Le ministre laisse entrevoir un espoir pour les “petits” festivals

Après l’annulation des “grands” festivals d’été, l’État promet un soutien économique et Franck Riester imagine la possibilité d’accompagner des événements à jauges réduites.

— Par Yves Perennou —
L’interdiction des grands rassemblements jusqu’au 15 juillet minimum s’apparente à une traversée du vide pour le secteur des arts du spectacle. « C’est un moment terrible pour la culture, mais l’État sera aux côtés des festivals, peut-être en organisant des festivals différents en 2020, mais surtout en 2021 », a déclaré Franck Riester sur France Inter, le 16 avril. Le ministre a précisé que l’interdiction concernait les “grands” festivals. En revanche, Franck Riester a entrouvert une porte pour les “petits” festivals : « Nous avons à préparer, d’ici deux semaines, des éléments pour envisager le déconfinement prévu à partir du 11 mai. La priorité sera la santé des spectateurs, artistes et techniciens, mais, s’il n’y a pas de problèmes de sécurité, nous accompagnerons [ces petits festivals] ». Une annonce qui a déclenché un grand désarroi. Le Prodiss s’alarme : « Cette déclaration plonge l’ensemble du secteur du spectacle dans la plus grande confusion : festivals, producteurs de concerts, artistes et spectateurs sont dans l’incompréhension. À ceci s’ajoute que l’arrêté précisant le cadre juridique de l’interdiction des festivals, à l’horizon du 15 juillet, n’est toujours pas paru.» Le même jour, Franck Riester était auditionné par la commission culture du Sénat où la sénatrice Sylvie Robert l’a interpellé sur le sujet. Elle a pointé le besoin de visibilité pour les producteurs, les maires de villes, le public, la nécessité d’un cadre juridique pour actionner la clause de force majeure et limiter les dégâts financiers. Le ministre a répondu que les décisions se feraient au cas par cas, même pour les grands festivals au-delà du 15 juillet, compte-tenu de l’évolution des règles sanitaires. Il s’est contenté de souligner le rôle d’accompagnement personnalisé de la cellule mise en place à la DGCA, avec les DRAC et les préfets, auprès des organisateurs et des élus.
Structures fragilisées
Après l’annonce de son annulation, le 13 avril, la direction du Festival d’Avignon a gardé le silence en attendant son conseil d’administration du 20 avril. En ce qui concerne le Off, le conseil d’administration d’AF&C a acté, le 15 avril, l’impossibilité d’organiser l’événement et demandé la mise en place d’un fonds de secours pour les théâtres qui vont devoir rembourser aux compagnies les acomptes de location de salles. Comme beaucoup de festivals, les Eurockéennes de Belfort metent l’accent sur l’impact économique et social : « L’annulation pose de lourdes questions sur l’avenir de l’association Territoire de musiques». Jazz à Vienne insiste sur la centaine de prestataires, fournisseurs et saisonniers mis en difficulté : « Au total, ce sont plus de 400 personnes qui travaillent chaque jour pendant la quinzaine du festival. »
Avignon Off en chômage
À ces inquiétudes, le ministère de la Culture répond d’abord en adaptant les mesures générales du gouvernement aux secteur du spectacle. Cela consiste à modifier les critères d’accès du fonds de solidarité des auto-entrepreneurs et très petites entreprises pour permettre aux artistes-auteurs d’y accéder : la période de référence pour mesurer la baisse de revenus n’est plus le mois de mars 2019, mais une période de douze mois. Un autre volet d’adaptation concerne l’assurance chômage des intermittents du spectacle et les conditions du recours au chômage partiel pour les intermittents du spectacle. Les producteurs et compagnies qui avaient prévu de jouer dans le Off d’Avignon (pour la plupart en auto-production) seront contraints de déclarer leurs artistes et techniciens au chômage partiel. Une mesure qui implique un minimum de trésorerie pour avancer les salaires avant le remboursement par l’État. Franck Riester a promis des annonces « dans les semaines à venir » pour aider les structures, ainsi qu’un fonds de solidarité porté par Audiens « pour que personne ne soit laissé au bord de la route ». Cependant, le décret du 14 avril sur l’assurance chômage n’a pas satisfait la CGT-Spectacle (lire en page 3). Une deuxième étape de la réponse de l’État sera un plan de relance qui a été promis par Emmanuel Macron le 11 avril. La DGCA y travaille.
Adaptation et solidarité
Toute la capacité d’adaptation du secteur est mise à l’épreuve. « Les directeurs de théâtre vont passer six mois sans voir une première ni même un spectacle. Dans quel état d’esprit seront-ils pour une reprise ? », s’interroge Frédéric Maurin, président du Syndicat national des scènes publiques. Les solutions passeront par la coopération, comme l’ouverture des antennes de Radio France au Printemps de Bourges et aux festivals musicaux, par des engagements réciproques comme la promesse des Francofolies de La Rochelle de réinviter les artistes, par des expériences de diffusion telle la volonté du Festival d’Aix-en-Provence de « proposer grâce au streaming une présence de ses productions 2020 ». Pour Montpellier Danse, Jean-Paul Montanari annonce un « festival archipel » alternatif dès cet automne, en s’appuyant sur la solidarité des responsables des salles et des théâtres de Montpellier. Qu’en sera-t-il du reste de l’été ? À Lyon, la Biennale de danse cherche à s’adapter (lire en page 3). À Aurillac, le directeur Frédéric Rémy assure que les équipes continuent à préparer « de façon résolue » l’édition 2020 (du 19 au 22 août). À Lorient, le festival interceltique qui se flatte d’attirer chaque année plus de 700 000 personnes dans les rues, la première semaine d’août, a reporté l’annonce de sa programmation, mais n’abandonne pas. Beaucoup y verront un acharnement irréaliste, mais l’incertitude sur la durée de la crise invite à laisser le plus d’options ouvertes.
YVES PERENNOU