« Le Nabab de Saint Pierre », par Ina Césaire et Nady Nelzi.

Vendredi 31 juillet 2020 à 19h au Théâtre de Saint-Pierre

La troupe « Comédie à l’Antillaise », donnera deux représentations, vendredi 31 juillet à 19 heures et samedi 15 août  2020 à 18 heures, dans les ruines du théâtre de Saint-Pierre.
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La troupe amateur « Comédie à l’Antillaise » a été créée en avril 2016, et succède à « C’est nous-mêmes Théâtre » (2005 à 2016). La pièce « Le Nabab de Saint Pierre » a été créée en 2008, et présentée à l’Atrium, en salle Frantz Fanon, en 2010. 

Le Nabab de Saint Pierre est l’adaptation de Angelo, tyran de Padoue, une pièce de Victor Hugo, un drame en prose représenté pour la première fois au Théâtre Français, le 28 avril 1835.

Lire : Angelo, un tyran pas doux pour un moment de pur plaisir ! —Par Roland Sabra—

Une adaptation théâtrale

Les deux dramaturges, Nady Nelzi et Ina Césaire, ont expliqué la genèse de leur projet, et notamment le pourquoi de leur choix : 

« Le théâtre de la ville de Fort-de-France présentait… Angelo, Tyran de Padoue, drame de Victor Hugo mis en scène par Didier Person, avec dans le rôle-titre le grand comédien français Pierre Santini. À l’étonnement de certains, ces représentations connurent un succès sans précédent, et furent à l’origine de la tentative d’adaptation que nous proposons ici. 

Bien qu’à première vue la transposition du drame romantique de Victor Hugo, Angelo, Tyran de Padoue, pour un théâtre antillais puisse sembler un projet singulier, l’évidence de certaines correspondances entre la Venise hugolienne et le Saint-Pierre de la Martinique d’avant la tragique éruption de 1902, a fini par balayer scrupules et hésitations (…)

Il est certes difficile de mettre sur le même plan le statut dictatorial et despotique de la République de Venise du 15ème siècle et le pouvoir paternaliste et colonial qui prévalait à l’âge d’or de la ville créole, mais on ne peut manquer d’y constater, toutes proportions gardées, des ressemblances significatives : Victor Hugo avoue s’être largement inspiré, pour ce qui concerne le climat politique de sa pièce, d’un code rédigé en 1454 sous l’égide du sinistre doge Foscari, conservé dans les archives secrètes du « Conseil des Dix » et intitulé sans fard : « Statuts de l’inquisition d’État ». Padoue vécut sous l’implacable domination de Venise, comme Saint-Pierre sous la domination de la France lointaine. Dans les deux cas, le pouvoir politique, le système économique et la religion dominante collaborent avec l’oligarchie, en échange de subsides conséquents. 

Au niveau des mœurs, on retrouve également des éléments récurrents : l’utilisation du poison, chère aux Médicis, est transposée, aux Antilles, par les pratiques d’empoisonnement héritées du système servile. Malgré leur différence dues aux catégories sociales, ici par la classe, là par la race, on remarque dans les deux cas l’existence d’un statut humiliant réservé aux femmes (mariages forcés, amours contrariées), et la permanence pesante de l’espionnage, organisé ou sous-jacent, dans l’une et l’autre des sociétés ». 

Les personnages principaux :

Le Nabab de Saint Pierre est une pièce en six actes, pour huit comédiens, six danseurs et 30 costumes. Un drame romantique, qui expose l’émergence d’un peuple dans la Martinique du 19ème siècle. Chaque personnage est ici le miroir et le tableau moral de la société créole. 

Angélo, le Nabab, à l’identité marquée d’une tragédie trouble et violente, mulâtre, riche et despote.
Catherine, issue de la bourgeoisie créole, l’épouse du Nabab.
Rodolfo, officier de la Marine nationale, petit-fils d’esclave, un être rebelle, « confronté à la domination des moeurs de la société de la plantation et aux derniers prismes de l’esclavage ». Il est aimé de toutes les femmes.
Mélody le musicien, autrefois amant de Latisbée. Il hait l’amour, qui le dévore, pour la belle matadore.
Latisbée, la matadore-chanteuse.

« La structure de la pièce est celle d’une ronde, voire d’une chaîne amoureuse. Angelo, riche mulâtre, dit « le Nabab », est hermétique à tous les sentiments. Pourtant, il tombe amoureux de Latisbée, la matamore qui vient de rompre avec Mélody, son amant depuis dix ans. Elle aime Rodolphe, le bel officier, qui aime Solange, la nièce de Catherine, l’épouse du Nabab ».

Les Comédiens de la nouvelle création :

Philippe Odry = Le Nabab – Magali Merlini = Latisbée – Peggy Madkaud = Catherine David Erialc = Rodolfo – Pascal Caryarcy = Mélodie – Mirella Jean = Manotte – Viviane Gros-Desormeaux =Sara—Sloranne Rosier =Zélie 

Les Techniciens de plateau : 

Création et mise en scène : Nady Nelzy-Odry
Direction d’acteurs : José Dalmat
Photographe : Philippe Bourgade
Directeur de plateau lumières : Pierre Marie Rose
Sons : Claude Gabourg
Chorégraphe et son groupe : Roger Jalta
Musicien pianiste : Pascal Caryarcy
Décorateurs Designer  : Dasini-Louison PRM.
Création costumes : Eddy Commun 
Accessoiriste : Muriel Gouadice 

Un extrait de la pièce (Acte 1 Scène 1 à lire sur le site Potomitan)

ANGELO :  Voyons, Latisbée ! La Danaïde est le plus bel établissement de Saint-Pierre et tu en es la reine incontestée ! Tu as divinement chanté hier. Saint-Pierre peut s’enorgueillir de posséder une Diva ! la Martinique que dis-je, toute la Caraïbe, est à tes pieds .
LATISBEE : Certes, mais c’est au théâtre que je veux chanter … Au théâtre de Saint-Pierre où j’aurais dû jouer, et en tant que comédienne, si les préjugés de race ne m’interdisaient pas d’exposer mon talent.

(…)

ANGELO : Je ne parle pas de toi, ma belle. Toi, tu ne m’as jamais dit que tu m’aimais. C’est que ma situation ambiguë ne me laisse pas d’autres possibilité de faire fortune dans cette ville où tout est à vendre et où tout est à acheter. Moi, je ne suis né ni de l’amour ni de la haine. Je ne suis né que de la violence et du mépris, je ne peux oublier que j’ai été conçu par un viol. Dans mes veines coule à la fois le sang des martyrs et celui des bourreaux. En réalité, que me reproche-t-on ? De vouloir faire vaciller le Vieux Monde, celui des békés, mais aussi de n’avoir aucune pitié pour les nègres qui subissent l’outrage de l’exploitation jusqu’à devenir l’ombre d’eux-mêmes.

Ma génitrice valait-elle mieux que mon géniteur ? Je n’ai connu et aimé ni l’un ni l’autre. Peut-être qu’un jour, dans un monde nouveau, les mulâtres pourront-ils naître de l’amour et vivre heureux, mais ce temps-là n’est pas encore ad- venu ! Cependant, moi, j’existe déjà et je suis moi aussi, quoi qu’on pense et quoi qu’on dise, une authentique victime de la honte ! »