Le travailleur pauvre est une femme

Quel est l’état des inégalités de genre et comment évolue la situation des femmes travailleuses en France ?  Dans son nouveau rapport “Pauvreté au travail : les femmes en première ligne“, Oxfam tire la sonnette d’alarme sur le sort réservé aujourd’hui aux femmes qui cumulent activité(s) professionnelle(s) et pauvreté.

En novembre 2017, alors fraîchement élu président de la République, Emmanuel Macron l’avait promis. Il sera “personnellement attentif” à l’égalité hommes-femmes, définie comme “grande cause” de son quinquennat, et mettra un point d’honneur à “faire de notre société une société plus égalitaire, plus juste”.

Pourtant, depuis cet engagement porteur d’espoir, le sort des femmes ne s’est pas amélioré, bien au contraire. Entre 2006 et 2017, la part de femmes en activité professionnelle et pauvres est passée de 5,6 % à 7,3 %. Les mères de famille monoparentale sont particulièrement touchées par ce phénomène : parmi celles qui travaillent, plus d’un quart vivent sous le seuil de pauvreté, soit un million de femmes.

Pour évaluer et mettre en lumière les causes profondes de l’accroissement du nombre de travailleuses pauvres, Oxfam décrypte les multiples facteurs à la racine de la pauvreté des femmes travailleuses en France. Inégalités de salaires, instabilité des temps de travail, ségrégation professionnelle, pénibilité des tâches mais aussi permanence des stéréotypes, sont autant d’éléments instaurateurs de précarité que de discriminations et de violence à l’encontre des femmes.

  • L’instabilité du temps de travail des femmes

De nos jours, la précarité commence sur le marché du travail et occuper une voire plusieurs activités professionnelles ne protège pas les femmes de fins de mois difficiles.

Le rapport d’Oxfam révèle les travers d’un système économique qui aggrave les inégalités en cantonnant les femmes à des familles de métiers plus instables, plus précaires et moins rémunérés. Les femmes occupent en effet 78 % des emplois à temps partiel et 75 % des personnes qui souhaitent travailler plus sont des femmes. Un autre chiffre révélateur : 70 % des contrats à durée déterminée (CDD) et des intérims sont occupés par des femmes.

Les femmes sont aussi davantage sujettes aux risques psycho-sociaux et sanitaires dus à leur emploi. Entre 2000 et 2015, les maladies professionnelles reconnues ont connu une hausse de 155 % chez les femmes (contre 80 % chez les hommes).

  • Des normes sociales qui discriminent les femmes

Avec 22 % d’écart de salaire en moyenne, les femmes consacrent par ailleurs, chaque jour 3h26 aux tâches domestiques contre 2h pour les hommes. Valorisée au salaire minimum net et mesurée avec la définition la plus restreinte, la valeur du travail domestique contribuerait à une production nationale équivalente à 292 milliards d’euros en 2010, soit 15 % du PIB.

D’autre part, les femmes de 39 ans à 49 ans qui ont temporairement cessé de travailler pour des raisons familiales gagnent en moyenne 23 % de moins que les femmes sans interruption de carrière.

L’inégal partage des tâches domestiques influence la perception des employeur.euse.s qui ont tendance à considérer les femmes comme des mères avant tout, et compromet de fait leur indépendance.

En mettant en lumière le sujet trop méconnu de l’aggravation de la pauvreté chez les femmes travailleuses, Oxfam démontre que les engagements politiques actuels ne sont pas à la hauteur des enjeux. Il est temps de redonner aux femmes leur juste place dans une société et dans les entreprises du XXIème siècle. Pour cela, notre Gouvernement doit passer des paroles aux actes en intégrant systématiquement une perspective de genre dans ses mesures politiques de lutte contre les inégalités. Oxfam rappelle que les inégalités et la pauvreté ne sont pas une fatalité et milite pour une loi contre les inégalités. Une telle loi reposerait sur trois piliers : un partage des richesses au sein des entreprises, une fiscalité socialement plus juste et au service du plus grand nombre, la lutte effective contre l’évasion fiscale pour développer des services publics de qualité.

Source : Oxfam France