Le mariage d’amour n’a que 100 ans… »

mariage_damour-2Comment peut-on affirmer cela ? Il y a bien longtemps que l’on n’épouse plus ni une dot, ni un nom, ni un titre de noblesse !

Et pourtant…

À la manière d’une enquête, ce livre retrace la longue histoire du couple : notre ancêtre Lucy a-t-elle choisi son compagnon par amour comme le font avec évidence toutes les Lucies d’aujourd’hui ? Sans jugement et en se fondant sur des faits historiques, il explique comment un simple contrat d’intérêts s’est embarrassé au fil des siècles d’un élément incroyablement nouveau : l’amour ! Et comment, finalement, ce sentiment a redistribué les cartes pour offrir au xxie siècle des possibilités totalement inédites…

Laurence Caron-Verschave a débuté sa carrière comme journaliste avant de travailler dans la communication.

Yves Ferroul est médecin sexologue, chargé de cours d’histoire de la médecine et de cours de sexologie à la faculté Lille-II. Il est également agrégé de lettres, docteur en lettres, et a enseigné la littérature du Moyen Âge à l’université Lille-III. Il est le coauteur avec Élisa Brune du Secret des femmes.

Un homme peut-il aimer une femme ? « Bien sûr que non ! » répondaient autrefois moralistes, médecins et religieux.

Pour que le couple fondé sur l’amour soit possible, il faut que soient remplies trois conditions :

1 : un homme doit pouvoir aimer une femme.
2 : une femme doit pouvoir aimer un homme.
3 : le but de la vie d’un homme doit être l’amour d’une femme et le partage de son existence (et réciproquement).

Or ces trois conditions n’ont commencé à être mises en place dans nos sociétés qu’au XIXe siècle, et le mariage d’amour n’a pu apparaître qu’à cette époque, pour ne devenir prédominant que dans les années 1880-1890, avant de finir par se généraliser – mais sans jamais éliminer les autres motivations.
C’est ce que j’explique dans mon dernier ouvrage « Le Mariage d’amour n’a que 100 ans », coécrit avec Laurence Caron-Verschave.

Un homme peut-il aimer une femme ?

Quand nous parlons aujourd’hui de l’amour d’un homme pour une femme, nous envisageons une relation à la fois affective et physique.

Dans l’Antiquité, la question ne se posait même pas. Grecs et Romains distinguaient l’amour sexuel, la passion érotique, de l’amitié.

Ils n’imaginaient pas que les deux puissent être réunis dans la relation d’un homme avec une femme, à plus forte raison d’un mari avec son épouse : « Si j’ai envie d’avoir un rapport, je ne vais pas déranger ma femme au gynécée pour une chose aussi futile », écrivait Plutarque, qui avait sous la main les esclaves, hommes ou femmes, qui lui permettaient d’assouvir ses besoins.

Le même renchérissait : « J’affirme que ce que vous ressentez quand vous vous attachez à des femmes ou à des jeunes filles, ce n’est pas de l’amour. De même les nourrisseurs et les cuisiniers n’ont pas d’affection pour les veaux et pour les volailles qu’ils engraissent « .

Pour Cicéron, l’amitié ne peut exister qu’entre hommes, et la sexualité avec l’épouse ne sert qu’à avoir des enfants légitimes. Pétri par cette culture antique, saint Augustin, vers 400, n’arrive pas à imaginer ce que Dieu veut dire quand la Genèse lui fait créer la femme « pour être une aide qui soit accordée (à l’homme) » : physiquement, la femme est moins robuste qu’un autre homme, et pour le réconfort affectif « combien plus agréable est la cohabitation de deux amis comparée à celle d’un homme et d’une femme ! »

L’amour érotique dans le mariage

Montaigne est toujours convaincu que l’amour érotique n’a pas sa place dans le mariage, et qu’il faut distinguer l’amitié (avec un homme), de la sexualité (avec sa maîtresse) et de l’affection conjugale.

La différence de condition entre les hommes et les femmes rendait impossible à ces époques l’amour à la fois sexuel et affectif que nous visons aujourd’hui en créant nos couples. Non, un homme ne pouvait pas aimer une femme !

Quant aux femmes, tout le monde était d’accord pour dire qu’elles n’avaient pas les capacités intellectuelles et morales qui leur permettraient d’aimer d’amitié un homme. Elles pouvaient désirer sexuellement, oui, mais pas aimer au sens moderne du terme.

L’amour d’une femme comme but de la vie d’un homme

On aurait bien fait rire Platon, César ou Cicéron en leur disant que leurs lointains descendants des XXe et XXIe siècles se donneraient comme but dans la vie de rencontrer une femme qu’ils aimeraient, de vivre avec elle, de s’épanouir sexuellement avec elle, d’élever avec elle les enfants du couple, de l’avoir comme amie…

Le service de l’État, la carrière, la fortune, le pouvoir ou encore la maîtrise morale, voilà les objectifs de vie d’un homme de l’Antiquité, pas la réussite de son couple !

Pour les premiers héros, Hercule ou Samson, l’amour d’une femme est même lié à la perte de la virilité, si ce n’est à la mort. Les troubadours disent la même chose, comme Jacques Brel : l’homme qui aime se dégrade au point de supplier de pouvoir devenir l’ombre du chien de la femme aimée. Quel but dans la vie !

Associer vie amoureuse et réussite professionnelle

Le premier à avoir réussi à imaginer l’amour conjugal est un romancier du XIIIe siècle. Les romanciers du siècle précédent avaient plutôt montré qu’il était impossible d’associer vie amoureuse et réussite professionnelle (de guerrier, à l’époque), les deux exigeant trop de temps.

Lui va réussir à bâtir une histoire où la femme partage la vie aventureuse de l’homme qu’elle aime, et finit par former avec lui un couple d’amis et d’amants bien plus solide et fort que le couple habituel du compagnonnage guerrier : mariés, devenus parents, ils ne se sépareront plus et affronteront ensemble toutes les difficultés de la vie.

Mais c’est une fiction ! Et vraiment isolée. Le système qui s’installe dans le monde réel est un mariage pour l’insertion sociale et la postérité légitime, la vie affective et sexuelle se vivant hors du couple conjugal, avec amants, maîtresses ou prostitué(e)s, ou entre hommes, entre amies.

Il faudra attendre le XIXe siècle pour que la condition des femmes change et que des hommes voient en elles leurs égales, que le bonheur individuel, l’épanouissement personnel, comprennent aussi la vie sexuelle, que des jeunes gens acquièrent une autonomie financière et se libèrent du joug parental pour pouvoir choisir librement qui épouser, etc.

L’Église veut freiner le mouvement

Mais l’Église a peur que le couple amoureux donne trop de place à la sexualité de plaisir, et veut freiner le mouvement.

Les médecins pensent toujours que la passion est une maladie de l’esprit, et ne peut être une base solide pour fonder une famille. Mais peu importent les oppositions, l’élan est donné, l’évolution est irrésistible : hommes et femmes veulent des enfants et s’intégrer dans la société avec la personne qu’ils aiment et qu’ils désirent sexuellement, et ne plus vivre écartelés….

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mariage_damourBroché: 128 pages
Editeur : Odile Jacob (6 mai 2015)
Collection : OJ.SC.HUMAINES
Langue : Français
ISBN-10: 2738132928
ISBN-13: 978-2738132925