse ».

Paoli reçoit la nouvelle chez lui à Morosaglia, où il avait préféré demeurer, s’abstenant de participer à la consulte pour laisser aux députés la liberté de parlementer hors de sa présence.

Écarté par la consulte, Mariu Emanuellu Matra se fait proclamer général à Alisgiani le 10 août 1755. Avec un corps de partisans, il marche contre Paoli.

Le 27 mars 1757, accompagné de peu de troupes, il est surpris dans le Bozio par Matra. Il se réfugie dans le couvent d’Alandu. Le 28 mars, alors que les hommes de Matra forcent l’entrée du couvent, Clemente Paoli arrive au secours de son frère et oblige les assaillants à se retirer. Mariu Emanuellu Matra est tué.

En même temps Paoli met en œuvre un plan réfléchi de modernisation de l’île en lui donnant une constitution (constitution corse), adoptée en 1755 au couvent de Caccia et retouchée à plusieurs reprises par la suite. Synthèse de traditions institutionnelles locales et des différents statuts que Gênes a appliqués à la Corse, l’acte constitutionnel y affirme la souveraineté populaire dans le préambule et reconnaît le droit de vote aux personnes de plus de 25 ans, dont les femmes (veuves ou célibataires), chargées d’élire, au niveau des consultes communales, les délégués de la Diète, qui détient le pouvoir législatif et élit elle-même un conseil d’État présidé par le général en chef, et un syndic chargé de veiller au bon fonctionnement de l’administration et de contrôler les magistrats. Cette constitution est la première constitution au monde à accorder le droit de vote aux femmes9.

Il s’agit d’une « démocratie de notables » pour Pierre Antonetti, d’une « dictature de salut public tempérée par l’influence des notables » pour Fernand Ettori, de l’œuvre « d’un homme d’action plus que d’un législateur » pour Francis Pomponi : le vote est en fait réservé aux seuls chefs de famille dans les communautés villageoises ; le suffrage universel est remplacé en 1764 par le suffrage indirect ; la souveraineté populaire est contrebalancée par les prérogatives de Paoli, qui peut convoquer aux séances de la Diète des personnes non élues et réunir des consultes particuliers ; l’institution du généralat à vie restreint le système démocratique ; la Diète n’est réunie qu’une à deux fois par an pour des durées très courtes (deux à trois jours) ; au sein de cette Diète siègent, à côté des élus, des membres de droit: ecclésiastiques, anciens magistrats, frères et fils de ceux qui sont « morts pour la patrie » et « patriotes zélés et éclairés » ; un droit de veto suspensif est reconnu en 1764 au conseil d’État sur les décisions de la Diète ; les principali dominent la vie publique et concentrent la réalité du pouvoir (podestats, pères du commun, conseillers d’État, juges, etc.). Par ailleurs, en raison des importants pouvoirs détenus par le conseil d’État et Paoli en matière de justice, la séparation entre exécutif et judiciaire laisse la place à une confusion.

Toutefois la Corse apparaît alors, aux yeux des philosophes, notamment Rousseau et Voltairen , comme le premier État démocratique de l’Europe des Lumières et Paoli comme un « despote éclairé ». Le philosophe milanais Giuseppe Gorani, l’un des plus chauds partisans de la liberté en Italie, vient collaborer avec lui à la cause de l’indépendance.

Sur le plan économique, Paoli introduit dès 1756 la pomme de terre en Corse, fonde L’Île-Rousse (1758-1765) dans le but de concurrencer les présides génois d’Algajola et de Calvi, et fait battre monnaie à l’effigie de la nation corse à Murato (1762).

Une « imprimerie nationale » est créée à Campoloro où sont publiés les Ragguagli dell’Isola di Corsica, sorte de journal officiel Ce lien renvoie vers une page d’homonymie. Il crée une marine de guerre et fait de Corte la capitale de la Nation corse où siège le gouvernement. Il bat une monnaie saine, et interdit la vendetta.

Annonce du suprême Conseil général du royaume de Corse, aux très affectionnés peuples de la Nation.

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