Le Théâtre de la démesure, une compagnie qui dépasse les bornes

—Par J.-P. Thibaudat —
theat_demesureDescendue de son tableau avec son fichu, sa robe et son pot, la laitière de Vermeer verse son lait dans une jatte. Tableau vivant ? Oui, car l’effet est saisissant. Mais non.

L’actrice (elle donne son nom) qui dit être « déguisée en laitière » nous explique que le spectacle que l’on va voir – « Temps de pose » – va nous parler de peinture. En réalité, il parle tout autant de nous, spectateurs, quand on regarde un tableau ou un spectacle, et de ce qui se passe entre elle (la laitière, l’actrice) et nous. Bref :

« […] c’est un spectacle qui parle du problème – très contemporain en fait– de la médiation culturelle ».

Retour d’expédition : le Christ et des lardons

Ce nouveau spectacle de la compagnie TDM (Théâtre de la démesure), comme les précédents, ne s’appuie pas sur une pièce existante, ni sur le canevas d’une histoire autour duquel les acteurs improviseraient, mais sur un questionnement (en actes, en mise en jeu et en divagations) autour de la représentation et de ce qui s’en suit.

Le spectacle – car c’en est un et d’une giboyeuse drôlerie – s’apparente à un retour d’expédition avec les rendus des carnets de fouille, et des séances de brainstorming où l’imagination débridée est une base de données fiable.

La fiction va de pair avec la réflexion. Le monde de l’art et ses artistes les plus novateurs, le langage (littéraire ou pas) et ses codes sont pour eux des matériaux inépuisables. TDM fait du neuf avec du vieux. L’actrice laitière et donc mère nourricière, nous prévient : « C’est un spectacle assez discontinu ».

Bonne fille, elle nous fait saliver en énumérant tout ce que nous allons voir :

« Le Christ, un sac de sport, Sarah Bernhardt, un homme préhistorique, une poule, un cercueil, une pluie de lardons, une boule à facettes, un hot-dog, des femmes nues, une forêt merveilleuse, la Ministre de la culture et bien d’autres choses encore. »

J’ai nommé l’inspecteur Préhistoderrick

Je ne me souviens pas du hot-dog, mais tout le reste est là.

Parmi les « autres choses », notons un acteur se présentant sous le nom de Yves Klein, peintre célèbre pour ses bleus et fondateur de l’International Klein Blue (IKB). Le Caravage est aussi de la revue, tout comme le photographe Nadar, accompagné de son épouse.

Je vous laisse le soin de découvrir un jour ce ballet de sommités : dans un paysage français désormais hyper avide de parcours atypiques et de propositions inclassables, ce spectacle excitant, trop peu joué, devrait effectuer une hyper tournée des popotes.
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